On connaît l'expression voulant que «Les paroles s'envolent, les écrits restent». Dans le cas d'Alain Deneault, auteur de l'essai Noir Canada sur les pratiques controversées de sociétés minières canadiennes en Afrique, les mots dits dans son ouvrage lui ont valu, ainsi qu'aux éditeurs, deux poursuites de plusieurs millions de dollars.

D'aucuns évoquent ici le phénomène des poursuites bâillons. Dans son documentaire Le prix des mots présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), Julien Fréchette retrace cette affaire échelonnée sur plusieurs années.

«Au départ, je m'intéressais au phénomène des poursuites bâillons dans un sens très large, dit le réalisateur en entrevue. Puis est arrivée cette histoire de Noir Canada. Je me suis arrimé à celle-ci sans savoir que j'embarquais pour quatre ans et demi de travail.»

Revers après revers

Au cours de cette période, la caméra de M. Fréchette suit pas à pas l'auteur, les dirigeants de la maison d'édition Écosociété et leurs avocats qui encaissent revers par-dessus revers. Minés par le stress et la lourdeur de l'affaire, ils se décomposent lentement devant nous jusqu'à la conclusion d'une entente hors cour.

Le titre Le prix des mots reflète cette descente aux enfers. «J'ai voulu autant évoquer le prix que M. Deneault a payé pour les mots écrits dans son livre que les sommes investies par les sociétés minières dans cette cause», dit Julien Fréchette.

Même si le réalisateur travaille à partir du camp des poursuivis, il se défend d'avoir un parti pris. «Je ne voulais pas me substituer à la justice, dit-il à plus d'une reprise. J'étais là pour les suivre, observer. À mon point de vue, mon film porte davantage sur l'accès à la justice que sur les poursuites bâillons.»

On peut déplorer que l'auteur n'ait pas cherché à obtenir le point de vue des entreprises minières dans son travail. Mais on doit reconnaître qu'il ne sombre pas non plus dans la complaisance. Il laisse les images respirer suffisamment pour que le spectateur puisse avoir ses propres impressions quant à la genèse du film et l'éthique de ceux qui le défendent.

«J'aime traiter des enjeux de société sans être pamphlétaire, dit M. Fréchette. Il revient au spectateur de juger.»

Bien dit!

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Ce soir 20 h 15 à la Grande Bibliothèque.