(New York) La vague de manifestations propalestiniennes sur les campus universitaires américains semblait se maintenir mardi, soulevant des questions sur la forme que prendra la fin de l’année scolaire pour des milliers d’étudiants.

À l’Université Columbia, à New York, où une centaine d’arrestations ont déclenché des manifestations dans tout le pays, les cours seront offerts en virtuel durant la dernière semaine, pour des raisons de sécurité. Plusieurs établissements du nord-est des États-Unis ont fermé des parties de leur campus, afin de terminer l’année dans le calme.

À l’Université du Michigan, les dirigeants se préparent pour une collation des grades à haut risque. Des zones ont été désignées pour les manifestations et l’université entend être « patiente avec les perturbations respectant la loi ».

Les dernières semaines du printemps pourraient être difficiles pour les administrateurs de certaines des universités les plus prestigieuses du pays. Des dizaines de personnes ont été arrêtées cette semaine à Yale, au Connecticut, et à l’Université de New York après que des étudiants eurent érigé des campements. D’autres manifestations se poursuivent d’un bout à l’autre du pays, notamment à l’Université du Minnesota, à l’Université de Californie à Berkeley et à l’Emerson College.

Le mouvement étudiant propalestinien a perturbé la vie universitaire, en particulier pour les étudiants juifs. Nombre d’entre eux ont déclaré ne plus se sentir en sécurité dans les classes ou sur les places publiques des campus, le ton des manifestations étant parfois devenu menaçant.

Dans plusieurs universités, la collation des grades risque de se transformer en manifestations très médiatisées contre la guerre dans la bande de Gaza.

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Des arrestations ont eu lieu devant l’entrée de l’Université de New York.

Les enjeux sont particulièrement élevés pour ceux qui terminent leurs études. Nombre d’entre eux ont obtenu leur diplôme du secondaire durant les premiers mois de la pandémie et n’ont jamais eu l’occasion de célébrer aux côtés de leurs camarades de classe.

« Depuis des décennies, la collation des grades est un lieu de libre expression et de protestation pacifique et il est vraisemblable que cela se poursuivra », a indiqué l’Université du Michigan sur son site web.

Le tumulte dans les universités s’est intensifié après que l’Université Columbia a fait appel à la police la semaine dernière pour faire disperser des protestataires installés dans un grand campement sur une pelouse de l’établissement et qui refusaient de partir. Il y a eu des arrestations.

Mardi matin, à l’Université Yale, où des dizaines de personnes avaient été arrêtées la veille, des dizaines d’étudiants ont envahi la place publique en scandant « Libérez la Palestine » et en exigeant que leur établissement vende tout investissement lié aux fabricants d’armes militaires.

« Les gens ont l’intention de continuer, de continuer à occuper l’espace et de continuer à sensibiliser à ce qui se passe à Gaza et à ce que fait Yale », a déclaré Chisato Kimura, 24 ans, étudiante en droit.

On ne sait pas si l’agitation étudiante entraînera d’autres arrestations sur les campus ou si les dirigeants universitaires agiront avec moins de sévérité avec la fin de la session. De nombreux administrateurs, observant le tumulte à Columbia, semblent préférer des stratégies plus flexibles devant les manifestations.

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Des policiers de la ville de New York se dirigeant vers des manifestants propalestiniens près de l’Université de New York.

D’autres ont mis la pédale douce après que leur réaction initiale a attisé l’agitation.

Au Barnard College, affilié à Columbia, de nombreuses étudiantes protestataires ont été suspendues après la manifestation de la semaine dernière. Mais dans un courriel envoyé lundi soir, la présidente de l’établissement, Laura Ann Rosenbury, leur a tendu une branche d’olivier.

L’établissement annulerait la plupart des suspensions et rouvrirait le campus aux étudiantes, offre-t-elle, à condition qu’elles s’engagent à respecter les règles. Les autres, toujours visées par des mesures disciplinaires, auraient accès à des repas chauds et à du soutien psychologique et scolaire. Avec l’autorisation d’un professeur, elles pourraient terminer leur semestre virtuellement.

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Un campement de protestataires, sur un terrain de l’Université Columbia, à New York

« Je crois fermement que l’exposition à des idées inconfortables est un élément essentiel de l’éducation, et j’applaudis l’audace de toutes nos étudiantes qui s’expriment », écrit Mme Rosenbury dans sa première communication depuis l’arrestation de manifestants sur le campus de Columbia la semaine dernière, dont plusieurs étaient des étudiantes du Barnard College.

« Mais aucune étudiante ne devrait craindre pour sa sécurité pendant qu’elle est à Barnard, ajoute-t-elle. Au cours des dernières semaines que nous passerons ensemble avant la remise des diplômes, soyons bonnes les unes envers les autres. »

Certaines universités sont encore sous le choc des derniers jours.

À Columbia, des centaines de professeurs ont débrayé lundi et ont signé des lettres ouvertes critiquant la présidente de l’université, Nemat Shafik, pour sa gestion des manifestations. Une motion de censure de la part du corps enseignant n’est pas exclue. Plusieurs élus républicains réclament toujours sa démission, estimant que l’établissement n’a pas su protéger ses étudiants juifs.

La décision de proposer des cours virtuels semble une reconnaissance tacite que de nombreux étudiants se sentent, à tout le moins, mal à l’aise dans cet établissement. Un grand campement de manifestants se trouve toujours au centre du campus, et des manifestations occasionnelles ont eu lieu à l’entrée du campus au cours des 24 dernières heures, mais pour le reste, les choses sont restées calmes au cours de ce qui est habituellement une dernière semaine de semestre très animée. Les cours se terminent le 29 avril.

Angela V. Olinto, rectrice de l’université, a déclaré dans un courriel lundi soir que si un seul étudiant souhaitait terminer l’année en ligne, les professeurs devraient offrir des cours hybrides ou entièrement à distance.

« La sécurité est notre priorité absolue », a écrit Mme Olinto.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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