Les ventes d’abonnements de saison ont littéralement explosé dans les dernières semaines, confirment de nombreuses stations de ski qui préviennent qu’ils devront probablement à un certain point mettre le holà afin de s’assurer que les consignes sanitaires, dont la distanciation physique de deux mètres, puissent être respectées.

Par exemple, même si les premiers flocons de neige ne sont pas encore tombés, la station de ski Bromont rapporte qu’elle a vendu davantage d’abonnements de saison que durant toute la saison dernière.

Les ventes sont aussi encourageantes chez Ski Saint-Bruno, où vendredi on y enregistrait une progression de 20 % par rapport à la même date l’an dernier. « Ça va extrêmement bien en ce moment », s’est réjoui le grand patron, Michel Couture, disant sentir « un mouvement de fraîcheur » après l’incertitude jusqu’à tout récemment que les centres de ski soient complètement fermés.

Les skieurs se sont précipités sur les abonnements. Et, comme ailleurs, la clientèle change, si bien que les pentes pourraient bien prendre des allures de club de l’âge d’or à certains moments avec les snowbirds qui resteront au pays.

Ce qu’on voit, c’est des gens qui reviennent au ski. Des gens qui allaient en Floride, des retraités, qui sortent leurs vieux skis et qui viennent ici s’assurer qu’ils sont toujours conformes.

Michel Couture, propriétaire de la station de ski Mont Saint-Bruno

Cette clientèle qui affectionne les jours de semaine est particulièrement bien accueillie puisque ces plages horaires sont « excessivement calmes », ce qui est gagnant-gagnant puisque les coûts d’opération demeurent les mêmes. Au bout du fil, sa voix souriante et sa respiration ne laissaient planer aucun doute sur sa joie : il est « bien heureux » que les frontières soient fermées.

Le télétravail change les habitudes de vie de la population, a pour sa part insisté Jean-Michel Ryan, le président-directeur général de la station de ski Mont Sutton, dans les Cantons-de-l’Est, où les ventes d’abonnements de semaine sont en forte progression.

« Une bonne partie de notre clientèle vient du secteur de Montréal et de la Rive-Sud, a-t-il déclaré. Les gens ont des résidences secondaires. […] Ça leur procure une plus grande flexibilité et probablement vont vouloir en profiter davantage durant l’hiver. »

Il est à noter que la santé publique déconseille les déplacements entre les régions, même si la zone d’où proviendrait ou se dirigerait une personne se trouve dans le même palier d’alerte.

L’engouement pour le plein air qui a été observé durant l’été est en train de se prolonger durant la saison froide, une tendance que M. Ryan dit constater « à travers les produits qui sont vendus actuellement et à travers le rythme de ventes ».

Dans le secteur des stations de ski, près de la moitié des ventes sont des abonnements de saison et l’autre moitié des billets à la journée, révèle une étude réalisée par le professeur Michel Archambault de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Or, cette année, avec la pandémie, les stations de ski devront opérer avec des capacités restreintes. 

Avec la hausse des ventes d’abonnements, on va être obligés de réduire les ventes de billets quotidiens.

Yves Juneau, le président-directeur général de l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ)

C’est précisément ce que compte faire la station de ski de Bromont. « Il y a une possibilité qu’on ne vende pas de billets ou très, très peu les week-ends », a confirmé son porte-parole, Marc-André Meunier, expliquant que la station de ski veut donner la priorité à ses membres. Déjà, les abonnements pour les fins de semaine cesseront d’être vendus. C’est « imminent », a-t-il prévenu.

L’immense station de ski estime pour le moment qu’elle pourra accueillir « de façon confortable » un maximum de 5000 personnes simultanément sur la montagne tout en respectant les règles de la santé publique. « On va le vivre, on va s’ajuster, a dit M. Meunier. C’est pour ça qu’on a décidé de limiter le nombre de passes pour s’assurer que ça se passe bien. »

Bien que Bromont soit situé dans la région administrative de la Montérégie, la santé publique classe la municipalité dans la région sociosanitaire de l’Estrie, donc en zone orange. La station pourra être en activité « pratiquement de façon normale ». Elle l’a échappé belle. « On est vraiment juste sur la ligne », a expliqué M. Meunier.

Et ça fait toute la différence. Parlez-en à Michel Couture de Ski Saint-Bruno qui se trouve en zone rouge. En vertu des consignes sanitaires, la location d’équipements à la journée est interdite, l’école de ski aussi et les chalets ne peuvent offrir de service de cafétéria.

De plus, seuls les skieurs vivant à la même adresse pourront s’asseoir sur le même banc des remontées mécaniques, ce qui, selon lui, ampute environ de moitié sa capacité d’accueil.

« Si j’ai 50 % de capacité, je n’irai pas vendre 100 % de billets », a-t-il lancé. Pense-t-il devoir éventuellement cesser les ventes ? « Oui », tranche-t-il du tac au tac expliquant être confronté à « une demande plus forte que l’offre ». Si la tendance actuelle se maintient, il croit que « tout » pourrait bien être vendu au début décembre.

M. Couture implore la santé publique de faire preuve d’indulgence sur la capacité des télésièges. « Il faut comprendre qu’une chaise de remontée mécanique, tu es en déplacement continuel, a-t-il plaidé. Ça avance tout le temps dans le vent. Il y a tout le temps un apport d’air frais. Il n’y a pas de danger. Surtout qu’on oblige la cagoule et la lunette. »

Il espère également que Québec lâchera du lest sur la location d’équipements, un service comparable selon lui à celui qu’offre les centres de locations d’outils. « C’est pas mal la même affaire [qu’une paire de skis qui sera manipulée]. »

Quant à l’école de ski, qui représente normalement une part considérable du chiffre d’affaires, M. Couture pourrait bien soulager ses « doigts croisés » sous peu.

« Je m’attends à ce que lundi on ait la confirmation pour procéder aux leçons de ski privé pour les gens qui habitent dans le même lieu de résidence », a soutenu en entrevue Yves Juneau de l’ASSQ.

Cette nouvelle permettrait à Ski Saint-Bruno de récupérer une bonne partie de cette clientèle. L’école, fréquentée par 32 000 élèves, représente une « pierre angulaire » qui permet de générer des revenus au chapitre de la restauration, la boutique et la location, etc.

Chose certaine, pour que les stations restent ouvertes, les exploitants, leurs employés et les amateurs de glisse devront respecter les règles, a indiqué M. Couture, d’autant plus que les activités physiques extérieures d’hiver ne sont pas aussi nombreuses que celles pouvant se pratiquer l’été.

- Texte de l’initiative de journalisme local