(Ottawa) Une seule dose du vaccin contre la COVID-19 de Pfizer-BioNTech est à peine suffisante pour couvrir l’ongle moyen de l’auriculaire, mais elle est constituée de plus de 280 composants et nécessite le concours d’au moins trois usines pour sa fabrication.

Au moment où cette dose est injectée, elle a voyagé dans au moins six villes différentes dans quatre pays, traversé l’océan Atlantique deux fois, et a été surveillée par une tour de guet de 24 heures en Islande à chaque étape du chemin.

Une merveille de science et d’héroïsme de la chaîne d’approvisionnement transporte le vaccin de l’usine aux bras de patients reconnaissants du monde entier.

« C’est vraiment très complexe », affirme Germain Morin, vice-président de Pfizer responsable des chaînes d’approvisionnement mondiales de l’entreprise pour les médicaments et vaccins contre les maladies rares.

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Un homme reçoit le vaccin de Pfizer-BioNTech contre la COVID-19 à Taverny, près de Paris, le 26 février.

Les vaccins à l’acide ribonucléique messager (ARNm) fabriqués par Pfizer et son partenaire allemand BioNTech, de même que par Moderna, constituent une nouvelle technologie qui, avant la COVID-19, n’avait jamais été approuvée pour une utilisation généralisée chez l’homme.

Alors que l’ADN est la molécule grande et complexe qui stocke tout le codage génétique qui fait de nous qui nous sommes, l’ARN transporte des morceaux individuels de ce code avec les instructions sur la façon d’effectuer le travail du système du corps humain.

Dans le cas des vaccins à ARNm, ils portent le code génétique d’une partie du virus SARS-CoV-2, qui enseigne à notre corps à se défendre contre le virus.

Un grand saut

Il y a un an, le matériel pour ces vaccins était fabriqué uniquement à des fins de recherche, assez pour peut-être quelques centaines de doses à la fois. Maintenant, Pfizer prévoit de générer deux milliards de doses d’ici la fin de cette année.

Cela a fait de l’intensification du processus de fabrication un exploit herculéen, a affirmé M. Morin. Il y a 25 fournisseurs différents impliqués, répartis dans 19 pays. Certains d’entre eux, a indiqué M. Morin, fabriquaient des milligrammes de liquide au début. Ensuite, on leur a demandé d’en faire des kilogrammes, et enfin des centaines de kilogrammes.

Les 475 000 doses que le Canada a reçues la semaine dernière ont commencé leur vie avant Noël. M. Morin a indiqué qu’il fallait auparavant quatre mois pour fabriquer une seule dose du vaccin, officiellement appelé BNT162b2. Il a affirmé que le temps requis pour le processus avait récemment été réduit de moitié.

Chaque dose du vaccin Pfizer-BioNTech est née dans un laboratoire Pfizer à Chesterfield, au Missouri, une banlieue de St. Louis. C’est là que de petites molécules d’ADN appelées plasmides sont fabriquées avec les débuts du code de la protéine de pointe SARS-CoV-2.

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Un technicien conduit des tests dans un laboratoire Pfizer à Chesterfield, au Missouri.

Cela prend environ deux semaines, suivi d’un processus d’assurance qualité.

Vient ensuite le premier grand refroidissement, car les plasmides sont mis dans des sacs et congelés à la fameuse température ultra-basse dont le produit Pfizer a besoin : -80 degrés Celsius.

Du Missouri, les plasmides sont expédiés à deux laboratoires, l’un dans une installation Pfizer à Andover, dans le Massachusetts, et l’autre dans une installation BioNTech en Allemagne, où ils sont utilisés pour fabriquer l’ARNm.

Un seul lot d’ARNm prend environ quatre jours à fabriquer, dans un processus de haute technologie avec de nombreuses enzymes et produits chimiques. L’ARNm est ensuite congelé à nouveau et expédié pour la finition.

Les doses canadiennes en Belgique

Aux États-Unis, cela se produit à Kalamazoo, au Michigan, et pour les doses canadiennes, actuellement fabriquées en Europe, elles se rendent à Puurs, en Belgique, la plus grande usine de Pfizer au monde.

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L'usine de Puurs, en Belgique

L’ARN messager n’est pas un produit très stable et se désintégrera rapidement s’il n’est pas protégé, de sorte que chaque pièce d’ARNm est enfermée dans une infime quantité de graisse appelée nanoparticule lipidique.

« Imaginez un très, très petit œuf, donc une très petite coquille d’œuf de lipides qui protégerait l’ARNm », a expliqué M. Morin. « Cela fait également partie de la magie de la fabrication de ce vaccin. »

Au cours de trois ou quatre jours de plus, l’ARNm obtient son revêtement lipidique et est introduit dans des flacons contenant suffisamment de vaccin pour six doses. Les flacons sont ensuite conditionnés dans des boîtes, et immédiatement placés dans « ces fameux congélateurs » qui transforment les molécules d’ARNm lipidiques en mini blocs de glace.

« C’était, soit dit en passant, l’un des défis », a déclaré M. Morin. « Vous pouvez imaginer que ces congélateurs ne sont pas très courants dans le monde. Les laboratoires qui se les procurent les achètent généralement un ou deux à la fois. Nous sommes allés chez les fournisseurs et la première fois, nous en avons demandé 650 d’un seul coup, et puis nous y sommes allés pour encore plus après cela. »

Les flacons restent dans ces congélateurs pendant deux à trois semaines, tandis que chaque lot est testé avec plus de 40 mesures de contrôle de qualité différentes.

Pfizer a passé un contrat avec UPS pour livrer les boîtes. Celles-ci sont récupérées par UPS en Belgique et envoyées à travers l’Allemagne et le Kentucky en route vers le Canada.

UPS livre les lots à des dizaines de sites de livraison dans chaque province, où les responsables de la santé provinciaux en prennent possession et se préparent à les injecter.

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Les premières doses du vaccin ont été livrées par UPS à Montréal le 14 décembre.

Moderna n’a pas publié autant de détails sur son processus de fabrication, mais a déclaré que le vaccin était en grande partie produit pour le Canada en Suisse, envoyé en Espagne pour être mélangé avec un diluant et rempli dans des flacons, puis expédié dans un entrepôt en Belgique.

Le Canada a embauché FedEx et Innomar Strategies pour gérer l’expédition et la distribution de Moderna et de tous les autres vaccins à l’exception de Pfizer-BioNTech.

Guy Payette, le président d’Innomar, a déclaré qu’eux aussi utilisent des boîtes spécialement conçues. Le vaccin de Moderna n’a pas besoin d’être congelé à des températures extrêmes, mais doit être conservé à environ -20 degrés Celsius.