La « fatigue pandémique » se fait de plus en plus évidente au Québec. Des données de mobilité fournies par Google montrent que malgré l’arrivée de la troisième vague, les Québécois passent de moins en moins de temps à la maison, et jettent leur dévolu sur les parcs et les commerces.

Depuis le début de la pandémie, la multinationale publie chaque semaine des données anonymisées de déplacements, tirées des téléphones qui ont activé le partage d’historique des positions. La variation des déplacements est comparée à un seuil de normalité établi au mois de février 2020, avant la pandémie. Dans le cas du temps passé à la maison, c’est le nombre d’heures passées au domicile qui est calculé par Google.

Les graphiques compilés par La Presse pour le Québec montrent que la fréquentation des parcs a littéralement explosé avec le retour du beau temps au début d’avril. Cette tendance à la hausse se poursuit même à Québec et à Gatineau, où le gouvernement Legault a imposé des mesures spéciales d’urgence à la fin mars.

« C’est inquiétant, parce que même si les risques de contamination sont 19 fois moins élevés à l’extérieur [selon une revue systématique des études faites avant l’apparition des variants], on n’est pas à l’abri d’une contamination en fréquentant les parcs, note la chercheuse Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. C’est particulièrement vrai dans un contexte où, comme on nous le rapporte, ce sont beaucoup des jeunes qui se rassemblent, et qui dans certains cas se partagent de l’alcool et même des cigarettes. »

« Faire du vélo en famille ou entre amis, ou jouer au tennis, ce n’est pas un problème, parce qu’on reste dans sa bulle. L’enjeu, c’est toujours quand on se retrouve dans des contextes où l’émotivité du moment l’emporte : ça a tendance à faire tomber les gestes barrières et ça augmente les risques », souligne la spécialiste.

En règle générale, la fréquentation accrue des parcs peut cependant être perçue comme une bonne chose, « puisque le temps passé à l’extérieur signifie que les gens passent moins de temps à l’intérieur, où les risques de propagation sont plus élevés », note la professeure de démographie de l’Université de Montréal Simona Bignami.

Parallèlement, on observe à Montréal une hausse faible, mais constante de l’achalandage des commerces de divertissement (qui excluent les épiceries et les pharmacies) depuis le 20 février. Cette situation, indique Mme Borgès Da Silva, soulève des craintes d’un évènement « superpropagateur » semblable à celui qu’on a vu au Méga Fitness Gym de Québec, qui est à l’origine de 581 cas de COVID-19 dans la population à ce jour.

L’écart relativement marqué entre la fréquentation des commerces à Québec et à Gatineau, comparativement à ceux de Montréal, suggère que le retour en zone orange de ces deux villes s’est peut-être fait trop rapidement. « Le déconfinement pousse les gens vers les commerces, alors que ce sont des endroits plus risqués pour la propagation », estime Mme Bignami.

Les données de mobilité de Google montrent également que la population québécoise a commencé à passer moins de temps à la maison à partir du début d’avril. Ce n’est qu’à partir de la semaine dernière, date à laquelle le gouvernement a annoncé des mesures plus strictes pour les milieux de travail, que la fréquentation des domiciles a légèrement remonté.

Pour Mme Borgès Da Silva, ces tableaux illustrent une certaine « fatigue pandémique » qui s’est emparée de la population. « On voit que le respect de mesures sanitaires s’effrite. Ça s’ajoute au fait que le gouvernement a été un peu incohérent avec certaines mesures, qui ont été mal comprises par la population », estime-t-elle.

Dans l’ensemble, les courbes de tendance semblent toutefois épouser avec une certaine fidélité les différentes mesures ordonnées par Québec, note Mme Bignami. « Je pense que les gens suivent ce qui est permis. Ça suggère que l’erreur à ne pas faire, pour le gouvernement, c’est de déconfiner trop rapidement. »