Si Toronto a gagné le match, samedi au Centre Bell, Montréal a remporté autre chose…

Ce n’est pas la défaite de 3-2 en prolongation que l’on retiendra de cette rencontre.

Les Montréalaises ont battu le record d’assistance mondial pour un match de hockey féminin avec 21 105 spectateurs. Record d’assistance qui, soit dit en passant, appartenait depuis le 16 février à… l’équipe torontoise.

« Quand j’ai vu le record sur l’écran géant, j’ai sauté dans les airs. J’étais tellement excitée », a lâché Marie-Philip Poulin après le match.

C’est dur de trouver les mots. Je dis toujours que c’est incroyable, que c’est surréel… Ça l’est vraiment. Ça fait des années qu’on travaille. Nous voulions vivre ce moment. Et nous y sommes.

Marie-Philip Poulin

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Une ambiance incomparable a habité le Centre Bell le temps des deux heures trente minutes qu’a duré la rencontre. Pour tout dire, les cris heurtaient les tympans. « À certains moments, mes oreilles me faisaient mal. Je n’ai jamais vécu ça sur un banc », a justement dit l’entraîneuse-chef des Montréalaises, Kori Cheverie.

Pendant l’échauffement, partout dans les gradins, on pouvait apercevoir des pancartes. « On donne enfin à ces femmes ce qu’elles méritent », disait l’une d’entre elles, résumant sans doute ce que la plupart des quelques milliers de personnes présentes pensaient.

Quiconque était dans l’amphithéâtre a ressenti des frissons une première fois lorsque l’équipe a sauté sur la patinoire. Et une deuxième fois lors de la bruyante ovation à Marie-Philip Poulin. La capitaine a semblé émue à l’écran géant ; on l’a vue pousser un soupir pour maîtriser ses émotions.

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Entendons-nous : c’est loin d’être la première fois que Poulin est ovationnée. Mais cette fois-ci, a-t-elle admis dans un sourire, ça lui est « rentré dedans ». « Je me disais : est-ce que c’est en train de se passer pour vrai ? Je trouvais que les caméras restaient sur moi un peu trop longtemps ! »

« C’est la reconnaissance que cette fille-là mérite », a lancé Erin Ambrose, qui ne demandait qu’à vanter sa capitaine. « C’est l’être humain le plus incroyable que j’ai jamais rencontré. C’est la meilleure leader. […] S’il y a un moment où j’avais envie de pleurer de joie sur cette ligne bleue, c’était à ce moment-là, parce que j’avais la chance d’être à son côté, non seulement en tant que coéquipière, mais en tant qu’amie. »

En fait, l’ovation était telle qu’elle n’a pas seulement touché la principale intéressée ou ses coéquipières. Elle a aussi touché ses adversaires.

« J’étais tellement contente pour elle, a dit Lauriane Rougeau, ex-coéquipière de Poulin et défenseuse de Toronto. Elle mérite tout ça. J’ai grandi avec elle, je l’ai vue connaître du succès à tous les niveaux. […] J’avais les yeux mouillés sur le banc. Je me disais : You go, girl, c’est ta maison, prends-le. »

À côté de Rougeau, Kristin Campbell et Sarah Nurse hochaient toutes deux la tête, signe qu’elles étaient d’accord.

Le match et le positif

Malgré toutes ces émotions indicibles, les Montréalaises ont livré une solide performance de 60 minutes, elles qui ont l’habitude de connaître une baisse de régime en deuxième période.

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Marie-Philip Poulin (29)

« Il y a tellement de positif à retirer de ce match, a d’ailleurs déclaré Cheverie. Nous croyons vraiment que c’était différent de toutes les fois où nous avons joué contre Toronto. […] Je pense que c’était une autre étape pour nous permettre d’être prêtes pour les séries. »

Les Montréalaises ont manqué d’opportunisme en première période, si bien que les visiteuses ont été les premières à trouver le fond du filet. Blayre Turnbull a tiré de la pointe et la rondelle a dévié avant de glisser derrière Ann-Renée Desbiens.

Le cadran affichait 19 secondes à écouler quand Sarah Bujold a enfin fait lever la foule ; une feinte imparable suivie d’un tir des ligues majeures. Kristen Campbell, la gardienne torontoise jusque-là irréprochable, n’a rien vu.

  • Les joueuses de l’équipe de Montréal avant la rencontre.

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    Les joueuses de l’équipe de Montréal avant la rencontre.

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  • Les sœurs Sylvie et Martine sont de grandes fans de hockey au féminin.

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    Les sœurs Sylvie et Martine sont de grandes fans de hockey au féminin.

  • Le Centre Bell tout illuminé avant le match

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    Le Centre Bell tout illuminé avant le match

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Le même scénario est survenu au deuxième tiers. Toronto a marqué en tout début de période, et Montréal a attendu jusqu’à la dernière minute pour égaliser. Cette fois, c’est Erin Ambrose qui a compté avec un tir de la pointe en avantage numérique.

La troisième période a été captivante. Les partisans n’ont pratiquement jamais cessé de crier. Le plaisir a été prolongé, mais pas pour bien longtemps… En période supplémentaire, Sarah Nurse n’a mis que 13 petites secondes à trouver le fond du filet d’un tir des poignets précis du haut du cercle gauche.

Montréal, qui a lancé 39 fois au filet dans la rencontre, a donc perdu pour la cinquième fois en cinq affrontements contre Toronto cette saison.

« Pour être honnête, c’est presque une surprise pour moi parce que je ne pense pas du tout qu’elles sont faciles à battre », a dit l’entraîneur-chef torontois, Troy Ryan. « Je pense que ce n’est pas difficile de trouver de la motivation quand tu joues contre Poulin présence après présence, ou que tu as la chance de compter contre Desbiens. »

Avec cette victoire, les Torontoises ont officiellement obtenu leur place en séries éliminatoires. Si elles terminent au premier rang du circuit, elles pourront choisir laquelle, de l’équipe en troisième place ou en quatrième place, elles affronteront au premier tour des séries.

« Si je devais choisir en ce moment, je ne choisirais pas [Montréal], mais nous en discuterons », a lâché Ryan.

Trois matchs

Montréal occupe maintenant le deuxième rang de la Ligue professionnelle de hockey féminin, à égalité avec le Minnesota à 35 points. Il n’a plus que trois rencontres à disputer cette saison.

La prochaine a lieu mercredi prochain, à l’Auditorium de Verdun. Avant d’y penser, les joueuses prendront sans doute le temps de réaliser ce qu’elles ont vécu : un moment « plus grand qu’[elles] », comme l’a dit Poulin, et qui servira de « motivation » pour la dernière ligne droite de cette saison historique à bien des égards.