Avec ses épargnes « pandémiques », Claudine se demande s’il est plus facile de rattraper les droits de cotisation inutilisés de son CELI ou de son REER. Mais est-ce la bonne question ?

La situation

Depuis le début de la pandémie, Claudine a économisé 7800 $ de plus que prévu. « Je me disais que je devrais en profiter pour augmenter mon épargne pour ma retraite », indique-t-elle.

En attendant le retour à la normale, elle veut y consacrer les 10 % de son salaire net qu’elle réservait aux voyages. « C’est là que je me suis demandé dans quelle direction je devrais aller : en profiter pour maximiser mes cotisations au REER ou au CELI ? »

Mais la façon dont elle pose le problème révèle une autre préoccupation. Claudine a 53 ans et compte prendre sa retraite dans 12 ans. Son récent avis de cotisation fédéral lui a appris qu’elle avait accumulé 140 425 $ de droits de cotisation inutilisés en REER. « Selon mon calcul, si je veux renflouer mon REER, je devrais investir 11 702 $ par année ou 975 $ par mois, et ce, en plus de mes versements actuels ! Je n’ai pas d’auto. Je ne vois pas comment je pourrais ajouter ces 975 $ en plus. C’est décourageant ! »

En d’autres mots, l’Everest de son retard l’intimide.

La montagne du CELI lui semble moins haute à gravir : les droits inutilisés s’élèvent à 55 000 $. « À court terme, je trouve que c’est plus facile de renflouer. Mais je veux savoir quelle est la bonne stratégie fiscale. »

Mais l’ascension du sommet le moins élevé est-elle la bonne façon d’aborder le problème ? La véritable question est probablement celle-ci : combien d’épargne lui faudra-t-il à la retraite ?

Claudine a travaillé pendant quelques années dans le milieu de l’éducation, ce qui lui donnera droit à une rente de retraite de 9000 $ à 65 ans. Elle travaille maintenant pour une PME qui lui verse un salaire de 65 000 $. L’entreprise propose un REER collectif, mais elle a préféré poursuivre sa discipline d’épargne dans le Fonds de solidarité FTQ. Elle y détient présentement 48 500 $ en REER, plus 19 000 $ en CELI. En temps normal, elle consacre 27 % de son revenu net de 45 000 $ à l’épargne. Elle est propriétaire d’un petit condo dont l’amortissement s’étend encore sur 18 ans, avec un solde hypothécaire de 104 000 $. Elle estime que son coût de vie à la retraite avoisinera 40 000 $.

Aura-t-elle besoin d’une voiture à la retraite ? « Ça fait partie des dilemmes, répond-elle. L’été dernier, une amie m’a prêté sa voiture électrique. J’ai eu un coup de cœur. C’est clair, si j’ai une voiture, ce sera une 100 % électrique. » Une telle voiture coûterait plus de 30 000 $. « Oui, ça me titille d’avoir une voiture. »

Les chiffres

Claudine, 53 ans
Salaire brut : 65 000 $
Salaire net : 45 000 $

Revenus de retraite à 65 ans
Rente RREGOP : 9000 $/an
RRQ : rente maximale, selon elle

Épargnes
REER : 48 500 $
CELI : 19 000 $
Propriété : valeur de 200 000 $

Solde hypothécaire : 104 000 $
Paiement hypothécaire : 287 $/quinzaine
Amortissement : 18 ans
Aucune autre dette

La réponse

En effet, on ne choisit pas le CELI ou le REER parce que ses droits de cotisation inutilisés sont plus faciles à rattraper. « L’important est de bien évaluer le projet de retraite et de trouver le véhicule de placement qui permettra d’atteindre cet objectif le plus efficacement possible », énonce Émile Khayat, directeur régional principal, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD.

