On ne demandera pas à Québec solidaire (QS) de faire sien ce mantra de James Carville, jadis stratège de Bill Clinton, et le commentateur politique amerloque le plus intelligent et le plus tordant, me concernant.

Il vieillit, mais n’est pas encore atteint de démence. Une maladie qui, comme on le sait, affecte les élus républicains en plus bas âge. Au premier chef, le Grand Dingo poil de carotte : Trump.

En plus du crétinisme qu’ils ânonnent à longueur de semaine, ils baisent les pieds des économistes ultraconservateurs sans cœur. Surtout depuis que Ronald Reagan, qui s’y connaissait plus en fers à cheval qu’en économie, n’en bavait que pour Milton Friedman, pape monétariste du small government. Ligoté serré comme un veau dans un rodéo, le président.

Ces économistes magiciens font de gros dégâts ici-bas.

Le problème est que trop d’incultes au pouvoir les croient. Tous ne sont pas des Parizeau, tant s’en faut.

À l’autre bout du spectre, la gauche occidentale, elle, se fout généralement de l’économie. Je suis toujours ahuri du succès d’un Jean-Luc Mélenchon en France.

Mais on est en Amérique ici, et ce n’est pas possible. QS devrait s’en souvenir pour progresser, devenir plus accessible et s’éloigner du statut de chapelle politique.

Pour amortir l’atterrissage, disons que QS pourrait devenir un parti social-démocrate « orthodoxe ». Mais la social-démocratie exige, oui, de partager la richesse, mais également, et avant toute chose, de la créer. Voilà l’amnésie de la gauche.

Dans l’absolu, on ne peut pas partager quelque chose qui n’existe pas.

Je crois absolument aux vertus de l’économie sociale et solidaire, et je suis depuis belle lurette un admirateur de Muhammad Yunus, créateur du microcrédit.

Mais cette forme d’économie ne nourrira pas huit millions de personnes et plus pendant le prochain siècle.

L’idée n’est pas que QS fantasme sur Adam Smith et sa main invisible qui régirait l’économie. Mais, reconnaissant que l’économie libérale sur le continent est aussi inéluctable qu’un nez dans la face, il pourrait favoriser une méthode keynésienne plus plus, un interventionnisme dosé et intelligent de l’État, pour accélérer le progrès social et diversifier l’économie.

Mais surtout pour répondre au besoin de protection contre les excès du capitalisme d’abrutis aux roubignoles hypertrophiées.

Pour les anxieux de droite, ne modifiez pas votre posologie, parce que bien que la social-démocratie sévisse depuis un bail en Scandinavie, il n’y manque pas de gens riches et célèbres. Le fondateur d’IKEA, par exemple, ne vient pas de la Gaspésie.

Le commerce principal de QS est en résumé la générosité, l’éclopé de la société. C’est heureux, il y aura toujours nécessité. Il est plutôt souverainiste de la fesse gauche, nébuleux, mais ça, c’est son problème.

Seulement, il doit bien y avoir moyen pour ses dirigeants d’innover et de concocter un programme économique plus créatif et réaliste. Ingénieux sur les dépenses, ils devraient tenter de l’être un tantinet plus sur les revenus.

Une fois cela dit, mais eux le nieront toujours, sachant qu’ils ne prendront jamais le pouvoir, il est fort possible que QS ait choisi de se concentrer sur la revendication, en général, et de ne pas s’aventurer ailleurs.

C’est peut-être sage, plus fessier, je ne sais pas.

Incidemment, je connais bien peu de gens qui souhaiteraient les voir au gouvernement, même s’ils votent pour eux.

Dans ces conditions, ce parti doit donc accepter d’assister au vol en plein jour de ses idées par ses concurrents, comme c’est le cas du NPD au fédéral. Et pourquoi pas, si c’est cela son utilité politique. Une fatalité potentiellement féconde, disons.

Gabriel Nadeau-Dubois, GND, est un méchant petit futé. Peut-être le parlementaire le plus intelligent à l’Assemblée nationale. Mais politiquement, il traîne littéralement des casseroles depuis 10 ans, et même s’il est brillant au carré, il fait voir rouge encore trop de monde.

Dans un concours, genre « Génies en herbe », je miserais mon chèque de pension du mois – une pitance – sur une équipe GND-Mario Dumont. Un duo d’enfer !

Mais malgré le petit génie, j’ai l’impression que les Québécois ont développé une affection durable pour Manon Massé. Plus empathique que ça, c’est la sainteté.

Aussi, faudrait pas la cacher, parce que seulement conserver les élus QS à Montréal exigera de mouiller la chemise abondamment.

L’histoire des mouvements de gauche nous enseigne que leur création est généralement le fait de militants remplis d’espoir en un monde meilleur, et pour beaucoup jusqu’au-boutistes.

Mais avec le temps, plusieurs se sentent trahis par l’ajustement nécessaire qui sied à la politique active. Militer est une chose, participer au processus électoral, avec ses vices inhérents, est plus compliqué. Et c’est là que s’accumulent les dissidences, que des murs s’érigent, infranchissables pour certains.

Inévitablement, QS vivra cette transition. On le sent déjà un peu.

GND est jeune, très jeune, la patience est de mise.

Il nous restera à assister à cette conversion, et apprécier ce test de leadership.

Entre nous

Ceci était ma dernière chronique de stagiaire. Je découvre cette expérience de collaborateur en même temps que vous, chers lecteurs et lectrices. J’espère que vous avez apprécié.

Je vois avec la patronne, mais retour prévisible en août-septembre.

En attendant, j’irai fêter le centième anniversaire de Girardville avec Guylaine Tanguay, ma tante Pauline et la famille Bolduc.

Je stresse déjà sur la prestation acceptée avec Guylaine…

Misère ! Pourquoi j’ai dit oui ? !

Bon été ! ! !