(Mascate) « Historique », « un beau succès » et « un honneur » : les responsables et milieux artistiques d’Oman ont accueilli mercredi avec enthousiasme le prix littéraire Man Booker International attribué à leur compatriote Jokha Alharthi, une première pour une romancière du Golfe.

Jokha Alharthi a remporté mardi à Londres ce prix prestigieux récompensant une œuvre traduite en anglais, avec Celestial Bodies (Éditions Sandstone), un roman qualifié de « subtil », « lyrique » et « profond » par le jury.

Elle est la première auteure traduite en anglais du Sultanat d’Oman, un pays de 4,6 millions d’habitants situé à l’extrémité orientale de la péninsule Arabique.

Dans son roman, Jokha Alharthi, 40 ans, raconte les lentes évolutions de la société omanaise à travers les amours et les peines de trois sœurs, habitant le village d’al-Awafi. Mayya épouse Abdallah après un chagrin d’amour, Asma se marie par sens du devoir et Khawla rejette toutes les avances en attendant son bien-aimé, parti au Canada.

« C’est un succès historique pour l’écrivaine, pour Oman et pour la culture arabe en général », a affirmé à l’AFP l’auteur omanais de renom Saïf al-Rahbi. « Cela signifie que la littérature omanaise va de l’avant ».

Ce prix montre que l’œuvre de Jokha Alharthi est empreinte de « maturité et a atteint un niveau international », a jugé de son côté le directeur général du ministère omanais du Patrimoine et de la Culture, Saïd ben Sultan al-Boussaïdi.

« C’est un honneur pour chaque Omanais et chaque Omanaise », a-t-il affirmé à l’AFP. D’après lui, cette récompense va « aider la littérature omanaise à être mieux connue dans le monde et multipliera le nombre de ses lecteurs ».

« Captivant »

Pour les jurés du Man Booker International, Celestial Bodies offre « un aperçu très imagé, captivant et poétique d’une société en transition ».

Avec un « art délicat », l’auteure nous « entraîne dans une communauté richement imaginée, permettant de nous attaquer à des sujets profonds comme le temps, la mortalité et des aspects troublants de notre histoire commune », a estimé la présidente du jury, Bettany Hughes.

« Une fenêtre a été ouverte sur la riche littérature arabe en général et sur la littérature d’Oman en particulier », s’est réjoui la lauréate.

Mme Alharthi est l’auteure de deux recueils de nouvelles, d’un livre pour enfants et de trois romans en arabe. Parlant couramment l’anglais, elle a obtenu un doctorat en poésie arabe classique à Édimbourg, en Écosse, et enseigne la littérature à l’Université Sultan Qabous, dans la capitale omanaise Mascate.

Ses nouvelles ont été publiées en anglais, allemand, italien, coréen et serbe.

L’auteure avait déclaré la semaine dernière à la BBC avoir longtemps pensé écrire un livre sur Oman, mais n’avoir pu le faire que pendant ses études à Édimbourg.

« La première année (à Édimbourg) a été difficile pour moi, à cause du mal du pays et du froid. J’ai ressenti le besoin de retourner à la chaleur de mon pays. L’écriture m’a sauvé la vie », avait-elle confié.

Rayonnante sous un voile argenté, Jokha Alharthi a reçu son prix en remerciant ses éditeurs et la traductrice de son roman, Marilyn Booth, 64 ans. Les deux femmes partagent une récompense de 50 000 livres sterling (85 000 $).

Créé en 2005, le Man Booker International vise à encourager la lecture d’œuvres de fiction littéraire du monde entier.

Parmi les lauréats précédents figurent l’Israélien David Grossman, l’Américain Philip Roth ou le Nigérian Chinua Achebe.

Cette année, un seul homme figurait parmi les six finalistes. La Française Annie Ernaux était notamment en lice pour The Years (Les années).