(Québec) Le premier ministre François Legault donnera le feu vert au projet de tramway et de service rapide par bus (SRB) dans la capitale, recommandé par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Et il maintiendra en vie sa promesse de troisième lien autoroutier en lançant une nouvelle étude sur le sujet.

Dans son plan dévoilé mercredi, la Caisse propose pour le tramway une phase  1 vers Charlesbourg et une phase 2 vers D’Estimauville, dans l’Est. Québec annoncera jeudi qu’il donne le mandat à la Caisse de réaliser les deux dans une première phase. Avec ce mandat confié à la Caisse, le gouvernement cherche à ce que le projet se réalise rapidement, lui qui est accusé d’avoir retardé les plans du maire Bruno Marchand.

Québec envisage que son agence des transports, Mobilité Infra Québec, soit associée à la réalisation de ce réseau de transport collectif une fois que le projet de loi prévoyant sa création sera adopté, quelque part à l’automne. Un amendement serait déposé pour prévoir une entente en ce sens entre la Caisse et Mobilité Infra Québec.

Même si la Caisse ne recommande pas le troisième lien autoroutier du point de vue de la mobilité, François Legault n’abandonne pas sa promesse, au nom de la « sécurité économique ». Il confiera le mandat au ministère des Transports d’étudier un tel projet dans l’Est, avant l’Île d’Orléans. Le mandat sera transféré à Mobilité Infra Québec une fois que l’agence verra le jour.

Mercredi, les ténors du gouvernement sont restés prudents après le dévoilement du rapport très attendu de la Caisse. La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, et le premier ministre, François Legault, réagiront ce jeudi.

« Je suis très positif par rapport au rapport, au professionnalisme du rapport. On a devant nous un plan directeur sur 15 ans, phasé, structuré. Pour la région de la Capitale-Nationale, c’est bon », a commenté, visiblement enthousiaste, le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien.

Le maire de Québec comprend que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant. Il assure avoir eu des échanges constructifs avec le gouvernement Legault dans les derniers jours.

« J’ai senti leur goût d’aller de l’avant, a indiqué Bruno Marchand. M. Legault avait dit : on va foncer une fois qu’on aura le rapport, alors je veux qu’on aille rapidement. »

Quel montage financier ?

En déposant son vaste plan pour la mobilité dans la capitale, CDPQ Infra a été très claire : elle souhaite construire ce réseau de 70 km de lignes de tramway et de SRB sur les deux rives. Son Plan CITÉ (circuit intégré de transport express) est estimé à 15,5 milliards de dollars (voir autre texte pour les détails).

« Ça prend une décision, ça prend la mise en place de la bonne gouvernance pour développer, mettre en place et réaliser ce projet rapidement », a lancé mercredi Jean-Marc Arbaud, président et chef de la direction de CDPQ Infra.

La Caisse pense pouvoir livrer la « colonne vertébrale » du tramway, la première ligne de Le Gendre à Charlesbourg, en 2030. Mais pour commencer les travaux, elle a besoin d’une décision du gouvernement Legault. Celui-ci a fait plusieurs volte-face dans l’épineux dossier de la mobilité dans la capitale.

Ce qui est clair, c’est qu’après six mois d’analyse, la Caisse souhaiterait mener le chantier.

« C’est certain qu’on aimerait bien contribuer. Personnellement, je pense que de développer des plans de mobilité et d’améliorer la mobilité dans les transports en commun, c’est très important, et ça le deviendra encore davantage dans les prochaines années avec les enjeux environnementaux », avance Jean-Marc Arbaud.

Contrairement au Réseau express métropolitain à Montréal, la Caisse ne souhaite toutefois pas exploiter le futur tramway. Elle souhaite le construire.

Le montage financier de ce nouveau partenariat entre la Ville, la Caisse, le gouvernement et la nouvelle agence des transports n’est pas clair. Ces questions n’ont pas encore été abordées avec la Ville de Québec. Mais dans l’entourage du maire, on dit avoir bon espoir « de trouver des terrains d’entente ».

Ce qui est clair, c’est que la Caisse devra y trouver son compte. « Nous sommes une filiale de la CDPQ et on travaille avec le bas de laine des Québécois. C’est certain qu’il faut une certaine rentabilité pour intervenir sur les projets, il n’y a aucun doute », affirme Jean-Marc Arbaud.

Marchand optimiste comme jamais

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le maire de Québec, Bruno Marchand

Le maire de Québec n’a pas voulu fanfaronner mercredi en commentant le rapport de la Caisse, qui confirme la nécessité de son projet de tramway et partage ses doutes sur la pertinence d’un troisième lien autoroutier.

« Je ne suis pas là pour gagner personnellement, pour un trip d’ego, alors c’est la victoire de qui, je m’en fous. C’est la victoire d’une ville », a indiqué Bruno Marchand.

Le maire l’admet : il n’a jamais été aussi optimiste quant aux chances de réaliser le projet de tramway, qui a souvent subi les critiques des élus caquistes depuis son dévoilement en 2018.

Bruno Marchand espère simplement que le projet sera entamé rapidement. Le chef conservateur, Pierre Poilièvre, qui caracole en tête des sondages, a dit récemment qu’il n’entendait pas financer le tramway. Or, le gouvernement Trudeau s’est déjà engagé à payer 40 % de la facture.

« Oui, oui, c’est une inquiétude, parce qu’il est clair dans ses intentions. Il peut revenir en arrière, changer d’idée. Je pense qu’il devrait changer d’idée. Parce que s’il ne le faisait pas, il augmenterait la discrimination entre Québec et les autres villes canadiennes, pour lesquelles Ottawa a financé des réseaux de transports en commun », a dit mercredi M. Marchand.

La réaction a été tout autre à Lévis. Le maire Gille Lehouillier, grand partisan du troisième lien autoroutier, s’est dit « extrêmement déçu du rapport ». Il se raccroche toutefois à une déclaration de Mme Guilbault selon laquelle il serait irresponsable de ne conserver qu’un lien routier entre Québec et Lévis pour le transport des marchandises.

« Je pense que la ministre n’avait d’autre choix que de faire cette déclaration, au risque de se retrouver avec des démissions au sein du caucus » de la CAQ, a indiqué le maire de Lévis.