Les résidants de la province chinoise de Hubei, qui étaient confinés depuis deux mois en vue de stopper l’épidémie de COVID-19, retrouvent progressivement leur liberté.

Le gouvernement a annoncé mardi que les personnes en santé seraient autorisées à circuler ailleurs au pays à compter de ce mercredi.

La capitale de la province, Wuhan, considérée comme le berceau de la crise, demeurera verrouillée jusqu’au 8 avril.

La décision de Pékin de relâcher les restrictions mises en place en janvier dans la région survient alors que de nombreux pays occidentaux placent leur propre population en confinement dans l’espoir d’éviter une catastrophe sanitaire.

Bien que la province de Hubei soit pratiquement exempte de nouveaux cas de contamination depuis plusieurs jours, la décision n’est pas sans risque, puisqu’il est possible que des individus contaminés circulent et relancent la propagation.

« Pas éternellement »

La Dre Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue rattachée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), note qu’il est difficile, de manière générale, de déterminer à partir de quel moment les autorités d’un pays peuvent relâcher les contrôles sanitaires sans risquer une nouvelle flambée d’infections.

La Chine, dit-elle, devrait idéalement attendre l’équivalent de 28 jours après l’apparition du dernier cas confirmé, soit deux fois la période d’incubation de 14 jours utilisée pour les quarantaines individuelles.

La décision de lever les restrictions ne repose cependant pas seulement sur des considérations sanitaires. 

Il y a beaucoup d’autres dimensions à considérer, notamment sur le plan social et économique. On ne peut pas fermer un pays éternellement.

La Dre Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue

Le principal risque pour Pékin, dit-elle, vient surtout des voyageurs qui rentrent actuellement au pays. La plupart des cas d’infection signalés récemment par la Chine sont de cette nature.

Les autorités ont décidé de juguler le problème en imposant des quarantaines aux voyageurs.

Victor Shih, spécialiste de la Chine rattaché à l’Université de Californie à San Diego, pense que la décision du gouvernement de lever le confinement de la province de Hubei est « largement liée à sa volonté de relancer l’économie ».

La paralysie des derniers mois fait en sorte qu’il sera très difficile pour le régime d’atteindre pour l’année en cours les cibles de croissance établies dans le plan quinquennal du pays, un précédent potentiellement embarrassant pour le président Xi Jinping, souligne l’analyste.

Le régime, dit-il, est prêt à prendre des risques sanitaires pour relancer l’économie, mais demeure globalement persuadé qu’il sera capable de contenir de nouvelles éclosions de COVID-19, relève M. Shih.

Avec la technologie

Les autorités ont notamment utilisé, dit M. Shih, des données téléphoniques de géolocalisation pour retracer les individus ayant été en contact avec des personnes contaminées et les tester avant de les placer en quarantaine.

Des milliers de cas asymptomatiques — où la personne est porteuse du virus sans le savoir — ont été identifiés et isolés de cette façon, accélérant la lutte contre la propagation.

Des codes de couleurs accessibles par téléphone ont par ailleurs été attribués aux individus en fonction de leur état de santé pour faciliter les contrôles.

Ce système de surveillance pourrait rapidement être de nouveau mis à profit par le gouvernement chinois si la crise est relancée à Hubei ou ailleurs, relève M. Shih.

Le régime a par ailleurs produit suffisamment de matériel médical — masques, respirateurs, etc. — pour faire face à d’éventuels besoins, ajoute-t-il.

Le professeur californien relève que la population de la province de Hubei se réjouit aujourd’hui, après avoir accueilli avec colère les mesures de confinement, de voir que la propagation est largement endiguée.

« Ils voient que le pire est passé alors que le reste du monde est en train de plonger », dit-il.