(Londres et Washington) Le Royaume-Uni a dénoncé vendredi « un déni de justice » après le refus des États-Unis d’extrader une femme de diplomate américain accusée d’être responsable d’un accident mortel de la route en Angleterre.

La mort d’Harry Dunn, 19 ans, le 27 août dernier dans la collision de sa moto par la voiture d’Anna Sacoolas, qui roulait du mauvais côté de la route près de la base américaine où travaille son mari, a provoqué une vive émotion au Royaume-Uni.

L’affaire s’ajoute désormais aux sujets de dissensions entre Londres et Washington, en plus du projet britannique de taxe sur les géants du numérique et la possible attribution du réseau 5G au Chinois Huawei, au moment où le gouvernement britannique compte négocier après le Brexit un nouvel accord commercial avec les États-Unis.

« Au moment de l’accident, et pendant toute la durée de son séjour au Royaume-Uni, la conductrice, une citoyenne américaine, bénéficiait de l’immunité », a expliqué un porte-parole du département d’État américain dans une déclaration transmise à l’AFP. Une extradition « aurait enlevé son sens au fait même d’invoquer l’immunité diplomatique, et aurait créé un précédent extrêmement troublant ».

Insuffisant pour Londres. « Nous sommes déçus de cette décision qui apparaît comme un déni de justice », a réagi une porte-parole du ministère britannique de l’Intérieur. « Nous examinons en urgence toutes les possibilités qui s’offrent à nous ».

Après avoir réitéré la déception du Royaume-Uni lors d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur des États-Unis à Londres, Woody Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Raab a assuré dans un communiqué que « le Royaume-Uni aurait agi différemment s’il s’était agi d’un diplomate britannique aux États-Unis ».  

Manifestation

Invoquant l’immunité diplomatique, Anna Sacoolas, 42 ans et mère de trois enfants, était repartie aux États-Unis peu après la collision.

Elle avait été inculpée fin décembre par la justice britannique pour conduite dangereuse ayant causé la mort. Le parquet britannique avait alors lancé une procédure d’extradition, aussitôt considérée comme un « abus » par Washington.

La famille d’Harry Dunn s’est dite « pas du tout surprise » par le refus américain. Dans un communiqué, elle a dénoncé une administration américaine « sans foi ni loi » prête « à attaquer jusqu’à son proche allié sur la scène internationale ».

Cette affaire a en effet provoqué des frictions diplomatiques entre les deux pays, unis par une « relation spéciale » déjà mise à dure épreuve ces dernières années.

Donald Trump avait évoqué un « accident horrible », le mettant sur le compte de la fatalité et de la difficulté pour un automobiliste américain de s’habituer à la conduite à gauche.

Alors que la presse britannique s’est fait écho d’autres accidents près du site militaire, dans le centre de l’Angleterre, le ministre Dominic Raab a estimé que « les travaux visant à améliorer la sécurité routière sur et autour de la base de Croughton doivent se poursuivre ».  

Malgré ce revers, la famille de Harry Dunn compte poursuivre son combat pour obtenir justice et a prévu une manifestation devant la base le dimanche 2 février, a indiqué son porte-parole Radd Seiger sur la BBC.  

Il a également appelé le premier ministre Boris Johnson à en faire davantage, l’exhortant à rencontrer la famille pour « nous dire ce qu’il compte faire ».  

Dans le même temps, le Royaume-Uni fait les yeux doux aux États-Unis dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier.  

Le président américain Donald Trump, fervent supporter du Brexit, a promis à Boris Johnson un accord commercial bilatéral « énorme » et « magnifique », même si les négociations s’annoncent âpres malgré la proximité affichée par les deux hommes.