Chaque jeudi, nous revenons sur un sujet marquant dans le monde, grâce au recul et à l’expertise d’un chercheur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal ou de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal.

Dans un discours inaugural maintenant célèbre, Donald Trump, alors président désigné, appelait à mettre fin au « carnage américain ». Annonçant la fin du joug de « l’establishment de Washington » et le retour du pouvoir entre les mains du peuple américain, le 45président des États-Unis y présentait les grandes lignes de son premier mandat.

PHOTO JIM BOURG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Donald Trump lors de sa prestation de serment à titre de 45e président des États-Unis, le 27 janvier 2017

Néanmoins, la mise en place de ce programme politique ne fut pas simple dans la mesure où le président Trump, comme plusieurs de ses prédécesseurs, s’est heurté à de nombreux freins et contrepoids du système politique américain qui ont limité sa marge de manœuvre.

En effet, le déploiement de ce programme politique a été ralenti, voire dans certains cas empêché, par l’opposition démocrate, les tribunaux, les fonctionnaires de la Maison-Blanche et du gouvernement fédéral, et même par la frange plus radicale de son parti.

Pour éviter que le programme d’une prochaine présidence républicaine ne soit de nouveau contrecarré, plusieurs laboratoires d’idées conservateurs et anciens membres de la première administration Trump ont mis sur pied un plan pour les 100 premiers jours d’une future présidence républicaine.

Le projet 2025⁠1, aussi appelé mandat de leadership, est un programme politique réactionnaire⁠2 qui ferait reculer la société américaine sur plusieurs enjeux, notamment les droits de la personne, la protection de l’environnement et les droits du travail.

Le programme propose, entre autres, le démantèlement de l’État administratif américain par l’élimination de l’Agence de protection de l’environnement, du département de l’Éducation et de la Sécurité intérieure et du FBI. Il propose en plus de mettre fin à l’indépendance du département de la Justice et de la Commission fédérale des communications vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Les auteurs du programme estiment qu’il ne suffit plus pour les conservateurs de remporter des élections ; il faut s’assurer de mettre en place des personnes prêtes à le réaliser dès le premier jour d’une future administration républicaine.

Pour éviter une quelconque forme de résistance bureaucratique, le projet suggère de purger la bureaucratie de Washington des fonctionnaires n’étant pas suffisamment à droite et de les remplacer par des loyalistes – rappelant les sombres années du maccarthysme.

Enfin, conscients que l’imposition d’un tel programme serait fort probablement impopulaire auprès d’un large pan de la population américaine, les instigateurs du projet 2025 recommandent l’invocation de l’acte d’insurrection⁠3 au premier jour d’une présidence républicaine afin de déployer la Garde nationale dans les grands centres urbains et d’ainsi mater toute forme de manifestations civiles.

Il importe de souligner que cette vision du pouvoir exécutif et de la concentration du pouvoir entre les mains du président précède l’avènement de Donald Trump en tant que figure politique de proue du Parti républicain.

Elle se fonde principalement sur la théorie de l’exécutif unitaire⁠4, qui suggère que le président exerce un contrôle total sur le pouvoir exécutif. Elle s’appuie sur une lecture des deux premières clauses de l’article II⁠5 de la Constitution américaine qui rejette la notion selon laquelle le Congrès des États-Unis ou les agences gouvernementales indépendantes puissent limiter le président dans l’exercice du pouvoir exécutif.

Pour le meilleur et pour le pire, le système politique américain a été façonné afin qu’il soit difficile pour les pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire d’exercer un contrôle absolu sur la vie politique. L’ambition devant contrecarrer l’ambition, le principal moteur de ce système de freins et de contrepoids est la nature humaine : chacun des pouvoirs cherche à protéger ses propres prérogatives et à accroître son influence au détriment des autres.

Néanmoins, il s’agit d’un système imparfait, et l’histoire politique récente est marquée par l’ascension de l’exécutif et la concentration graduelle du pouvoir entre les mains de la présidence, particulièrement au détriment du Congrès.

En cette année électorale, Donald Trump représente le véhicule par lequel la droite radicale américaine cherche à prendre le contrôle du gouvernement fédéral et à affirmer davantage la suprématie de la présidence sur l’exercice du pouvoir.

S’il est incertain qu’un programme comme le projet 2025 puisse être mis de l’avant dans son intégralité, celui-ci est évocateur de l’attitude revancharde et du penchant autoritaire qu’affichent les éléments plus radicaux du Parti républicain.

À plusieurs échelons de la grande famille conservatrice américaine, des élus, des électeurs, des figures médiatiques et des intellectuels perçoivent de plus en plus les institutions démocratiques américaines, non seulement comme un frein à l’exercice du pouvoir, mais surtout comme un péril pour leur vision de l’Amérique.

1. Consultez le site de Project 2025 (en anglais) 2. Lisez le texte « A guide to Project 2025, the extreme right-wing agenda for the next Republican administration » sur le site de Media Matters for America (en anglais) 3. Lisez le texte « The Insurrection Act Explained » sur le site du Brennan Center for Justice (en anglais) 4. Lisez le texte « The Unitary Executive : Past, Present, Future » sur le site de l’Université de Chicago (en anglais) 5. Consultez l’article II de la Constitution américaine (en anglais) Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue