La pilule anticonceptionnelle augmente de 80 % le risque de dépression chez les adolescentes, selon une nouvelle étude danoise. Selon ses auteurs, cela signifie que cette option de contraception devrait être utilisée avec précaution par des adolescentes ayant déjà pris des antidépresseurs ou ayant récemment eu une détérioration marquée de leur humeur.

«Jusqu'à maintenant, les études avaient été contradictoires sur le sujet», explique l'auteur principal de l'étude publiée à la fin du mois de septembre dans la revue JAMA Psychiatry, le gynécologue Oejvind Lidegaard, de l'Université de Copenhague. 

«Mais les résultats, selon moi, étaient faussés par le fait qu'on étudiait surtout les femmes qui en prenaient depuis longtemps, qui souvent sont en santé et moins susceptibles aux troubles de l'humeur.»

L'étude a été proposée par des étudiantes au doctorat qui avaient toutes eu des amies qui étaient déprimées après avoir commencé la prise de contraception orale. Les dossiers médicaux de 1 million de Danoises de 15 à 34 ans ont été analysés, sur une période de suivi de 13 ans. Le risque moyen augmentait de 23 % et était plus élevé chez les jeunes et dans les mois suivant le début de la prise de la pilule. Il fallait entre 4 et 10 ans de prise de la pilule pour que le risque de dépression retombe à 0.

Une récente étude, menée à partir d'une base de données similaires en Suède, a découvert que le lien entre un accouchement provoqué par des médicaments et l'autisme, établi par une étude américaine en 2013, était en fait dû à des particularités génétiques à la source des deux phénomènes - la susceptibilité d'avoir un accouchement provoqué et l'autisme. Se pourrait-il que le même phénomène soit ici en cause?

«Un collègue a proposé une explication similaire de causalité commune, dit le Dr Lidegaard. Il dit que les jeunes femmes commencent à prendre la pilule quand elles ont une liaison amoureuse sérieuse. Un mois après, quand elles se rendent compte combien les hommes sont décevants, elles sont déprimées. Je ne pense pas que ce soit le cas, parce que le risque de dépression variait selon les différentes classes de pilules anticonceptionnelles.»

«Je ne pense pas que le risque génétique ou le risque d'être déçu par un homme influence le type de pilule qu'on choisit.»

D'autres facteurs écartés

L'équipe danoise a vérifié l'influence de plusieurs facteurs confondants, dont l'éducation, le tabagisme, le surpoids et l'âge. Les chercheurs ont aussi pu inclure dans leurs analyses un historique familial de diagnostic de dépression, mais pas de prise d'antidépresseurs. Ils ont aussi exclu toutes les femmes ayant eu un diagnostic psychiatrique, le cancer ou des enfants. «Mon expérience me dit qu'un lien temporel aussi court entre la prise d'une substance et la dépression est presque certainement causal.»

Peut-il y avoir une différence suivant que la pilule anticonceptionnelle est prise dans un but de contraception ou dans un but de réduction des douleurs menstruelles ou de régulation du cycle? «Il y a aussi des femmes qui prennent la pilule pour régler des problèmes de peau, dit le Dr Lidegaard. Il est certain que les troubles menstruels sont une source d'anxiété, mais nous n'avons pas pu vérifier ce point.»

Pilule et politique

Selon le gynécologue de Copenhague, deux facteurs militent en faveur du lien entre pilule et dépression. Tout d'abord, les études précédentes comparaient des femmes prenant la pilule depuis longtemps à des femmes qui ne la prenaient pas ; ce dernier groupe comportait certainement des femmes qui avaient arrêté la pilule à cause d'une susceptibilité à la dépression, selon lui.

«J'ai deux filles adolescentes et je vois bien qu'elles vivent toutes sortes d'émotions. L'impact de la pilule, sur le plan du risque de dépression, semble justement plus élevé à cet âge.»

Laisserait-il ses filles prendre la pilule? «Je réalise que ces résultats sont très embêtants. Je suis membre du comité des lignes directrices sur la contraception au Danemark, je connais l'importance de la pilule. Je pense simplement qu'en présence de facteurs de risque, il faut faire attention. Les femmes ont le droit de faire ce qu'elles veulent, du moins jusqu'à l'élection présidentielle américaine. Après, si les républicains gagnent avec leur candidat actuel, personne ne sait ce qui va arriver.»

Justement, la politique américaine pourrait compromettre des recherches qu'a entreprises le Dr Lidegaard pour utiliser ses résultats dans le traitement de la dépression. «Si la pilule augmente le risque de dépression, il devrait être possible d'utiliser des hormones pour la prévenir. Nous avons justement un médicament qui pourrait être testé comme traitement ou en prévention. Le problème, c'est qu'il est actuellement utilisé pour l'avortement. Dans le climat politique actuel aux États-Unis, ce type de recherche est très délicat.»