Le courriel est tombé dans ma boîte par un mardi matin. Une lectrice, Carole Mari, voulait me raconter une histoire. Une histoire… de robot.

Un robot entièrement conçu par des élèves du secondaire du Collège Charles-Lemoyne, à Longueuil.

« Ce que j’ai vu dans leur équipe est miraculeux, m’a-t-elle écrit. J’ai vu des jeunes se mobiliser, travailler d’arrache-pied les soirs après l’école, les fins de semaine, se coucher tard pour travailler sur le robot. Spark (c’est le nom du robot) est né à la sueur du front de ces jeunes qui ont travaillé tellement fort ! Mon fils Quentin, qui était en voie de décrocher car il s’ennuyait tellement au secondaire, a vu sa motivation remonter en flèche. »

Quand j’ai voulu voir Spark, la semaine dernière, le robot n’était pas là. Il était dans un camion, en route vers une pizzeria de Houston, au Texas, pour participer à la compétition internationale Robotique FIRST. Oui, une pizzeria. Je vous expliquerai.

J’ai toutefois rencontré quelques-uns de ses créateurs. Ariana, Nathan, Malika, Quentin et Maël étaient sur le point de s’envoler pour Houston pour aller rejoindre leur robot. Ils avaient des étoiles dans les yeux et mille choses à raconter – des détails techniques, des anecdotes sur des pizzas dévorées en groupe dans des logements d’Albany, des histoires de moteur brûlé remplacé à la toute dernière seconde dans des compétitions.

Autour d’eux, des adultes – un prof de science, une technicienne de travaux pratiques, un directeur d’école, des parents bénévoles. Ils avaient l’air de tripper au moins autant que les ados. Au point où il y a des moments de l’entrevue où tout le monde voulait parler en même temps… et je vous jure que les moins disciplinés n’étaient pas les jeunes.

Il y a plusieurs années, mon collègue Patrick Lagacé avait raconté comment la compétition Robotique FIRST avait stimulé les élèves de l’école secondaire Monseigneur-Richard, à Verdun ⁠1. Ma rencontre avec ceux du Collège Charles-Lemoyne confirme à quel point ce tournoi est un générateur de passions.

C’est Philippe Ouellette, enseignant de sciences au Collège Charles-Lemoyne, qui a eu l’idée d’embarquer ses élèves dans cette compétition. Les attentes étaient modestes. La plupart des équipes qui connaissent du succès peaufinent des robots qui s’améliorent au fil des ans. Les élèves de Charles-Lemoyne, eux, partaient de zéro.

PHOTO FOURNIE PAR LE COLLÈGE CHARLES-LEMOYNE

Le robot Spark à gauche

« Le 6 janvier, on n’avait absolument rien. Pas de robot, pas de pièces, rien », raconte Nathan Larose, élève de 5e secondaire et gestionnaire du site web de Spark2.

Ce jour-là, ils ont reçu le cahier des charges de la compétition – 126 pages de spécifications techniques et de règlements. Le simple fait de le feuilleter m’a découragé. Pas eux.

Leur mission : fabriquer un robot capable d’attraper des anneaux au sol, puis de les catapulter dans un but. Pendant les compétitions, les robots des différentes équipes sont jumelés pour s’affronter trois contre trois.

Sous la direction d’Ariana Castro, une élève de 5e secondaire désignée gestionnaire d’équipe, les 21 ados intéressés ont été répartis entre quatre équipes – mécanique, électrique, programmation, marketing. N’allez pas penser qu’ils étaient tous cracks en informatique. Plusieurs du lot ont des plans d’intervention.

Trois « entraîneurs » membres du personnel de l’école et sept « mentors » (des parents bénévoles) les ont soutenus.

Ariana exhibe des feuilles Excel sur lesquelles chaque tâche et chaque problème sont identifiés et assignés à quelqu’un. Être patron d’entreprise, je ferais une promesse d’emploi à cette fille demain matin.

Conception 3D par ordinateur, programmation en C++, coupe laser, alouette : les élèves ont appris à maîtriser toutes sortes d’expertises. Pendant ce temps, d’autres planchaient sur le site web, approchaient des commanditaires ou cherchaient des fonds. Les élèves ont notamment fabriqué et vendu des boules de Noël pour récolter de l’argent et cogné à la porte du directeur de l’école pour le convaincre d’avancer des milliers de dollars.

À la compétition de Montréal, en mars, surprise : Spark remporte la troisième place et le prix de l’équipe recrue. Quelques semaines plus tard, à Albany, dans l’État de New York, l’équipe rafle la toute première place au terme d’un parcours rocambolesque. Sans le bris d’un robot concurrent, elle n’aurait même pas accédé à la finale.

« On est devenu l’équipe Cendrillon ! », s’exclame Julie Casgrain, technicienne en travaux pratiques du collège.

Ces performances ont valu à Spark une invitation à la finale mondiale de Houston qui démarre ce mercredi.

Acheminer Spark au Texas a été un « feuilleton » assez typique de l’ensemble de l’aventure, comme le dit l’enseignant Philippe Ouellette.

Démonter le robot, le mettre en pièces détachées dans des valises et le remonter là-bas ? L’équipe ne voulait pas prendre ce risque. Faire appel à une entreprise d’expédition ? Trop cher. C’est le bouche à oreille qui a permis de trouver le beau-frère de quelqu’un prêt à l’acheminer. D’où cette livraison peu orthodoxe dans une pizzeria.

Quand je demande aux ados ce qu’ils ont appris de l’aventure Robotique FIRST, ils en ont long à dire.

« J’ai appris à prendre ma place et mettre mon pied à terre. Parce qu’on va se le dire, le marketing est souvent la dernière priorité », dit Malika Chatelais, cheffe de l’équipe marketing.

« J’ai appris à parler aux juges – je n’avais jamais fait ça. Et en allant à Albany, j’ai pratiqué mon anglais », dit Maël Prado. Cadet du groupe, cet étudiant de 2e secondaire rêve de devenir ingénieur en aérospatiale depuis qu’il a vu le robot Perseverance atterrir sur Mars.

« J’ai appris à gérer des humains », dit quant à elle la gestionnaire d’équipe Ariana Castro.

J’ai eu des nouvelles du groupe à son arrivée à Houston. Les jeunes ont visionné ensemble le film Apollo 13 (« depuis Houston, ce n’est pas pareil ! »), avant d’aller visiter le Houston Space Center.

La compétition s’étire jusqu’à vendredi. Une demi-douzaine d’écoles québécoises y participe. Peu importe les résultats, les jeunes qui sont là-bas auront gagné. Parce qu’ils auront goûté au trop rare bonheur de s’investir pleinement dans quelque chose.

1. Lisez la chronique de Patrick Lagacé « Des ados et des robots » 2. Consultez le site web de Spark Suivez les compétitions Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue