En voyant la vidéo de George Floyd, pris au piège sous le genou d’un policier de Minneapolis, et en y repensant, Rod Fanni s’est demandé comment il aurait réagi. Qu’aurait-il fait s’il avait été témoin de la scène qui a mené à la longue agonie et à la mort de l’Afro-Américain de 46 ans ?

« La première chose que j’aurais eu envie de faire, c’est d’intervenir. Mais j’aurais fait quoi ? Face à la police, c’est compliqué. On se dit qu’il y a une injustice et on appelle qui ? La police ? Mais c’est justement elle qui est en train de la commettre. C’est tellement perturbant. Ça a quand même duré de longues minutes. C’est insoutenable », se désole le défenseur central de l’Impact en entrevue avec La Presse.

« Et quel aurait été le prix de mon intervention ? Peut-être celui de mourir. C’est très dramatique et ça me touche terriblement parce que ça peut être mon enfant plus tard ou moi demain. »

Fanni est logiquement attristé, mais nullement surpris par le contenu de la vidéo. Il dit se douter que certains comportements ont la vie dure dans un pays dont l’histoire est marquée par l’esclavage et la ségrégation raciale. Ce qui le désole le plus, c’est la protection dont jouissent les auteurs de ce type de crimes.

« Des gens méchants, il y en a toujours eu et il y en aura encore. On ne pourra pas changer ça, mais on peut faire en sorte qu’ils ne puissent pas s’exprimer. On ne peut pas laisser les autorités couvrir et protéger ce genre de choses. On se demande qu’est-ce qu’il faut faire ? »

Je suis content qu’il y ait un grand mouvement, maintenant, mais je ne sais pas quels seront les échos et les résultats.

Rod Fanni

Des contrôles fréquents

Le monde du soccer a continué, mercredi, à réagir à la mort de George Floyd et à condamner le racisme. Certains athlètes ou ex-athlètes ont également raconté leurs expériences avec la police. Sur son compte Instagram, l’ancien défenseur de l’Impact Hassoun Camara a rappelé sa première expérience avec les forces de l’ordre en France.

« Mon ballon avait crevé et j’ai pris mon vélo pour aller en acheter un autre dans un magasin […]. J’ai posé mon vélo trois minutes devant l’enseigne et en sortant, les policiers m’ont pris mon vélo et se dirigeaient vers le commissariat. […] Arrivé là-bas, ils m’ont mis les menottes sur le banc. [J’étais] humilié par des attitudes et des mots. […] Je me souviendrai toujours du regard de mon père, pensant que j’avais fait une bêtise de jeunesse. »

Le milieu de terrain du Crew de Columbus Derrick Etienne fils a évoqué les deux contrôles policiers auxquels il a eu droit en l’espace de quelques minutes, lundi. Fanni a également été victime de nombreux contrôles lorsqu’il roulait en Audi au début de son aventure avec l’Impact.

« Pourquoi ? Peut-être la malchance. On m’a déjà dit que, selon le type de véhicule, on est plus contrôlé que d’autres. Mais quand on est noir, arabe ou typé un peu étranger, on est tout le temps contrôlé avec un certain type de véhicule. J’ai maintenant une Jeep Wrangler et je le suis très rarement. »

Autre constatation au fil des contrôles : le changement d’attitude des policiers lorsqu’ils apprennent, ou trouvent sur Google, que l’homme au volant est un joueur de soccer professionnel. En redémarrant, Fanni en sourit « parce que c’est à [son] avantage », mais il sent également une colère en lui.

« Je me dis : qu’est-ce qui se serait passé si je n’étais pas un joueur reconnu en France ou ailleurs ? Quand on est sous les projecteurs, c’est un peu comme si on avait du maquillage. Mais j’ai des amis qui ne sont pas de ce milieu et qui vivent des contrôles abusifs avec des excès de zèle. »

Aux États-Unis, je n’ai pas eu de grands soucis, Dieu merci, mais je sais que ça pourrait m’arriver.

Rod Fanni

Préparer son enfant

Bien entendu, Fanni n’a pas attendu la mort de George Floyd et le mouvement qui a suivi pour aborder le racisme avec ses proches. Il sait aussi qu’il devra aborder ce sujet avec son garçon. Il prend l’exemple de proches dont les enfants ont été pris à partie verbalement.

« Souvent, ça part des parents. On sait très bien que ce sont des discussions qui se font à la maison et qui sont terribles. Ça ressort à l’école quand un enfant traite un autre de sale Noir ou de sale Arabe. »

« On est obligés d’en parler à notre enfant. Il faut le préparer. Selon l’endroit, la classe sociale ou la différence qu’il aura, il y a encore ce genre de comportement indéfendable. »