En considérant comme nul tout contrat de mère porteuse, «le Québec crée une nouvelle catégorie de petits bâtards», déplore Marie-France Bureau, professeure de droit à l'Université de Sherbrooke.

S'il n'est pas illégal d'avoir recours aux mères porteuses, le Code criminel interdit toute rémunération, partout au Canada. Plusieurs provinces reconnaissent néanmoins les contrats signés avec elles, la Colombie-Britannique introduisant même la triparentalité.

Au Québec, il n'y a aucune protection contractuelle qui vaille. Si la mère porteuse refuse de leur remettre l'enfant à la naissance, les parents d'intention n'ont aucun recours. La mère porteuse qui verrait les parents d'intention prendre leurs jambes à leur cou à la naissance d'un bébé présentant de gros problèmes de santé n'est pas davantage protégée.

Cela veut aussi dire que «l'établissement d'une filiation devient une loterie», déplore Marie-France Bureau.

Si, en général, les juges avalisent l'adoption subséquente du bébé par l'un des deux parents (comme le veut la pratique) et ferment les yeux sur le contrat de mère porteuse, le contraire est arrivé en 2009. Le juge Michel DuBois a alors refusé à une femme infertile (ayant eu recours à une mère porteuse avec son mari) qu'elle puisse être considérée comme la mère de l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-il estimé, ne justifie pas qu'on avalise par la bande ce que l'on refuse officiellement.

Exceptionnellement, sur son acte de naissance, l'enfant n'a eu pour parent que son seul père.

Louise Langevin, professeure de droit à l'Université Laval, et Margaret Somerville, professeure au Centre de médecine, d'éthique et de droit de l'Université McGill, sont totalement opposées au recours aux mères porteuses. Pour Margaret Somerville, l'État ne doit d'aucune manière le légitimer parce que c'est contraire à l'intérêt de l'enfant, que cela ouvre la porte à l'exploitation de femmes pauvres et parce que la reproduction n'est pas un bien de consommation.

Aussi opposée soit-elle à la pratique - essentiellement pour les mêmes raisons -, Louise Langevin constate qu'elle est là pour rester. Dans ces conditions, mieux vaut l'encadrer, rémunérer les femmes adéquatement, sans hypocrisie aucune.

«Actuellement, elles reçoivent à peu près 20 000$ alors que les couples gais paient de 80 000 à 100 000$ aux centres qui les recrutent. Ça fait pas mal d'intermédiaires qui s'en mettent plein les poches.»

Limiter la rémunération

Dominique Goubau, lui aussi professeur de droit à l'Université Laval, croit pour sa part qu'il faut encadrer la pratique et n'offrir aucune rémunération, seulement des compensations. Autrement, cela risquerait fort de mener aux dérives constatées dans le trafic d'organes.

Il se dit néanmoins conscient que l'incitation financière compte pour beaucoup dans la décision d'une femme de devenir mère porteuse. L'altruisme, cela se voit sans doute quand il s'agit d'aider un proche, mais, pour de purs étrangers, «c'est un mythe», dit-il.

Si l'on ne verse que des compensations, alors qui voudra encore devenir mère porteuse?

«Si le dédommagement est limité, on verra peut-être diminuer le recours aux mères porteuses qui sont étrangères au couple. Et ce ne serait pas mauvais.»

Marie-France Bureau rappelle qu'en 1980, quand le droit de la famille a été réformé, son point-phare était la nécessaire égalité des enfants. Or, aujourd'hui, il en va tout autrement en matière de gestation pour autrui, dénonce-t-elle. «Vous avez grandi dans le ventre d'une autre? Tant pis, vous ne méritez pas de filiation maternelle.»