(Fort Lauderdale, Floride) C’est comme si les deux équipes s’étaient passé le mot, en cette veille du dernier match de la saison.

Tant chez les Panthers de la Floride que chez les Oilers d’Edmonton, après l’entraînement, les joueurs parlaient du rêve d’enfance de jouer un septième match, parce qu’ils y ont rêvé toute leur jeunesse, au mini-hockey, dans la cour arrière ou à la patinoire du quartier.

Après tout, ce n’est pas banal. C’est la 18fois, en plus de 106 ans d’histoire de la LNH, que la Coupe Stanley se gagnera dans un septième match. C’est la première fois en cinq ans, la deuxième fois depuis que les Bruins de Boston et les Canucks de Vancouver ont atteint la limite en 2011.

C’est si rare qu’un seul des 40 joueurs en uniforme lundi l’a déjà vécu dans la vraie vie, et non pas dans la ruelle. Ce joueur, c’est Vladimir Tarasenko, ailier chez les Panthers, qui a gagné avec les Blues de St. Louis en 2019.

Les Blues, comme les Panthers de cette année, avaient laissé filer la chance de fermer les livres, en avance 3-2 après cinq matchs. « Je me souviens qu’il y avait beaucoup d’attentes autour du match 6, car on jouait à la maison », s’est remémoré Tarasenko, dans un coin du vestiaire au centre d’entraînement des Panthers.

PHOTO SERGEI BELSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Vladimir Tarasenko

« Mais pour un match 6, tu as plusieurs options en tête. Un match 7, c’est un match, tout simplement, et c’est assurément le dernier. Tu dois te préparer. »

Sommeil et distractions

Chez les Blues de 2019, Samuel Blais était coéquipier de Tarasenko. Le Québécois a d’ailleurs envoyé un texto à son ancien confrère avant le début de la finale « pour lui souhaiter d’en gagner une autre ».

Dans ce septième match, Blais avait été blanchi, mais le joueur d’énergie qu’il est avait réussi un jeu clé qui avait permis à son équipe d’ouvrir le pointage : une percutante mise en échec, qui avait permis de maintenir la rondelle en zone offensive.

Blais avait réussi cette performance en dépit de la nervosité qui l’envahissait la veille du match.

« J’avais eu de la misère à m’endormir, se souvient-il, au bout du fil. Tu penses à tous les scénarios qui peuvent arriver. Tu es à un jour de vivre ton rêve et tu ne sais pas si tu vas le revivre. C’était ça, le stress. »

Il n’en avait toutefois pas parlé à ses coéquipiers au petit-déjeuner, afin d’éviter « qu’ils doutent de moi. Mais l’excitation, la nervosité étaient là ».

« Au moins, ça avait bien dormi pour ma sieste d’avant-match ! », ajoute-t-il.

Pascal Rhéaume fait lui aussi partie de la poignée de chanceux qui ont participé à un des 17 septièmes matchs de l’histoire en finale. C’était en 2003, avec le New Jersey. Comme les Blues de 2019, les Devils menaient 3-2 dans la série, et le sixième match leur avait échappé de façon décisive (5-2).

Lui aussi se souvient de problèmes de sommeil, problèmes qui étaient toutefois courants tout au long des séries. « On était beaucoup à prendre des Ambien pour dormir. Tu veux dormir ! »

Sauf qu’en finale, à l’approche d’un septième match, les distractions s’accumulent. « Tu reçois des messages de tes amis, il vous manque un match, vous allez l’avoir. Ce n’est pas facile », ajoute-t-il.

Nos deux hommes se souviennent toutefois de circonstances favorables pour le match fatidique, ce qui avait mis tout le monde dans de bonnes dispositions. Les Blues de 2019 débarquaient à Boston avec une fiche de 9-3 sur les patinoires adverses. « On jouait mieux sur la route, on jouait une game plus simple. Et nos leaders, Alex Pietrangelo et Ryan O’Reilly, étaient bons pour nous calmer », témoigne Blais.

Les Devils de 2003, eux, disputaient ce match sans lendemain à domicile, là où ils montraient un dossier de 11-1. La nervosité du sixième match avait été remplacée par une certaine assurance, inspirée par « nos leaders, des gars comme Ken Daneyko et Scott Stevens. Et en plus, quand tu as Martin [Brodeur] comme gardien… ».

Les Devils ont inscrit le premier but du match. « Dès qu’on a pris l’avance, c’était du hockey des Devils, du hockey plate. On jouait la trappe. Si tu demandais au monde, c’était tu le fun de nous regarder ? Non. Mais on avait les joueurs pour le faire. » Et ils l’ont emporté 3-0. « Ça fait quoi ? Vingt et un ans ? Je m’en souviens encore comme si c’était hier. C’est le plus grand exploit de ma carrière. Tu ne peux pas demander mieux ! », lance Rhéaume.

Circonstances différentes

En théorie, les joueurs des Panthers et des Oilers vivront ce même genre d’émotions d’ici à lundi soir. C’est pourquoi tous soulignaient qu’ils vivront un rêve d’enfance.

Sauf que le rêve, le vrai, c’est de soulever la Coupe Stanley, et ce rêve-là, les joueurs des Panthers viennent de rater trois occasions de suite de le réaliser.

Ils étaient la 211équipe de l’histoire de la LNH à mener une série 3-0. Seulement quatre d’entre elles ont fini par perdre ladite série, et une seule en finale : les Red Wings de Detroit de 1942.

Les circonstances qui ont mené les Panthers et les Oilers à ce septième match ne pourraient donc pas être plus différentes. Pendant que Stuart Skinner, avec sa fiche de 10-0 dans les matchs 4 à 7 ce printemps, rencontrait les médias après l’entraînement, Sergei Bobrovsky, et son efficacité de ,793 dans les trois derniers matchs, était dispensé de l’entraînement du jour. En point de presse, Paul Maurice a justifié le congé avec une explication d’une complexité à faire saigner du nez.

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Les Panthers à l’entraînement, dimanche

Il reste qu’en bon communicateur, Maurice a dû finir par concéder que la situation de son équipe est peu banale. Son aveu est venu en réponse à un collègue qui l’interrogeait sur la capacité de son club à oublier les trois dernières défaites.

« Si tu comprends pourquoi tu t’es retrouvé dans une telle situation, et je parle ici des détails spécifiques sur la patinoire, tu ne traînes plus le passé et tu vas de l’avant.

« Mais je comprends vos questions. Il y a un contexte bien plus large qui ne signifie rien du tout pour moi, mais qui veut tout dire pour vous. Vous avez des histoires à écrire et ce qui les rend si fabuleuses est ce contexte. Aucun enfant dans sa cour ne rêve de marquer le but gagnant en prolongation du match 3 de la ronde de qualifications. C’est un match excitant, ce match a un contexte et nous allons vivre dans ce contexte. »

Pour être excitant, ce le sera. Bon match.