Alors que le Québec est un pionnier dans le domaine des soins palliatifs, il accuse aujourd’hui du retard.

On doit au DBalfour Mount, professeur émérite à l’Université McGill et inventeur de l’expression « soins palliatifs », la mise sur pied il y a près de 50 ans à Montréal de l’unité intégrée de soins palliatifs de l’hôpital Royal Victoria – la première du genre en Amérique du Nord. Le DMount s’est inspiré de l’approche avant-gardiste de Cicely Saunders, infirmière, travailleuse sociale et médecin anglaise, qui a fondé le premier hospice moderne en Angleterre, en 1967. La première unité francophone de soins palliatifs dans le monde a aussi vu le jour à Montréal, à l’hôpital Notre-Dame, en 1979.

Pionnier un jour ne veut malheureusement pas dire pionnier toujours.

« En soins palliatifs, on a tous l’impression que l’on est mal compris, mal perçus et que l’on pourrait faire tellement mieux au Québec », dit la Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs.

La spécialité en médecine palliative n’est pas reconnue au Québec comme elle l’est dans les autres provinces. L’accès est inégal d’une région à l’autre et est trop souvent tardif. Et l’amalgame « soins palliatifs » et « fin de vie », qui nuit à la prise en charge précoce préconisée par les experts, demeure tenace.

C’est profondément dommage parce que l’on sait que d’avoir une approche palliative tôt dans la maladie, ça améliore la qualité de vie des gens. Ils se sentent mieux, ils vivent mieux. Ça améliore aussi la qualité de vie des proches, qui ressentent moins de détresse, se sentent soutenus.

La Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs

L’exemple de Danielle Arbour, qui a retrouvé une belle qualité de vie grâce aux soins palliatifs, est éloquent en ce sens. « Malheureusement, les personnes comme Danielle ne sont pas la majorité des personnes que nous suivons en soins palliatifs, entre autres à cause de la conception selon laquelle “soins palliatifs” égale “la fin”. Donc, trop souvent, les références sont trop tardives », observe la Dre Nguyen.

Afin de démystifier les soins palliatifs et de mieux expliquer leur objectif premier – obtenir pour les patients atteints de maladies graves et leurs proches la meilleure qualité de vie possible –, la Coalition du Québec pour l’accès aux soins palliatifs a lancé récemment une campagne qui met en lumière l’impact positif de ces soins sur le bien-être des patients1.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Les soins palliatifs ont pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patients.

S’il est vrai que les soins palliatifs permettent une meilleure gestion de la douleur en fin de vie, ils ne se limitent pas à ces seuls soins. Ils peuvent aussi être complémentaires à des traitements curatifs dès l’annonce d’un diagnostic.

On essaie d’aider les gens à savourer la vie comme ils le souhaitent, indépendamment de ce qui arrive dans le futur.

La Dre Olivia Nguyen, présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs

Avec la forte hausse des cancers chez des gens de plus en plus jeunes, l’accès à des soins palliatifs de qualité est appelé à devenir un enjeu d’importance pour tous, rappelle la Dre Nguyen. « On a l’impression que c’est un immense lot de souffrances qui s’en vient. On sait que les coûts du système de santé sont en croissance exponentielle. Et on a l’impression qu’avoir une approche palliative ou davantage de soins palliatifs, ça pourrait aider non seulement à diminuer la souffrance, mais aussi, d’un point de vue économique, à réduire les coûts du système. »

Il faut préciser par ailleurs que les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir peuvent être complémentaires. Le débat sur l’aide médicale à mourir a entraîné un clivage et une certaine confusion donnant à croire qu’il fallait choisir l’un ou l’autre. « Les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir ont été mis en opposition comme si on ne pouvait pas vouloir les deux. Et cela a probablement nui aux soins palliatifs », constate la Dre Nguyen. Pourtant, la volonté de Véronique Hivon, qui a porté le dossier Mourir dans la dignité, était aussi d’améliorer les soins palliatifs, rappelle-t-elle.

Des patients qui demandent l’aide médicale à mourir devraient aussi pouvoir bénéficier de soins palliatifs, dit la Dre Nguyen. « En attendant l’aide médicale à mourir, ils vivent encore. Donc, si on peut soulager leurs symptômes et améliorer leur qualité de vie jusqu’à ce qu’ils l’obtiennent, c’est aussi très bien. Personne ne devrait vivre dans d’atroces souffrances jusqu’à son aide médicale à mourir. »

1. Visionnez les vidéos de la Coalition du Québec pour l’accès aux soins palliatifs