D'Ursula Andress jaillissant des flots dans James Bond à une fresque urbaine représentant une jeune femme en rollers, la Vénus de Sandro Botticelli a inspiré des centaines d'artistes à travers le monde, montre une exposition au Victoria and Albert Museum de Londres.

Mode, photographie, arts visuels: La naissance de Vénus, peint vers 1485 par l'artiste italien de la Renaissance, a été reproduit un nombre incalculable de fois depuis sa redécouverte par le grand public dans les années trente, à la faveur d'une tournée mondiale de l'oeuvre organisée par la propagande mussolinienne.

Un succès attribué au fait que la femme dépeinte, nue sur un grand coquillage à l'exception de sa longue chevelure blonde vénitienne qui dissimule son sexe, ressemble au fond à l'idéal occidental de la femme parfaite, explique Ana Debenetti, l'un des commissaires de l'exposition.

«Elle correspondait à l'image de la beauté parfaite véhiculée depuis le Moyen-Âge par la poésie courtoise, par la littérature et finalement demeurée au fond de notre imaginaire: la femme occidentale, blonde, de teint pâle avec un grand front, des yeux plutôt clairs et un port altier», dit-elle à l'AFP.

Sa figure se retrouve sur la collection printemps-été 1993 de la maison de couture italienne Dolce & Gabbana, dans une parodie façon jeux vidéo du Japonais Tomoko Nagao (2014) où on la voit flotter au-dessus de paquets de pâtes italiennes. Le Brésilien Vik Muniz la représente en 2007 entourée de boulons, d'écrans d'ordinateurs usagers et autres déchets de la vie moderne tandis que le Chinois Yin Xin lui prête une chevelure noire et des yeux bridés.

Un peintre oublié quatre siècles durant

L'exposition met aussi en lumière comment l'artiste florentin, adulé de son vivant, est tombé dans l'oubli total après sa mort en 1510, supplanté par Michel-Ange et Raphaël. Et sans doute parce que les oeuvres de la fin de sa vie ont été marquées par le sceau de l'austérité prônée par le prédicateur Savonarole.

«Son art est passé complètement inaperçu et jugé archaïque», souligne Ana Debenedetti, rappelant qu'à la même époque le centre artistique de l'Italie a migré de Florence à Rome, ce qui a aussi joué.

Un oubli qui va persister quatre siècles.

Ce n'est en effet qu'au XIXe «qu'on redécouvre les oeuvres restées dans les palaces, les maisons et les couvents et qui n'étaient pas accessibles au public. D'autre part il y a un mouvement de ferveur chrétienne qui fait l'apologie d'un art simple, un art qui a été trouvé dans la génération Botticelli», explique Ana Debenedetti.

C'est d'abord la peinture allégorique Le printemps qui frappe les esprits et va inspirer le compositeur français Claude Debussy pour son Printemps, la danseuse américaine Isadora Duncan pour une danse filmée en 1910, ou l'Italien Attilio Formilli pour une affiche pour le festival des fleurs à Florence en 1896. Avant que La naissance de Vénus ne le détrône.

Visible du 5 mars au 3 juillet, l'exposition Botticelli Reimagined s'articule autour de trois grandes salles. La première évoque comment Botticelli a influencé l'art d'aujourd'hui, la seconde est consacrée à la redécouverte de Botticelli au XIXe. La dernière est consacrée aux oeuvres de l'artiste, et présente une cinquantaine de tableaux, dont de nombreuses vierges à l'enfant et des portraits de jeunes hommes ou femmes réalisés pour la bourgeoisie florenine.

Quant au Printemps et à La naissance de Vénus, il faut aller au musée des Offices de Florence pour les admirer.