(Edmonton) La médecin hygiéniste en chef de l’Alberta affirme avoir été « trahie » par un membre de son cercle rapproché qui a rompu les liens de confiance de l’équipe de lutte contre la COVID-19 en divulguant des conversations privées aux médias.

La docteure Deena Hinshaw a rappelé que les titulaires de fonctions publiques prêtent serment de ne pas divulguer les discussions privées tenues dans le cadre de leur travail. Elle a affirmé qu’il y aurait une enquête sur cette affaire.

« Je suis profondément déçue », a dit la docteure Hinshaw devant les journalistes jeudi. « C’est une trahison personnelle et une trahison de la confiance que les membres de notre équipe de travail ont placée les uns envers les autres. »

« Ces réunions devraient être un lieu sûr où les responsables ont des conversations et des débats francs et continus. Cette sécurité et cette confiance sont désormais brisées. »

La docteure Hinshaw a dit ignorer qui est à l’origine de la fuite.

« Il y aura une enquête pour déterminer qui a fait cela, car cela a de graves répercussions et constitue une violation du serment que nous avons tous prêté. »

La médecin hygiéniste en chef faisait référence à un article du réseau anglais de Radio-Canada publié plus tôt dans la journée de jeudi, qui cite des sources anonymes et des enregistrements audio de réunions entre la docteure Hinshaw et une quarantaine de collègues alors qu’ils élaboraient des recommandations pour lutter contre la pandémie en Alberta.

Le reportage suggère que le cabinet du ministre de la Santé Tyler Shandro s’est directement intéressé à l’application des ordonnances de santé publique afin de limiter les pénalités imposées aux contrevenants.

La chef de l’opposition néo-démocrate, Rachel Notley, a cité ce reportage lors de la période des questions à l’Assemblée législative.

« (La docteure Hinshaw) a été enregistrée disant : « Ils ne veulent pas que nous imposions quoi que ce soit. Ils veulent juste que nous éduquions. Pas de mesures coercitives » », a dit Mme Notley.

Elle a demandé au premier ministre Jason Kenney : « Pourquoi adopteriez-vous des ordonnances de santé publique pour ensuite ordonner qu’elles ne soient pas appliquées ? Ne vous rendez-vous pas compte qu’en faisant cela, vous mettez à risque la vie et les moyens de subsistance des Albertains ? »

M. Kenney a répondu : « Aucune directive de ce type n’a été faite. C’est catégoriquement faux. »

Des interventions politiques ?

Le ministre Shandro, qui s’est fait demander par la suite si son ministère intervenait dans les mesures décidées par les experts de la santé publique pour lutter contre la COVID-19, a répondu : « Rien ne passe par notre bureau. C’est une question totalement insensée. »

Plus tôt cette semaine, le premier ministre avait affirmé que son gouvernement cherchait à augmenter le nombre d’agents ayant le pouvoir d’imposer des contraventions à ceux qui enfreindraient les consignes de santé publique.

Le reportage de CBC fait également référence à des discussions au cours desquelles la docteure Hinshaw et le gouvernement Kenney ont été en désaccord sur certaines politiques liées à la pandémie, notamment en matière de sérologie et de tests de dépistage des personnes asymptomatiques.

Selon la docteure Hinshaw, le reportage ne reflète qu’une partie prise hors contexte des longues et vastes discussions entre les différentes responsables, qui comportent parfois des désaccords normaux dans des échanges de ce type.

La médecin hygiéniste en chef s’est retrouvée au centre d’une tempête politique à l’Assemblée législative quant à la meilleure façon pour l’Alberta de lutter contre la flambée des nouvelles infections.

La province, qui était auparavant considérée comme un exemple au pays quant à la gestion de la pandémie, a aujourd’hui l’un des plus grands nombres de nouveaux cas quotidiens au Canada.

La docteure Hinshaw a annoncé jeudi 1077 nouveaux cas et 383 personnes hospitalisées pour la COVID-19, dont 84 aux soins intensifs. Il y a eu 10 décès supplémentaires, pour un total de 510 en Alberta depuis le début de la pandémie.