Quand elle est entrée dans le bureau de la Dre Olivia Nguyen, médecin de soins palliatifs, Danielle Arbour était si souffrante et désespérée qu’elle pensait mourir.

« Vous m’auriez dit que je serais ici trois ans plus tard à vous parler, je ne l’aurais pas cru ! », dit la dame de 67 ans, résidante de Blainville.

Danielle, qui mène aujourd’hui une vie heureuse, revient de loin. En 2020, après avoir survécu à deux cancers, l’ex-barmaid pensait être enfin au bout de ses peines. Après des traitements de chimiothérapie, de radiothérapie et d’immunothérapie, le pire était derrière elle, croyait-elle.

« J’étais sûre que j’étais guérie. J’avais acheté du champagne. J’avais invité la famille… »

Au lieu de la fête dont elle rêvait déjà à la fin de ses traitements, Danielle a reçu un coup de massue : on lui a annoncé qu’elle avait un autre cancer très agressif. Il fallait l’opérer d’urgence.

À la suite de son opération, Danielle a été incapable de manger pendant sept mois. Elle avait une qualité de vie exécrable. Elle était faible et très amaigrie. Le moral à terre, d’autant plus que tout se bousculait dans sa vie. En plus de perdre sa santé, elle avait perdu son emploi, son chum, sa maison. « Je prenais 35 pilules par jour, je dormais 18 heures par jour. Je ne pesais plus que 108 livres… »

Lorsqu’on lui a dit qu’elle aurait besoin d’un tube dans l’estomac pour la gaver, c’en était trop pour elle.

« C’est là que j’ai baissé les bras pour la première fois de ma vie. Je suis une fonceuse dans la vie. Mais après tout ce que j’avais enduré depuis six ans, je me disais : ce n’est pas vrai que je vais retourner chez moi avec une machine pour me gaver ! Ça me prend une qualité de vie ! Je veux être capable un jour de manger du poisson et de reprendre un verre de vin ! »

À son infirmière pivot, Danielle a confié qu’elle envisageait l’aide médicale à mourir. C’est là qu’on lui a parlé de soins palliatifs.

« Quand on m’en a parlé, dans ma tête, c’était la fin », raconte-t-elle.

Elle n’imaginait pas que ce serait au contraire le début d’une nouvelle vie.

Danielle n’est pas la seule à associer spontanément les soins palliatifs à la mort. J’avoue que c’est aussi l’idée que je m’en faisais. Une conception réductrice que la Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, souhaite défaire.

« Dans l’imaginaire collectif et même dans le système de santé, les soins palliatifs, c’est la mort, c’est la fin de vie. Alors que l’on sait depuis plus de dix ans que les soins palliatifs améliorent la qualité de vie des gens qui ont des maladies graves et sévères », observe la Dre Nguyen, professeure adjointe de clinique à l’Université de Montréal.

Elle se rappelle la mission que lui a confiée l’infirmière pivot de Danielle : « Olivia, j’ai une patiente, je lui ai dit que tu ferais des miracles ! »

« Des miracles ? Calmons-nous ! », s’est dit en rigolant la Dre Nguyen, qui était néanmoins prête à relever le défi, données scientifiques à l’appui.

En discutant avec Danielle, la médecin a bien senti l’étendue de sa détresse et élaboré un plan de match avec elle pour soulager sa douleur.

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La Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs

Elle était désespérée. Mais elle ne voulait pas vraiment mourir, en fait. Elle voulait juste être soulagée.

La Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs

Elle l’a écoutée. Elle l’a soutenue. Elle a ajusté ses médicaments. Elle a proposé des changements dans son alimentation. Et rapidement, Danielle a repris goût à la vie.

Avec le recul, en comparant le désespoir dans lequel elle était plongée la première fois qu’elle a rencontré « Dre Olivia » et la belle vie qu’elle mène aujourd’hui, Danielle a le sentiment que son infirmière pivot avait raison de parler de « miracles ».

« Dre Olivia, avec son charisme, est venue me chercher. C’est une femme de cœur. J’étais à terre. Maintenant, je suis debout. Oui, elle a fait des miracles, notamment avec mes pilules ! »

Aujourd’hui, Danielle ne prend plus aucun médicament, mis à part un demi-somnifère avant de dormir. Elle se porte si bien que la Dre Nguyen lui a donné congé de sa clinique externe de médecine palliative.

Elle qui se croyait condamnée, elle savoure chaque moment de joie. Au lieu de penser à ce qu’elle ne peut plus faire – sortir jusqu’au bout de la nuit –, elle apprécie tout ce qu’elle peut encore faire. Les marches quotidiennes avec son chien Yuki, qu’on lui a offert à sa sortie de l’hôpital il y a trois ans. Le petit verre de vin qu’elle se permet à l’occasion…

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Danielle Arbour et sa chienne Yuki

Elle qui ne pensait plus jamais travailler, elle enfile son tablier de serveuse 15 heures par semaine dans une résidence pour personnes âgées depuis un an et demi. Un emploi très valorisant qui lui permet d’arrondir ses fins de mois tout en comblant la barmaid sociable en elle.

Elle qui ne croyait pas vivre assez longtemps pour être grand-mère, elle se réjouit à l’idée de vivre ce grand bonheur en juillet aux côtés de sa fille.

À ceux qui, comme elle, auront un jour à recevoir une très mauvaise nouvelle, Danielle aime dire : « Ne mettez pas un point final à votre vie tout de suite ! Mettez une virgule ! »

Pour elle, les soins palliatifs auront été cette virgule inespérée dans une vie encore ponctuée de bonheur.