Provoquer un accouchement avec un médicament n'augmente pas le risque que le bébé soit autiste, contrairement à ce qu'affirmait il y a trois ans une importante étude américaine. Telle est la conclusion d'une nouvelle étude, tirée de données suédoises, qui a trouvé une manière originale de départager la génétique de l'ocytocine, le médicament couramment utilisé pour provoquer le travail.

«Après l'étude de la Caroline du Nord, nous nous sommes demandé s'il pouvait y avoir un effet génétique ou de l'environnement, explique Anna Sara Oberg, épidémiologiste à l'Université Harvard, qui est l'auteure principale de l'étude publiée en juillet dans la revue JAMA Pediatrics. Heureusement, nous avons accès à des données suédoises qui permettent beaucoup de croisements.»

L'étude de la Caroline du Nord, publiée elle aussi dans le JAMA Pediatrics, avait examiné les dossiers de 650 000 enfants nés entre 1990 et 1997. Elle avait conclu qu'un accouchement provoqué augmentait de 27 % le risque d'autisme.

Celle de Mme Oberg a examiné les dossiers de 1,4 million d'enfants nés en Suède entre 1992 et 2005. Un accouchement provoqué augmentait aussi le risque d'autisme. Mais quand l'analyse était restreinte aux bébés cousins, le risque diminuait. Quand les chercheurs de Harvard n'examinaient que les dossiers des frères et soeurs, un accouchement provoqué n'augmentait plus du tout le risque d'autisme.

«Il semble qu'il y a quelque chose dans la génétique des parents qui mène à la fois à un accouchement provoqué et à l'autisme.»

Clinique de fertilité et déficience intellectuelle

L'équipe de Harvard veut maintenant s'attaquer à une autre étude du même genre, qui avait conclu en 2013 que les couples qui ont des enfants après des traitements dans une clinique de fertilité ont 18 % plus de risque d'avoir un bébé souffrant de déficience intellectuelle. «L'étude de 2013 de Sandin utilisait aussi des données scandinaves, dit Mme Oberg. Nous pensons qu'il devrait être possible d'analyser de nouveau les données pour comparer les enfants d'une même fratrie, comme nous l'avons fait.»

Dans un éditorial accompagnant l'étude de Mme Oberg, un pédiatre de l'Université d'État de l'Ohio, Daniel Coury, a souligné que même si le risque de déficience intellectuelle associé aux cliniques de fertilité s'avérait malgré une réanalyse en tenant compte de la fratrie, le risque demeure faible. 

«Pour les 60 000 enfants nés aux États-Unis de cette manière chaque année, on parle de 1416 enfants avec une déficience intellectuelle plutôt que 1200, dit le Dr Coury en entrevue. Quand on dit aux parents que le risque de déficience intellectuelle ou d'autisme augmente de 20 % ou 30 %, ils s'inquiètent. Je pense qu'il vaudrait mieux leur faire valoir que le risque augmente de 1,5 % à 1,8 % pour l'autisme, ou de 2 % à 2,4 % pour la déficience intellectuelle. Ça permettrait aux parents de prendre des décisions plus éclairées.»

L'avantage scandinave

Plusieurs grandes études épidémiologiques utilisent des données scandinaves. La raison est simple: dans ces pays nordiques, les chercheurs peuvent souvent accéder à des bases de données centralisées combinant des données médicales parents-enfants ainsi que des ministères de l'Éducation et de l'Emploi. «Je ne pense pas qu'il serait possible avec les cohortes américaines d'identifier de cette manière les enfants d'une même mère comme nous l'avons fait», dit Anna Sara Oberg. Y a-t-il trop de protection des données aux États-Unis et au Canada? «C'est assez délicat pour moi, mais j'aurais tendance à dire que oui, dit-elle. Mes recherches sont grandement facilitées par cet accès aux données, par cette confiance qu'ont les Scandinaves envers la sécurité de leurs bases de données publiques. Il est frustrant de voir combien l'absence d'une telle confiance complique la recherche ici.»