Airbus dit avoir « tout mis sur la table » dans les négociations avec ses 1300 syndiqués qui assemblent l’A220 – toujours déficitaire – à Mirabel. Après le rejet d’une entente de principe prévoyant des hausses salariales de 22 % sur cinq ans, l’avionneur dit étudier « toutes les options possibles ».

En réagissant au résultat du scrutin, dimanche, la multinationale européenne n’a cependant pas dit jusqu’où elle était prête à aller. Dans sa déclaration, elle exprime essentiellement sa déception et réitère les gains réalisés par les travailleurs de l’usine située dans les Laurentides. Par courriel, La Presse a demandé à Airbus si un lock-out pouvait être une possibilité. Au moment d’écrire ces lignes, l’entreprise n’avait pas répondu.

« Nous avons tout mis sur la table en termes d’amélioration des conditions salariales, d’augmentations des avantages sociaux et de retraite en ajoutant une prime favorisant le partage de nos connaissances entre nos employés », affirme le chef des ressources humaines chez Airbus Canada, Patrick Bertin.

La troisième offre patronale du constructeur d’avions émanait d’une entente de principe conclue avec l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA). Le syndicat recommandait à ses membres – parmi lesquels on retrouve des mécaniciens, des outilleurs, des soudeurs et d’autres techniciens – d’accepter l’offre. Réunis en assemblée à Laval, ces derniers l’ont rejetée à hauteur d’environ 68 %. Près de 75 % de ces salariés étaient présents, soit un peu moins de 1000 syndiqués.

Surprise

Du côté syndical, on ne semblait pas anticiper le dénouement survenu dimanche.

« Avec cette entente de principe, on croyait avoir répondu aux attentes des membres, mais ce n’est pas le cas, a indiqué le porte-parole syndical Éric Rancourt. Nous allons rapidement communiquer avec l’employeur afin de discuter de la suite des choses. »

Dans un entretien téléphonique, celui-ci a dit avoir déjà contacté l’employeur dans le but de déterminer de nouvelles dates pour reprendre les négociations. M. Rancourt affirmait ne pas avoir obtenu de réponse de la part d’Airbus, dimanche. La déclaration d’Airbus souligne qu’il est « primordial » de dénouer l’impasse « dans les meilleurs délais ».

Les deux premières offres patronales avaient été rejetées de manière quasi unanime par ses travailleurs, à la suite des recommandations de leur syndicat. Cette troisième proposition d’Airbus tablait sur un contrat de travail de cinq ans avec des hausses salariales annuelles 8 %, 3 %, 3 %, 4 % et 4 %. Elles auraient été appliquées rétroactivement au 2 décembre dernier.

Un enjeu qui s’étire

La paix industrielle était l’un des dossiers à régler chez Airbus dans le cadre de sa stratégie visant à rentabiliser le programme. Afin d’y arriver, l’avionneur européen doit doubler la cadence de production actuelle d’ici deux ans et être en mesure de livrer 14 exemplaires de l’A220 par mois. En 2023, 68 appareils avaient été remis à des clients. Après les trois premiers mois de l’année, les livraisons de l’A220 s’établissaient à 12. La multinationale a encore beaucoup de pain sur la planche.

« C’est un programme d’avions qui est jeune et des efforts doivent encore être faits afin de nous assurer de son succès sur le long terme », affirme M. Bertin.

Tout retard sur l’échéancier de rentabilité risque d’avoir des conséquences pour les contribuables québécois, qui détiennent 25 % de ce programme développé par Bombardier après y avoir injecté 1,7 milliard depuis 2015. En acceptant de remettre 380 millions en 2022, Québec avait pu repousser à 2030 le moment où Airbus peut racheter sa participation dans l’A220.

Plus les profits se font attendre, plus l’État québécois laissera de l’argent sur la table.

L’histoire jusqu’ici :

6 novembre 2023 : début des négociations entre Airbus et l’AIMTA

1er décembre 2023 : la convention collective des 1300 syndiqués arrive à échéance.

17 mars 2024 : la première offre de l’employeur est rejetée à 99,6 %.

7 avril 2024 : les syndiqués rejettent la deuxième proposition à hauteur de 99,9 %.

12 avril 2024 : une entente de principe est annoncée entre le syndicat et l’employeur.

21 avril 2024 : l’accord est rejeté par 68 % des membres de l’AIMTA.

En savoir plus
  • 2
    Chaînes de montage de l’A220. La deuxième est à Mobile, en Alabama, où les salariés ne sont pas syndiqués.
    source : la presse