Comme l’amoureux éconduit, convaincu que la passion lui sera un sentiment à jamais interdit, je ne croyais pas revivre une fièvre de hockey, cette affection s’étant évaporée au départ des Nordiques.

Je sais, je devrais en revenir avec le temps, mais c’est comme ça : le cœur, ça ne raisonne pas, ça bat, point.

Mais quand Patrick Roy a été nommé entraîneur des Islanders de New York, en janvier dernier, j’ai été pris d’une frénésie incontrôlable, une poussée électrique. Je voyais bleu, encore. Je voulais m’identifier, et j’ai résolu qu’il me fallait une calotte de son nouveau club !

Sérieux, un vrai fou.

Il m’arrive d’avoir des tocades, mais celle-là était une des plus imprévisibles, irrépressibles. Pas une, mais plusieurs bulles au cerveau.

Alors, à la recherche d’un soulagement, je me suis garroché au magasin le plus réputé dans ma ville pour son offre de calottes de sport.

Mais bon, je les ai pris de court, il n’y avait qu’un seul modèle de bonnet des Insulaires de New York. Un objet correct, mais pas la ’47 Royal Legend MVP bleue, l’objet de mon fantasme. J’ai quand même acheté le simulacre, un peu à reculons.

Comme il y a un complot permanent, de je ne sais qui contre moi, qui bousille à répétition mes tentatives de commandes sur l’internet, c’est la personne la plus près de moi qui comble ma déficience.

Or, déçu de mon achat, et dans un épisode d’obsession-compulsion, je l’ai talonnée pour qu’elle se mette à la manœuvre et me fasse venir ma Royal Legend dans l’heure qui a suivi mon retour de l’emplette.

J’ai payé mon insistance d’un dix minutes de mauvaise conduite et d’une sérieuse menace d’expulsion…

Voyant que je poussais ma luck – pas la puck – un peu loin, et que j’étais à la veille de me faire suspendre par la dame, j’ai décidé de sauter dans les ligues majeures, de réussir à magasiner moi-même la maudite guenille sur le site de la LNH et de faire de moi une recrue talentueuse.

Finalement, avec la conversion du prix d’achat (et le coût d’envoi en jet privé) en monnaie de singe canadienne, mon hystérie m’est revenue à 100 balles, juste pour une capine bleue.

Faut dire que tout ce qui est de cette couleur coûte trop cher ces temps-ci : le Panier bleu de monsieur Fitzgibbon, les Maisons bleues de monsieur Legault…

Mais elle est M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E ! Et il y a un prix pour l’équilibre mental.

PHOTO FOURNIE PAR RÉGIS LABEAUME

La casquette de Régis Labeaume

Ma convulsion pour la casquette voulait seulement exprimer ma fierté de revoir enfin Patrick derrière le banc d’un club de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Je l’ai vu évoluer de proche, chez nous, et je suis tellement admiratif des années investies, et des dizaines de milliers de kilomètres avalés à bord de l’autocar de son équipe de hockey junior : les Remparts de Québec.

Avec des bandes de flos semi-boutonneux, dont il devenait presque le père de substitution.

Aussi difficile à gérer qu’une garderie, selon moi. Gérer les enfants, oui, mais aussi les parents, ces derniers parfois plus pénibles, parce que trop de ceux-là voient leur fils devenir professionnel, et dans ceux-ci, le fonds de pension qu’ils ne possèdent pas.

Je ne connais aucun multimillionnaire, qui peut se permettre 500 rondes de golf par année, qui aurait fait le choix de Pat.

Passionné, vous dites ? Hyperactif et envoûté pour son sport.

J’ai connu de beaux moments passés dans son bureau avant les matchs des Remparts, à jaser de tout et de la game. Toujours de bonne humeur, le Pat, malgré la légende qui le prétend constamment bourru.

Et comme il est vraiment superstitieux, et qu’il colle à ses rituels, en sortant pour le début des matchs, je ne savais jamais vraiment quel kata adopter pour l’accolade, et pour lui souhaiter bon match ! J’espère ne pas avoir été responsable de défaites du club à cause de ma mauvaise procédure…

Ha ! bien sûr, il a été arrogant, le Patrick. Mais il a tout remporté dans son sport. On parle ici d’une vedette internationale. Ça peut façonner un jeune caractère, ça, une Coupe Stanley à 20 ans, la première de quatre, et un trophée Conn-Smythe, le premier de trois.

Mais j’ai connu tellement de faiseux qui ont patiné sur la bottine toute leur vie, dans d’autres métiers, et qui possédaient les pires têtes à claques…

Cette arrogance l’a aussi fait gagner. Comme elle l’a fait déserter le Colorado, comme coach, de la pire des façons. Et cela, il le savait, il l’a regretté. Et payé longtemps de sa réputation dans la LNH.

Le téléphone n’a pas sonné pendant des années. Pour un gars qui avait gagné le titre de meilleur entraîneur de la ligue, à sa première saison derrière le banc de l’Avalanche, ça faisait mal, année après année…

Mais l’homme a changé, a compris certaines choses, et est devenu un meilleur humain comme dirigeant. Il a saisi que le leadership se traduisait différemment de nos jours.

Un vieux routier comme le directeur général des Islanders l’a compris, celle-là. Lou Lamoriello, qui a aussi du kilométrage au compteur, savait qu’il le ramènerait à son meilleur.

Le gars était fin prêt à mettre en pratique ce que la vie lui avait appris.

Et maintenant, son club fait les séries éliminatoires parce qu’il a contaminé ses joueurs de sa passion.

Et le feu brûle, ardent, à tous les instants. Le feu d’un gagnant !

Entre nous

J’ai longtemps pris Frédéric Lenoir pour une espèce d’auteur psycho-pop une coche au-dessus, mais je ne me souviens plus pourquoi. Erreur. Son livre Le miracle Spinoza m’avait déjà fait changer d’idée. Comme beaucoup d’autres en ont déjà fait l’analyse, je viens de terminer L’odyssée du sacré. Un seul qualificatif : impressionnant !

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