Une nouvelle espèce de ver plat, inconnue jusqu'ici en Europe, a été identifiée à Caen, dans l'ouest de la France. Ce n'est pas une bonne nouvelle, car s'il se répandait dans la nature, cet animal exotique pourrait s'attaquer aux escargots.

«On sait de manière certaine que partout où Platydemus manokwari s'est installé, il a détruit toute la faune d'escargots autour de lui», met en garde Jean-Lou Justine (Musée national d'Histoire naturelle, Paris).

«Mais c'est pire que ça, parce qu'il va manger d'abord les escargots, puis après, tout ce qui se trouve sur le sol et qui est mou, comme les vers de terre», poursuit ce spécialiste des Plathelminthes (vers plats) terrestres, dans un entretien avec l'AFP.

Son équipe a formellement identifié pour la première fois sur le continent européen une nouvelle espèce originaire de Nouvelle-Guinée. Les huit spécimens étudiés ont été trouvés dans une serre du Jardin des Plantes de Caen.

Très plat, ce ver mesure 5 cm de long et 5 mm de large, son dos est couleur olive noire, avec une bande centrale claire. Son ventre est plus clair.

Pour les scientifiques, qui publient leur découverte mardi dans la revue de biologie PeerJ, il y a urgence à prévenir la prolifération de cette espèce en Europe, en raison de la menace qu'elle représente pour la biodiversité.

Il y a déjà un précédent d'envahissement du nord des îles britanniques par une autre espèce de ver plat, Arthurdendyus triangulatus, venu de Nouvelle-Zélande. Il est responsable selon les chercheurs «d'importantes diminutions des populations de vers de terre», avec pour conséquence possible une baisse de la fertilité des sols.

Mais A. triangulatus ne supporte pas d'avoir trop chaud et voit ainsi son potentiel d'envahissement limité.

Conséquence de la mondialisation

P. manokwari, en revanche, qui était jusqu'à présent confiné à la région Indo-Pacifique, semble «être une espèce de montagne qui vit naturellement dans les zones alpines jusqu'à subalpines, les zones tempérées fraîches et chaudes et jusqu'aux climats tropicaux».

«Ça lui permet d'envahir pratiquement toute la moitié sud de l'Europe sans aucun problème», relève le Pr Justine.

P. manokwari est en outre «classé dans la liste des 100 espèces exotiques les plus envahissantes au monde», ajoute-t-il.

Dans la région Pacifique, l'animal que l'on sait particulièrement friand d'escargots, a été introduit volontairement, en tant qu'agent biologique, pour contrôler des foyers d'un escargot ravageur.

Il serait capable de suivre des «pistes» d'escargots, de monter aux arbres pour dénicher ses proies et même d'attaques grégaires «en bande organisée».

«Il a manifestement eu un impact grave sur la biodiversité des populations d'escargots indigènes dans la région du Pacifique», estiment les scientifiques.

L'animal a un point faible : il est très lent. «Mais il suffit de déplacer un pot de fleurs qui en contient pour le répartir très, très rapidement», souligne le Pr Justine.

«La vraie cause des invasions biologiques, c'est la mondialisation, c'est-à-dire le transport effréné de marchandises, avec des contrôles insuffisants, d'un bout à l'autre de la planète», indique-t-il.

Des vers plats terrestres non indigènes, principalement des espèces de l'hémisphère sud, ont été signalés dans 13 pays européens. Le Royaume-Uni, qui a des liens historiques avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, en compte au moins une douzaine.

En France, le Pr Justine répertorie sur son site internet six espèces invasives, en plus du P. manokwari.

La plus répandue, désignée comme «marron-plate», mange des vers de terre «très activement». «Elle est présente dans plus de 20 départements. On ne l'arrêtera plus. Elle risque d'être un problème majeur».

Les espèces européennes indigènes sont beaucoup plus petites que les espèces importées : 1 à 2 cm de long pour 1 mm de diamètre. «Très discrètes», elles sont considérées comme nécrophages.

PeerJ publie l'étude en anglais, mais avec un accès à une traduction intégrale en français.

Pour contribuer à la recherche sur les vers plats, le Pr Justine peut être contacté par courriel ou par téléphone (+33 (0)171214647).