La version allongée de l’A220 intéresse un nombre grandissant de transporteurs, mais cela n’est pas suffisant pour inciter Airbus à dire quand le décollage pourrait avoir lieu. Cette retenue semble parmi les raisons ayant récemment incité une compagnie aérienne à se tourner vers Boeing pour une importante commande.

Si l’année a commencé du bon pied pour le programme grâce à une commande ferme de 22 appareils, ce sont des questions entourant notamment une troisième version de l’avion qui attendaient les dirigeants de l’avionneur européen.

« Cette question n’est pas vraiment une décision imminente pour nous », a répondu le directeur commercial d’Airbus, Christian Scherer, au cours d’une conférence téléphonique, en compagnie du chef de la direction Guillaume Faury. « C’est une évolution naturelle pour un programme qui est sur une trajectoire ascendante. »

Les deux hommes faisaient le point sur les livraisons et les commandes pour l’ensemble des programmes de la multinationale au cours de 2021, et ils ont aussi été interrogés sur les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les répercussions sur les cadences de production.

Avant de songer à allonger l’A220, il faut d’abord accélérer sa cadence de production à Mirabel, dans les Laurentides, et à Mobile, en Alabama, a répété M. Scherer.

Propriété d’Allegiant Travel, Allegiant Air, qui n’exploite que des appareils des familles A319 et A320 d’Airbus, a causé la surprise, mercredi dernier, en confirmant l’achat de 30 Boeing Max 7 et de 20 Max 8.

En conférence téléphonique avec les analystes financiers, le chef de la direction du groupe, Michael Gallagher, avait alors affirmé que l’A220 était sur les rangs pour une partie de la commande, tout en soulignant le refus d’Airbus de clarifier ses intentions concernant une version plus spacieuse de l’appareil.

« Cependant, l’incertitude entourant une [plus grande] configuration ne cadre pas dans les besoins de notre flotte », avait-il dit aux analystes.

Plusieurs facteurs

La presse spécialisée américaine a aussi indiqué que le prix demandé par Boeing était très concurrentiel. En raison de la taille du carnet de commandes de l’A320, le temps d’attente aurait été trop long, avait souligné M. Gallagher au consultant Scott Hamilton, de la firme Leeham, établie à Seattle.

Interrogé, M. Scherer a concédé que la disponibilité et la taille des appareils avaient influencé les décisions d’Allegiant au moment de trancher entre Airbus et Boeing.

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Christian Scherer, directeur commercial d’Airbus

« Nous le reconnaissons, a-t-il dit. Cela change-t-il notre point de vue sur [une version allongée] de l’A220 ? Non, au contraire, cela confirme à nouveau qu’il est naturel pour un programme […] de se développer. »

En tenant compte du contrat annoncé lundi, on dénombre 497 avions à livrer dans le carnet de commandes de l’A220. La cadence de production doit prochainement passer à six appareils par mois. Même si ce rythme doit grimper pour s’établir à 14 avions mensuellement, le carnet de commandes couvre plusieurs années de production.

Dans le cadre d’une entrevue avec La Presse visant à souligner la livraison du premier A220 à Air France, le chef de la direction du groupe, Benjamin Smith, avait également réitéré son intérêt à l’endroit d’un éventuel A220-500.

Une version allongée de l’ex-C Series fait l’objet de rumeurs depuis des années. En ajoutant des sièges, l’appareil deviendrait un concurrent presque direct du plus lucratif des avions d’Airbus, l’A320neo (150 à 180 sièges). L’avion rivaliserait également plus directement avec le Boeing 737, le vaisseau amiral du constructeur américain.

Pour Richard Aboulafia, directeur général de la firme AeroDynamic Advisory, un transporteur à bas coût comme Allegiant souhaitait probablement dépenser le moins possible pour acheter de nouveaux avions. L’analyste a rappelé qu’Airbus n’a toujours pas terminé de réduire les coûts du programme, qui demeure déficitaire.

À son avis, Airbus pourrait être tenté d’annoncer la version allongée de l’A220 vers 2025 avec une mise en service prévue vers la fin de la décennie.

« L’avionneur ne veut pas non plus cannibaliser l’A320neo, affirme M. Aboulafia. Airbus attendra probablement que le carnet de commandes soit rempli avant d’aller de l’avant avec [l’A220-500]. »

Retombées pour Mirabel

Même si Azorra est établie en Floride, ses 22 avions – 20 A220-300 et 2 versions de luxe de l’appareil – devraient être assemblés à Mirabel, dans les Laurentides.

En principe, les avions achetés par des compagnies aériennes américaines comme Delta Air Lines, JetBlue et Breeze sont livrés depuis Mobile. La situation est différente avec une compagnie comme Azorra, qui loue ses avions à d’autres transporteurs.

Selon les prix catalogues de 2018 – Airbus a cessé de mettre ces données à jour –, le prix de 20 A220-300, la plus grande version de la famille, est estimé à 1,8 milliard US. En ce qui concerne la version de luxe, l’avion est assemblé à Mirabel, mais la finition intérieure s’effectue à Indianapolis.

L’an dernier, l’A220, détenu à 25 % par l’État québécois, a obtenu 64 contrats fermes. En tenant compte des lettres d’intention et des engagements, le total grimpe à environ 100 appareils.

L’A220 en chiffres :

  • 50 livraisons en 2021
  • 15 exploitants
  • 497 commandes fermes
  • 2500 employés à Mirabel et 400 à Mobile