La peur de manquer de provisions, les pertes de revenus et la difficulté à s’approvisionner ont bouleversé significativement les habitudes alimentaires. Ce temps de crise nous force à faire des choix et à acquérir de nouveaux réflexes en cuisine. Parfois pour le mieux…

1. Bien gérer ses provisions

PHOTO KARINE MALTAIS, FOURNIE PAR STÉPHANIE CÔTÉ

« Il faut choisir les bons aliments : ceux qui sont économiques,
qui nous permettent de faire plusieurs repas différents et qui se conservent longtemps », affirme Stéphanie Côté, nutritionniste.

« J’ai quatre enfants à la maison, dont trois qui ont entre 12 et 15 ans. Laissez-moi vous dire que ça mange et que ça fait passer les réserves assez vite ! », confie la nutritionniste Stéphanie Côté. Dans les circonstances, se faire des provisions est essentiel, ce qui ne veut pas dire de vider les tablettes des épiceries, précise-t-elle. « Il faut choisir les bons aliments : ceux qui sont économiques, qui nous permettent de faire plusieurs repas différents et qui se conservent longtemps. »

Le danger, lorsqu’on achète en grande quantité, est de mal gérer ses réserves. Prévoir les repas à venir et faire l’épicerie en conséquence sont des façons de prévenir le gaspillage et d’avoir tous les ingrédients sous la main pour les repas à venir. Manger frais est souhaitable, mais pour espacer les courses, pensez aux plans B qui vont au congélateur ou dans l’armoire. Assurez-vous d’avoir d’abord les essentiels : farine, œufs, huile, oignons, grains, pâtes, fromage ferme, épices et condiments… Ajoutez-y des aliments dépanneurs comme des conserves de légumineuses, tomates et poissons, des fruits et légumes congelés, des boissons végétales ou du lait UHT.

Plus que jamais, les circonstances se prêtent au zéro déchet. Mangez les denrées périssables en premier. Avant de jeter un aliment, il y a lieu de se questionner : peut-on lui éviter de finir au compost ? Une frittata donne une autre vie aux restes de pâtes, des pelures de pommes de terre font de bonnes croustilles (vraiment !), le pain sec se transforme en croûtons ou en chapelure, tandis que les légumes et fruits moches s’incorporent aux sauces, compotes, potages…. Si l’inspiration manque, mettez ces aliments au congélateur en attendant le moment de les cuisiner.

Consultez le site de Chic Frigo Sans Fric pour des biscuits « touski » et autres recettes pour réduire le gaspillage alimentaire. 

2. Cuisiner sans se casser la tête

PHOTO MAUDE CHAUVIN, FOURNIE PAR GENEVIÈVE O’GLEMAN

La planification demeure un élément-clé pour souffler présentement, observe Geneviève O’Gleman, nutritionniste.

Des initiatives émergent de partout pour nous inciter à cuisiner en famille, avec l’intention avouée d’occuper les enfants. Mais ne pas sortir de chez soi ne veut pas nécessairement dire qu’on dispose de plus de temps. La conciliation travail-études/garderie est un défi important pour plusieurs parents. Le confinement a cela de bon qu’il nous donne l’occasion d’explorer sur le plan culinaire et d’initier notre progéniture au plaisir de cuisiner. Demandez-leur de mettre l’épaule à la roue en prenant en charge certains repas ou en contribuant à la préparation des plats.

La planification demeure un élément-clé pour souffler présentement, observe Geneviève O’Gleman. Doubler les recettes pour en congeler une partie, préparer des légumes pour le lendemain tout en cuisinant le souper, mettre des œufs à cuire dans l’eau des pâtes sont autant d’astuces qui permettent d’avoir une longueur d’avance sur les repas à venir, assure la nutritionniste. « On vit tous beaucoup de stress présentement. Je pense qu’il faut revenir à des bases simples. »

Pour le souper, une omelette accompagnée de légumes est un repas qui se vaut. Un poisson grillé à la poêle ou cuit au micro-ondes aussi. Prenez l’habitude de faire cuire plus de pâtes ou de grains. Ils pourront éventuellement servir d’accompagnement ou être utilisés en salade ou en soupe pour concocter un tout autre repas. La cuisine d’assemblage est aussi une option, propose la porte-parole provinciale des diététistes du Canada, Nadine Moukheiber, en donnant l’exemple d’une pizza faite de pitas, que chacun compose à sa façon. Tacos, burritos, bols poké et clubs sandwichs sont autant de formules qui s’y prêtent.

La série DIY ta bouffe, présentée sur YouTube, propose des recettes faciles à cuisiner. Trois ou quatre nouvelles recettes s’ajouteront chaque semaine pendant la période de confinement.

