Une famille et une communauté en deuil

(Aguascalientes) Le corps de la boxeuse mexicaine de 18 ans morte récemment à Montréal à la suite d’un combat ayant tourné au drame a finalement été récupéré par sa famille, qui a organisé vendredi dans sa ville natale une procession funéraire ponctuée de pleurs et de cris de détresse.

Plusieurs dizaines de proches de Jeanette Zacarias Zapata se sont réunis en début de soirée dans le nord de la ville d’Aguascalientes, au centre du pays, devant le modeste studio de boxe où elle s’était préparée pour l’affrontement.

« C’est une journée à la fois triste et joyeuse. Ma petite fille est enfin revenue », a confié à La Presse le père de la boxeuse, Esteban Zacarias, sans chercher à se protéger de la pluie qui coulait le long de son visage en se mêlant aux larmes.

PHOTO JOSE ROBERTO GUERRA, COLLABORATION SPÉCIALE

Esteban Zacarias, père de Jeanette Zacarias Zapata

Patricia Zapata, une cousine de la boxeuse, tenait dans ses bras un nouveau-né âgé de quelques semaines.

« Elle ne le connaîtra jamais », a déploré Mme Zapata, qui est venue du nord du pays, parcourant plus de 1500 kilomètres avec son enfant, pour pouvoir se recueillir avec la famille.

« Jeanette aimait ce qu’elle faisait, elle aimait la boxe », a précisé la cousine en relevant qu’il ne servait à rien de chercher un coupable pour expliquer sa fin, survenue cinq jours après qu’elle a subi un K.-O. aux mains de la boxeuse québécoise Marie-Pier Houle.

Elle voulait se battre et elle se sentait prête à le faire […] C’était la première fois qu’elle quittait le Mexique, elle était très excitée.

Patricia Zapata, cousine de Jeanette

Dans l’entrée du centre d’entraînement, où avait été installée une grande photo de la boxeuse, l’entraîneur de Jeanette Zacarias Zapata affichait aussi une mine déconfite.

« Elle venait ici depuis qu’elle était toute petite pour accompagner son père lorsqu’il venait s’entraîner », a déclaré Luis Cruz, tandis que des enfants gantés s’échinaient derrière lui sur des sacs de sable.

Lui aussi assurait vendredi qu’il ne servait à rien de chercher qui était responsable de la fin de la boxeuse. « Lorsqu’on est en colère, on cherche à rejeter la responsabilité sur quelqu’un, mais il n’y a personne. C’est un accident de boxe », a-t-il affirmé.

Brian Romo, un boxeur professionnel s’entraînant lui aussi au studio de boxe Round 4, a déclaré que la mort de Jeanette Zacarias Zapata était « une perte très difficile ».

« On est une famille ici… En fin de compte, on va en sortir plus forts », a-t-il assuré alors que le corbillard transportant la dépouille de la boxeuse se mettait lentement en branle, sous escorte policière, le long d’une route sans âme rendue boueuse par une ondée tardive.

Solidarité

La famille immédiate marchait au premier rang bras dessus, bras dessous, certains portant des t-shirts où Jeanette Zacarias Zapata apparaissait avec les ailes d’un ange.

« Je ne peux pas croire qu’elle n’est plus là », a gémi une jeune femme se décrivant comme la meilleure amie de la boxeuse et qui traînait un ballon rouge en forme de cœur.

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Des amies de Jeanette Zacarias Zapata, en pleurs, se recueillent sur le coffre du corbillard transportant la dépouille de la boxeuse.

Le cortège a gagné en importance à mesure qu’il remontait vers le nord en direction du quartier de Puertecito de la Virgen, des résidants se greffant au groupe alors que d’autres restaient à se recueillir sur le côté de la route.

Marisela Ramirez, qui y habite depuis 20 ans, a expliqué que la nouvelle de la fin tragique de la boxeuse avait profondément choqué les gens de la communauté locale. « C’est quelque chose qu’on ne réussit toujours pas vraiment à croire », a-t-elle dit.

Jhania Puente, une autre résidante, a précisé qu’il y a quelques écoles de boxe à Puertecito de la Virgen et que beaucoup d’enfants et d’adolescents aimaient pratiquer ce sport avant que la pandémie de COVID-19 ne vienne tout perturber.

Bien qu’elle n’ait pas connu personnellement la boxeuse, elle s’est dite particulièrement touchée du fait que Jeanette Zacarias Zapata était « si jeune » au moment de mourir.

Les témoignages et les manifestations de solidarité envers la famille devaient se poursuivre durant la nuit après que le cercueil a été acheminé dans une salle communautaire pour être exposé avant la tenue des funérailles formelles, prévues ce samedi.

Bien que son entourage assure qu’elle était en parfaite santé et fin prête pour le combat tenu à Montréal, les interrogations sur les causes de la mort de la boxeuse demeurent nombreuses à Aguascalientes et promettent de revenir au premier plan une fois les cérémonies terminées. Une enquête à ce sujet se poursuit au Québec.

« C’est une tragédie, peu importe l’angle que l’on considère », a tranché vendredi le commissaire de boxe de la ville, Christian Garduño Ortiz, qui avait aussi jugé important d’être présent pour rendre hommage à la boxeuse.