La chose est passée sous le radar au Québec, mais Erin O’Toole a profité des dernières semaines pour dévoiler les grandes lignes de sa stratégie électorale en vue du prochain scrutin.

En un mot, le chef du PCC veut élargir la base électorale de son parti, et pas seulement au Québec en appuyant la loi 101 : en proposant un discours beaucoup plus centriste et modéré que celui de ses prédécesseurs.

Seul problème : tous les membres de son équipe n’ont pas reçu la directive…

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Erin O’Toole, chef du PCC

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Dans un discours qui a fait sourciller au Canada anglais, le chef conservateur a ouvert un peu plus grand les portes de son parti.

S’adressant au Canadian Club de Toronto le 30 octobre dernier, Erin O’Toole a en effet prononcé une allocution qui semblait avoir été écrite par le NPD : éloge de la syndicalisation, critique des emplois précaires à la Uber, attaque contre la sous-traitance à l’étranger, fin de l’obsession pour une croissance aveugle du PIB, etc.

« Nous avons besoin de politiques qui renforcent la solidarité, pas seulement la richesse », a-t-il lancé.

L’objectif est clair. Tendre la main aux électeurs qui se sentent négligés par les politiciens et largués par la nouvelle économie : les travailleurs manufacturiers, les membres de la classe moyenne inférieure, les électeurs sans diplôme, etc.

Voilà ceux que Donald Trump a courtisés avec succès il y a quatre ans. Et voilà ceux que M. O’Toole tente d’atteindre avec un discours plus rassembleur que celui de ses prédécesseurs.

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Le problème, c’est que le message de modération n’est pas suivi par l’ensemble des députés conservateurs.

L’un d’entre eux a en effet choisi de s’inspirer de Donald Trump, non pas pour ses succès auprès des électeurs négligés, mais pour son flirt avec les conspirationnistes…

Pierre Poilievre, un des députés les plus en vue du parti, s’est en effet lancé dans une curieuse cabale ces derniers jours qui rappelle celles du président sortant.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre, député conservateur de Carleton, en Ontario

L’ancien ministre Pierre Poilievre a hébergé sur son site une pétition en ligne contre la « grande réinitialisation ». « STOP THE GREAT RESET », exige-t-il à coup d’insinuations douteuses et de mots en MAJUSCULES !

Qu’est-ce que le « Great Reset » ? C’est une expression employée par Justin Trudeau et d’autres leaders progressistes pour évoquer l’après-COVID-19. À leurs yeux, la relance doit servir à « réinitialiser » l’économie afin de mieux réduire « l’extrême pauvreté, les inégalités et les changements climatiques », comme l’a expliqué le premier ministre.

On peut certainement être contre cette approche. Mais Pierre Poilievre est allé beaucoup plus loin : il a dépeint la stratégie comme une volonté des « élites mondiales » de « prendre le pouvoir » du Canada « aux dépens du peuple » ! Façon peu subtile de faire un clin d’œil à l’extrême droite et aux conspirationnistes.

Car ces derniers croient justement que le « Great Reset » est un complot des puissants pour remplacer le capitalisme par un nouvel ordre socialiste. La COVID-19 aurait ainsi été fabriquée pour permettre cette révolution…

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Que les troupes conservatrices s’inspirent des succès électoraux des républicains, c’est de bonne guerre. C’est aussi ce qu’ont fait les partis conservateurs en Australie et Grande-Bretagne.

Mais lorsque Erin O’Toole laisse un de ses plus éminents représentants flirter avec la droite conspirationniste sans le rappeler à l’ordre, le chef brouille le message qu’il tente de faire passer. Il nuit à l’image de modération qu’il entend véhiculer. Et il rappelle les dérives passées du parti.

Souvenez-vous, par exemple, du dérapage lié au Pacte sur les migrations de l’ONU en 2018. Certains membres de l’équipe d’Andrew Scheer affirmaient à l’époque que cette entente visait à donner aux organisations internationales le contrôle des frontières des pays, dont le Canada, dans le but de permettre la libre circulation des migrants partout sur la planète…

Aux dernières nouvelles, cela n’est pas survenu. De la même manière que l’élite globale ne trame pas en coulisses pour prendre le contrôle des États.

On s’attend à un peu plus de hauteur du Parti conservateur s’il veut convaincre les Canadiens qu’il est capable de parler au plus grand nombre. On s’attend à plus de modération. On s’attend, bref, à une droite conservatrice de principe non pas de complotisme.

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