Une bonne chose de faite : les autorités montréalaises ont enfin démantelé le campement propalestinien qui avait pris d’assaut le square Victoria depuis presque deux semaines.

L’opération s’est faite aux aurores vendredi, avec une forte présence du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). La quinzaine de manifestants qui dormaient sur place ont été évacués. Un bataillon de cols bleus a nettoyé le site en quelques heures.

La tension était montée de plusieurs crans ces derniers jours, il faut le rappeler. Il y a eu une multiplication des actes de vandalisme. De l’intimidation envers des policiers et des journalistes. Un patrouilleur blessé aux yeux par un laser. La liste s’allongeait à vue d’œil…

Avec cette intervention, la Ville de Montréal et le SPVM ont offert une réponse aux nombreux critiques – je m’inclus dans le lot – qui trouvaient que ça prenait beaucoup de temps pour ramener l’ordre public dans le secteur.

Un long travail d’analyse a été fait pour trouver la meilleure façon de démanteler le camp. Finalement, c’est un règlement sur l’occupation du domaine public de l’arrondissement de Ville-Marie qui a été invoqué afin d’expulser les manifestants, m’a-t-on expliqué vendredi matin au cabinet de Valérie Plante.

Est-ce que ça aurait pu – ou dû – être fait plus vite ? Je pense toujours que oui. La mairesse a justifié ce délai de deux semaines par tous les « préparatifs » requis. Dans tous les cas, le dénouement pacifique de l’affaire mérite d’être salué.

La cause au cœur de ce campement reste bien sûr d’actualité. Mais les demandes pointues faites par les manifestants apparaissaient destinées à se heurter à un mur, dès le jour 1 de leur occupation.

Ils exigeaient entre autres que la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont le siège social se trouve au square Victoria, se départe immédiatement de 14 milliards de dollars d’investissements, répartis dans 87 entreprises.

Même dans le scénario très hypothétique où la Caisse aurait voulu liquider des milliards en placements, cette opération aurait pris plusieurs trimestres.

Le campement aurait pu, selon les prétentions des manifestants, rester en place de manière indéfinie.

La situation d’un autre campement, celui situé à McGill, est toujours en suspens. L’amas de tentes s’est formé à la fin avril. Toutes les tentatives de l’université pour le déloger – entre autres devant la Cour supérieure – ont été vaines.

Les choses semblent se corser là aussi, comme ce fut le cas au square Victoria.

Les leaders du campement ont refusé l’accès aux inspecteurs du Service incendie de Montréal jeudi, a révélé TVA Nouvelles⁠1. Le journaliste Yves Poirier du réseau TVA a été aspergé d’eau par des manifestants. Des profs s’inquiètent en vue de la rentrée du mois prochain.

Bien des membres de la communauté de McGill se sentent « menacés » par les gestes « illégaux et intimidants » commis sur le campus, a fait valoir le recteur Deep Saini dans une lettre publiée le 18 juin. Il a encore demandé au SPVM et à la Ville d’intervenir ce vendredi, sans succès.

Vos terrains sont privés, arrangez-vous, s’est-il fait répondre en somme.

L’impasse ne semble pas près de se dénouer. McGill refuse d’acquiescer à 100 % des demandes des manifestants. Ils exigent, entre autres choses, qu’elle coupe tous ses liens universitaires et financiers avec Israël. Les propositions de médiation de l’Université ont été rejetées.

Une nouvelle date d’audience a été fixée devant la Cour supérieure à la fin juillet. À suivre.

Les voies de contournement existent pour permettre le droit de manifester, sans empiètement sur la propriété privée. On l’a vu cette semaine à l’Université de Toronto ou encore à l’Université de Sherbrooke. Des campements y ont été démantelés, en tout ou en partie, sans heurt.

L’UQAM a aussi trouvé le moyen d’en arriver à une entente avec des protestataires qui avaient dressé leurs tentes, à la fin mai. En moins de trois semaines.

Les deux camps ont convenu d’une résolution qui répondait « favorablement aux conditions minimales » posées par les manifestants. Un moitié-moitié qui a permis à tout le monde de sauver la face.

À quoi s’attendre pour la suite ?

Probablement : à des relations plus tendues entre le gouvernement Legault et l’administration Plante. Ils se sont balancé des gros mots sur le réseau X, ces derniers jours, quant à la bonne façon de gérer les campements. Montréal devra continuer de s’occuper d’une série d’autres crises sur son territoire, comme celles de l’itinérance et du logement, en espérant le soutien de Québec.

Aussi dans le domaine des possibles : l’établissement d’autres campements ailleurs à Montréal. Si ce scénario se concrétise, on espère que les leçons des dernières semaines mèneront à une réaction plus rapide de la Ville.

1. Regardez « Accès refusé pour le SIM au campement de McGill »