La Formule 1 fait les choses en grand. Au Grand Prix du Canada, les voitures de course dépassent les 300 km/h. La piste de Montréal équivaut à une compétition de 305 km sur 70 tours des plus intenses. Parmi la foule ont déjà figuré Rihanna, Al Pacino, Penélope Cruz et Tom Brady. L’année dernière, un nombre record de 345 000 spectateurs se sont rassemblés sur le circuit Gilles-Villeneuve.

Mais le plus gros – et le plus cher – élément de ce week-end est peut-être le fait que des jets privés transportent nombre des visiteurs en quête de sensations fortes.

Environ 115 jets d’affaires atterriront dans la région de Montréal entre vendredi et dimanche, ce qui représente une hausse de 50 % par rapport à la moyenne quotidienne du mois précédent, selon les projections fournies à La Presse Canadienne par la société d’analyse WingX.

L’année dernière, 139 avions d’affaires sont arrivés en provenance des États-Unis, du Canada et d’aussi loin que l’Italie pendant le week-end de l’évènement soit une hausse de 43 % par rapport à 2019 et en accord avec la demande croissante de voyages aériens privés depuis la pandémie de COVID-19.

Les émissions de dioxyde de carbone devraient également augmenter, en raison de la course elle-même, mais surtout de l’activité aérienne qui l’entoure.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le bolide du pilote monégasque de Ferrari, Charles Leclerc, lors de la première séance d’essais libres du Grand Prix du Canada de Formule 1 sur le Circuit Gilles-Villeneuve.

« Les jets privés ont évidemment un impact démesuré, car un jet privé transporte très peu de personnes à bord, et de manière très inefficace », a déclaré Thomas Green, conseiller en politique climatique à la Fondation David Suzuki.

« Et cela peut être encore pire si le jet privé se rend à l’évènement avec certaines personnes et revient ensuite vide pour aller chercher d’autres passagers, s’il est affrété. »

En effet, une vingtaine d’avions d’affaires ont effectué plusieurs atterrissages à Montréal lors du week-end du Grand Prix de l’année dernière. Après avoir atterri, certains ont probablement décollé sans passagers afin d’amener d’autres personnes au cours des jours suivants.

Il peut être difficile d’établir un chiffre précis sur les émissions de dioxyde de carbone d’un groupe de jets privés. Mais en général, ces avions coûteux sont 5 à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux par passager, selon le groupe de défense Transport & Environnement basé à Bruxelles.

Un jet privé peut émettre deux tonnes de dioxyde de carbone en une seule heure, affirme l’organisation. En comparaison, les données de la Régie de l’énergie du Canada indiquent que le résident moyen du Québec émet moins de neuf tonnes annuellement.

« Lorsque nous examinons les émissions mondiales des passagers de l’aviation, seulement 1 % des personnes sont responsables de 50 % des émissions », a indiqué Thomas Green.

« Il y a beaucoup de super-riches et une grande partie de la classe affaires qui prennent beaucoup de vols en classe affaires ou, pour une partie d’entre eux, des jets privés. Et leur nombre augmente assez rapidement. »

Une expérience « tapis rouge »

Cette classe inclut le monde de la F1, abreuvé de champagne, où le sport à gros budget se mêle à l’aristocratie européenne dans un spectacle riche de compétition, de séduction et d’ego.

Bien que Lewis Hamilton, sept fois champion, ait vendu sa Challenger rouge cerise – fabriquée par Bombardier – pour des raisons environnementales, le champion actuel Max Verstappen parcourt le monde à bord d’un Dassault Falcon privé acheté à l’entrepreneur milliardaire Richard Branson. Certaines équipes, dont la Scuderia Ferrari, se sont associées à des sociétés telles que VistaJet pour des vols privés.

Barry Prentice, qui dirige l’institut des transports de l’Université du Manitoba, affirme que le rôle des avions privés dans la promotion des relations d’affaires, de l’activité économique et du tourisme devrait être pris en compte pour calculer leur impact global.

Le temps, c’est de l’argent. Vous devez vous rencontrer en personne pour négocier, mais aussi pour aller personnellement voir comment se porte une usine. Vous ne pouvez pas faire ça avec Zoom.

Barry Prentice

La Formule 1 marque le coup d’envoi officieux de la saison des festivals d’été à Montréal, alors que les piétons admirent des voitures de luxe et explorent les kiosques sur le thème de la F1 sur la rue Crescent au centre-ville avant la fête du Grand Prix Maxim samedi soir.

« C’est devenu l’expérience du tapis rouge de Montréal », affirme Jean-Paul Mouradian, vice-président de Feldman Entertainment Québec, qui fait la promotion de l’évènement non officiel de F1, organisé dans une ancienne gare du Canadien Pacifique.

Les billets vont de 260 $ à 20 000 $, avec comme invités cette année la pro du tennis Eugenie Bouchard, la sensation américaine des médias sociaux Sommer Ray et le rappeur maroco-américain French Montana.

« Nous avons appris des aéroports –– de Saint-Hubert, Montréal, Mirabel — que de nombreux jets privés atterrissaient », a déclaré M. Mouradian, faisant référence aux trois principaux aéroports qui entourent la ville.

Les foules au centre-ville n’ont fait qu’augmenter depuis qu’une série documentaire a accru la popularité de la F1 à partir de 2019.

« C’est le Drive to Survive de Netflix, explique-t-il. Ça a rendu les choses tellement frénétiques. »

Les équipes, équipages et autres personnels de F1, dont certains arrivés à bord d’avions d’affaires, seront au nombre de près de 3000 ce week-end, selon le Grand Prix du Canada.

« L’équipe Netflix est en fait assez petite. Elle compte généralement moins de cinq personnes », a déclaré Sandrine Garneau, responsable de la stratégie de marque.

Au milieu de tout l’enthousiasme autour du sport automobile d’élite, Thomas Green soutient que toute approche concernant les avions d’affaires doit être fondée sur une réglementation plus stricte.

« C’est formidable quand quelqu’un fait preuve de leadership et change son mode de vie pour réduire les émissions, mais nous ne pouvons pas compter sur cela », a nuancé le défenseur de l’environnement, faisant référence à la vente d’avions privés de Lewis Hamilton ainsi qu’aux achats de crédits carbone de la vedette de la pop Taylor Swift.

« Nous avons besoin de politiques qui contribuent à réduire les émissions dans l’ensemble de l’économie, a-t-il insisté. Ces petits avions ne paient pas de manière proportionnelle et ils ont un impact démesuré sur les émissions. »