(Washington) Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat américain, revendique avec gourmandise le surnom de « fossoyeur », habitué à enterrer les espoirs de ses adversaires démocrates.

Mais cette fois, il tient entre ses mains le destin d’un autre républicain, et pas des moindres : Donald Trump.

Le procès en destitution du 45e président des États-Unis, dont les débats s’ouvrent mardi devant le Sénat, sera dirigé par le président de la Cour suprême John Roberts, comme le prévoit la Constitution. Mais dans les faits, c’est ce sénateur chevronné de 77 ans qui mènera le bal, fort de ses six mandats et de son rôlé-clé de chef de la majorité républicaine à la chambre haute du Congrès américain, qu’il occupe depuis 2014.

Donald Trump, un milliardaire qui aime chambouler les codes du monde politique, et Mitch McConnell, élu pour la première fois au Sénat en 1984 et qui a sans cesse navigué dans les arcanes de Washington, viennent de deux mondes différents.

Tandis que l’ex-homme d’affaires new-yorkais est né dans l’aisance et parle sans filet, le sénateur a eu la polio dans sa petite enfance et choisit avec soin ses mots qu’il articule dans l’accent traînant de son Alabama natal, qu’il a quitté pour s’installer à l’adolescence dans le Kentucky, un autre État rural du Sud devenu sa terre d’élection.

Avec ses costumes démodés qu’on croirait sortis d’une garde-robe des années 70, il cultive une image austère, voire rustique qui n’a d’égale que sa réputation de stratège politique.

Tweets rageurs

Entre Trump et McConnell, les débuts ont pourtant été difficiles. Il y a deux ans, quand le Sénat a échoué à abroger l’Obamacare, le système d’assurance maladie instauré par l’ex-président démocrate, Donald Trump a couvert Mitch McConnell de tweets rageurs, s’interrogeant sur sa capacité à rester à la tête de la majorité républicaine.

Sans se démonter, derrière ses lunettes à la fine monture métallique, le patient négociateur de l’ombre a balayé les critiques en relativisant la position d’un « président novice » qui avait « des attentes excessives par rapport au temps du processus démocratique ».

Les deux septuagénaires ont toutefois trouvé une cause commune : la promotion d’un programme conservateur, et notamment la nomination de juges fédéraux qui partagent les valeurs de leur électorat – un processus où le Sénat, qui doit confirmer les choix du président, est incontournable.

Remplir les tribunaux américains de juges conservateurs « est la contribution la plus durable de Donald Trump et des républicains du Sénat à l’avenir du pays », a récemment dit Mitch McConnell sur la chaîne Fox News.

C’est une de ces nominations qui lui a probablement valu sa réputation de politicien impitoyable.

Après la mort du juge de la Cour suprême Antonin Scalia en février 2016, le sénateur du Kentucky a fait barrage à la nomination de son successeur par le président Barack Obama, en arguant qu’il fallait attendre l’élection à la Maison-Blanche prévue en novembre de la même année.

Sa résistance lui a attiré la colère durable de nombreux démocrates, mais aussi la reconnaissance des républicains, au premier rang desquels Donald Trump qui, une fois dans le bureau Ovale, a pu envoyer un juge conservateur à la plus haute juridiction des États-Unis.

« Coordination totale »

Fort de la majorité républicaine de 53 sénateurs sur 100, Mitch McConnell s’est révélé tout aussi intraitable lorsqu’il s’agit de textes transmis au Sénat par la Chambre des représentants, contrôlée elle par les démocrates depuis 2019.

« Considérez-moi comme le Fossoyeur », a-t-il lancé une fois dans un sourire narquois. « Rien de tout ça ne passera. Rien. »

Sans l’aval de la chambre haute, les propositions démocrates n’ont aucune chance de devenir des lois.

Son site internet vend d’ailleurs des t-shirts estampillés « Grim Reaper » (littéralement, la « Grande Faucheuse »), le décrivant comme « celui qui fera en sorte que le socialisme n’arrive jamais jusqu’au bureau présidentiel ».

Aujourd’hui, l’influent sénateur, dont la femme, Elaine Chao, est ministre des Transports, a clairement fait savoir qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger l’impétueux président lors du procès en destitution.

Il a jugé « très faible » l’acte d’accusation adopté à la Chambre par les seules voix démocrates, pour abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès.

Et malgré le serment d’« impartialité » prononcé solennellement par les cent sénateurs, Mitch McConnell n’a pas fait mystère de sa volonté de travailler « en coordination totale » avec la Maison-Blanche.

« Je me mettrai dans les pas des avocats du président », a-t-il renchéri sur Fox News.

« Nous savons tous comment cela va finir », a-t-il ajouté. « Il n’y a aucune chance que le président soit destitué. »