La scène d'ouverture de Sister Act - pourtant capitale dans le succès d'une comédie musicale - nous a fait craindre le pire.

Le numéro sans relief, au centre duquel on retrouve le personnage de Delores Van Cartier (Dayane Ntibarikure) chantant Take Me to Heaven dans un cabaret de Philadelphie, manquait de consistance et d'envergure. La musique de l'orchestre (caché dans la fosse) peinait aussi à emplir le théâtre.

Non pas que les filles chantent mal, mais leur jeu est maladroit. Leur sens du «timing» n'est pas tout à fait au point. C'est d'ailleurs le talon d'Achille de cette production de Juste pour rire mise en scène par Denise Filiatrault: le jeu terne des chanteurs clés de la pièce inspirée du film popularisé par Whoopie Goldberg en 1992.

L'arrivée sur scène de Normand Brathwaite dans le rôle de Curtis The Pimp, patron mafieux du cabaret et amant de Delores, n'est guère porteuse d'espoir. Le célèbre animateur coiffé d'un énorme afro paraissait mal à l'aise dans ses scènes de jeu. Son tour de chant a carrément frôlé la catastrophe. Malaise.

Il a fallu attendre l'arrivée sur scène de Linda Sorgini, dans le rôle de la mère supérieure, pour donner un peu de valeur à ce spectacle de près de trois heures. La comédienne aguerrie s'impose tant dans son jeu, tout en nuances, que dans les nombreux morceaux qu'elle chante avec justesse.

Redonner vie à la chorale

Rappelons les grandes lignes de l'histoire: Delores est témoin d'un meurtre commis par son amant, qu'elle dénonce à la police. Mais dès lors, sa vie est menacée. Le commissaire Eddie Souther décide de la cacher dans un couvent. C'est durant son séjour là-bas qu'elle redonnera vie à la chorale de la paroisse tout en réévaluant sa vie.

Dans la comédie musicale, le commissaire Souther tombe amoureux de Delores. Ce Souther est interprété par le chanteur Gardy Fury, révélation de la comédie musicale Hairspray, montée l'an dernier par Denise Filiatrault. Malgré ses scènes de dialogues peu convaincantes, le chanteur vole de nouveau la vedette de Sister Act.

Gardy Fury s'illustre notamment dans son interprétation de I Could Be That Guy, où il révèle son amour pour Delores, premier amour de jeunesse. Il incarne tout ce qu'on veut voir sur scène dans une comédie musicale: un acteur capable de chanter et de danser avec panache. Avec d'astucieux changements de costumes.

Les nombreux numéros réunissant les 14 religieuses de la pièce - chantant dans la chorale - sont aussi heureusement très bien rendus et sauvent la mise. Dans des décors magnifiques qui se succèdent à un rythme endiablé. Un véritable choeur qui nous offre certains des plus beaux moments de cette adaptation, autrement inégale.

Dans un tel contexte, malgré leurs rôles secondaires, des acteurs de talent comme Guillaume Cyr (un des hommes à bras de Curtis) et Suzanne Champagne (l'hyper enthousiaste soeur Marie-Patrick) s'avèrent absolument essentiels. France Castel, dans le rôle de soeur Marie-Lazarus, se démarque également du lot.

Un mot sur Dayane Ntibarikure, qui défend le rôle principal de Delores. Elle a forcément souffert de la comparaison avec Whoopie Goldberg. Même si elle n'a pas le ton espiègle de l'actrice américaine, ni même son talent, la chanteuse d'origine burundaise déploie sur scène une belle énergie. Espérons qu'on la reverra.

La dernière scène de la pièce, où la chorale chante devant le pape, nous réservait une petite surprise: quand le Saint-Père a sorti la tête de la trappe de la scène, il s'est retourné tout doucement vers le public et nous a fait un clin d'oeil. On a reconnu la bouille de M. Showbizz en personne, notre maire Denis Coderre!

Au Théâtre St-Denis jusqu'au 25 juillet.