Avec les rentes que touchera Claudine, son budget de retraite et ses habitudes d’épargne, « nous sommes en mesure de faire un plan qui arrive à destination », la rassure-t-il. « Il ne faut surtout pas être découragé en voyant les droits de cotisation inutilisés, car le plan élaboré demeure réaliste. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Émile Khayat, directeur régional principal, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD

Quels sont les paramètres de ce plan ? À défaut du relevé détaillé, notre planificateur suppose prudemment une rente de retraite indexée à hauteur de 1 %. Il reprend l’hypothèse de Claudine d’une rente maximale de la RRQ, en prévenant qu’il faudra la confirmer, car « une mauvaise évaluation pourrait être désastreuse pour le plan de retraite ».

Il retient une augmentation des revenus et dépenses de 2 % par année. Enfin, il pose en principe que tous les placements actuels et futurs composeront un portefeuille équilibré (55 % de revenu fixe et 45 % en actions) qui produira un rendement net de frais de 4,12 %. Avec un tel rendement, les 48 500 $ détenus actuellement en REER attendraient 82 000 $ à ses 65 ans.

Claudine estime son budget de retraite à 40 000 $, en dollars d’aujourd’hui. Cependant, elle aura terminé le remboursement de son hypothèque six ans après le début de sa retraite. Notre conseiller réduit donc son train de vie en conséquence à partir de ses 71 ans.

Dans ces conditions, pour maintenir son train de vie indexé de 2 % par année jusqu’à 95 ans, elle devra avoir accumulé 108 000 $ dans son CELI à 65 ans. Elle y détient actuellement 19 000 $. Pour atteindre l’objectif, Émile Khayat estime qu’elle devra y verser 11 900 $ chaque année, avec une indexation annuelle de 2 %.

Le surplus budgétaire de 7800 $ donnera un bon coup de pouce, mais le budget de Claudine permet déjà cet effort d’épargne : « Elle met présentement 27 % de ses revenus en épargne, pour un total de 12 150 $ annuellement », souligne-t-il.

Voilà qui nous ramène à sa question initiale : pour cette épargne, devrait-elle plutôt privilégier le REER ? « Après avoir fait les deux simulations avec une espérance de vie de 95 ans, l’avantage du REER est négligeable étant donné que son revenu actuel et celui qu’elle désire à la retraite sont dans la même tranche d’imposition, constate notre planificateur. Je privilégierais le CELI pour la flexibilité du régime. »

Il relève cependant que la plus grande partie de ses épargnes actuelles sont concentrées dans un fonds de travailleur. « Je ne recommande pas de continuer à investir les prochaines années à la FTQ dans cette situation même si le crédit d’impôt peut être intéressant, question de diversification simple et souhaitable. »

Une voiture électrique ?

Y aurait-il bientôt de la place pour une voiture électrique dans la vie de Claudine ? Voici un exemple des coûts, relevés en mai sur le site d’un concessionnaire.

Chevrolet Bolt 2021

Prix : 36 954 $ après rabais, taxes incluses
Financement sur 84 mois : 104,71 $ par semaine, TPS et TVQ incluses (taux de 0 %)
Location sur 48 mois : 96,59 $/semaine, TPS et TVQ incluses (taux de 3,5 %)
Coûts annuels pour une Chevrolet Bolt 2021 : 20 000 km/an, selon la CAA
Entretien : 774 $/an
Assurances : 952 $/an
Électricité : 294 $/an
Permis et immatriculation : 275 $

Si on y incorpore le surplus de 7800 $, le programme d’épargne de 11 900 $ produit un excédent budgétaire de 8050 $, « montant qui pourrait être alloué à un autre projet », indique notre conseiller.

Avec un achat financé sur 84 mois (5445 $/an) et des coûts annuels de 2295 $, une voiture électrique lui coûterait 7740 $ par année. « Si toutes les hypothèses sont exactes, elle serait en mesure d’y aller avec son coup de cœur. »

Elle devra toutefois s’assurer que ce rêve électrique tienne véritablement la route : le surplus de 7800 $ est-il temporaire ? L’oblige-t-il à sacrifier ses voyages ?

Émile Khayat lui recommande de prendre d’abord la direction du bureau d’un bon planificateur financier, « pour bien analyser le projet et avoir un plan d’action concret, spécifique et réaliste ».

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Soumettez votre cas à l’équipe de Train de vie