3. Choisir des aliments qui rassasient

PHOTO FOURNIE PAR NADINE MOUKHEIBER

Nadine Moukheiber, nutritionniste
et porte-parole provinciale des diététistes du Canada

En général, on ne mange pas assez de légumes. Un bon défi serait qu’ils occupent maintenant la moitié de l’assiette, suggère Nadine Moukheiber. « Ils demandent de la mastication et contiennent beaucoup de nutriments, de fibres et d’eau. Ça remplit l’estomac. » Privilégiez ceux qui ont beaucoup de chair et qui se conservent longtemps, comme les légumes racines et les choux, qui sont aussi des denrées locales. Pour les fruits frais, préférez les agrumes, pommes et melons aux petits fruits.

Les pâtes et les grains rassasient à moindre coût. Et qui ne les aime pas ? « Il n’y a rien de négatif avec les féculents, estime la nutritionniste. Je conseille d’aller vers les produits qui sont plus denses en nutriments : les grains entiers, par exemple, ou l’avoine qui s’apprête tant salée que sucrée. »

Les protéines végétales sont les aliments-vedettes du confinement. « On a coupé massivement sur la viande pour des raisons environnementales, maintenant, on réalise à quel point ce n’est pas juste pour la planète, mais aussi pour notre porte-monnaie », affirme Geneviève O’Gleman. Les légumineuses et le tofu sont polyvalents, ils ont une grande valeur nutritionnelle et se préparent en un rien de temps si on opte pour des légumineuses en conserve ou des lentilles sèches (qui cuisent en 15 ou 30 minutes, selon les formats). Le tofu ferme a l’avantage de pouvoir être congelé.

Le site Savourez.ca, de Geneviève O’Gleman, propose un dossier spécial COVID-19 : aliments indispensables, recettes rapides et solutions économiques.

4. Diminuer les viandes incognito

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pour faire baisser sa consommation de protéines animales,
on peut incorporer des légumineuses.

Pour faire baisser sa consommation de protéines animales et, par le fait même, sa facture d’épicerie, deux stratégies sont particulièrement gagnantes : agrémenter les plats de viande de plusieurs accompagnements — salades de pâtes ou de légumes, trempettes protéinées ou cubes de fromage… – et remplacer la viande par des protéines végétales dans les recettes, que ce soit en totalité ou dans un ratio de 50/50. Des lentilles mélangées à la viande passent inaperçues dans une sauce bolognaise ou un chili. Le fromage prend le dessus sur le tofu dans une lasagne…

Choisissez des coupes de viande qui sont économiques et polyvalentes, ce qui permet de les étirer en petites quantités dans différentes recettes : mijotés, soupes, sauces, sautés, tacos, gratins, sandwichs ou salades…. C’est le cas de la viande hachée, du rôti de palette, de l’épaule de porc ou de la dinde (moins chère au kilo que le poulet), qu’on peut égrainer ou effilocher. Surveillez les prix au kilo : les hauts de cuisse reviennent moins cher que les poitrines de poulet.

5. Planifier l’épicerie et le budget

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’alimentation est souvent l’un des premiers pôles qui écopent à la suite d’une diminution de revenus. Ce n’est pas un bon moment pour agir ainsi.

L’alimentation est souvent l’un des premiers pôles qui écopent à la suite d’une diminution de revenus. « Ce n’est pas un bon moment pour diminuer drastiquement nos dépenses en alimentation, évalue toutefois Olga Cherezova, conseillère budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de l’Est de Montréal. On n’a pas besoin d’une immunité affaiblie présentement, d’autant qu’on est stressés. Essayons de couper ailleurs. »

Pour des raisons évidentes, il n’est pas opportun de courir les aubaines d’un magasin à l’autre. Certaines enseignes égalisent toutefois les prix de la concurrence, avec preuves à l’appui. Faites d’abord l’inventaire de ce que vous avez à la maison avant de vous rendre en épicerie, conseille Olga Cherezova, et planifiez vos achats et le budget en fonction des repas à venir, tout en vous gardant une marge de manœuvre. « Si on voit qu’un produit n’est pas sur sa liste, mais qu’il est à bon prix, on peut en profiter pour en acheter un ou deux de plus et se faire graduellement une réserve. »

On ne s’en sort pas : cuisiner est beaucoup plus économique que d’acheter du prêt-à-manger et plus sain aussi, fait valoir la conseillère de l’ACEF. Ça n’a pas besoin d’être compliqué. « La nourriture est réconfortante. Il faut que ça reste un plaisir et pas une épreuve. »

Les banques alimentaires continuent d’offrir leurs services. Pour connaître les ressources à Montréal, composez le 211.