(Montréal) Après avoir vu son projet bloqué par le fédéral, une entreprise française qui veut produire des dirigeables-cargos, dans laquelle le gouvernement du Québec a investi 30 millions, veut relancer ses activités dans la province.

Les projets québécois de l’entreprise française Flying Whales avaient été bloqués par Ottawa, qui s’inquiétait des risques d’espionnage industriel posés par la présence d’un actionnaire chinois. Les actionnaires français de l’entreprise, avec l’aide du groupe bancaire français Oddo, ont racheté la participation de 24,9 % détenue par AVIC General au début du mois de septembre, a appris La Presse Canadienne.

L’entreprise française a relancé ses démarches auprès d’Ottawa afin d’obtenir le feu vert des autorités fédérales dans son projet de créer une filiale québécoise, confirme Sébastien Bougon, le PDG et fondateur de l’entreprise, joint à Paris.

Maintenant que la transaction est complétée, il a bon espoir d’obtenir l’autorisation du gouvernement fédéral. « On a complètement répondu à leur demande, assure-t-il. Il n’y a plus la moindre collaboration que ce soit actionnariale ou contractuelle avec des acteurs chinois. »

L’entreprise avait bien compris les préoccupations du fédéral et a pris la décision de racheter l’actionnaire chinois en septembre 2020, raconte son fondateur. Il aura fallu un an pour compléter la transaction. « C’est une transaction qui est compliquée, souligne-t-il. Expliquer à un partenaire qu’on ne veut plus de lui, ce n’est pas simple. »

Le refus du fédéral avait mis le gouvernement Legault dans l’embarras. Investissement Québec a investi 30 millions $ dans l’entreprise française. Le bras financier du gouvernement détient 25 % de la société française et 49,9 % de la filiale québécoise. Le gouvernement du Québec n’a pas participé financièrement au rachat de l’actionnariat chinois.

Le gouvernement Couillard avait d’ailleurs rejeté le projet tandis qu’un panel d’experts qu’il avait mandaté avait mis en doute sa crédibilité.

Trois ans plus tard, l’opposition au gouvernement Legault s’est montrée critique envers la décision de reconsidérer le projet. « Je ne sais pas si quelqu’un inhale de l’hélium à Investissement Québec, mais ça n’a aucun bon sens, avait lancé Vincent Marissal, de Québec solidaire, en février 2020. Comment on a pu mettre de l’argent contre l’avis des experts dans une patente qui ne volera pas ? »

M. Bougon assure que le plan d’affaires de l’entreprise est viable. Il répond que l’appui d’actionnaires « crédibles » et la collaboration d’une quarantaine d’entreprises du secteur de l’aéronautique le démontrent. « Ce n’est pas Flying Whales qui développe un projet seul dans son coin et dont on pourrait douter de ses compétences. »

À Québec, on accueille la relance du projet comme une bonne nouvelle. « Toute avancée du dossier permettant des retombées au Québec est la bienvenue et celle-ci en est une, réagit Mathieu St-Amand, attaché de presse du ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Ce projet innovant dans un nouveau créneau pourra bénéficier de notre expertise en aérospatiale. »

Des projets pour le Québec

L’entreprise développe un projet de dirigeable-cargo, qui aurait une capacité d’emport de 60 tonnes. Le modèle est encore en phase de conception. Le premier appareil devrait être construit à son usine française en 2023. Le processus de certification devrait par la suite durer deux ans, anticipe le dirigeant.

Flying Whales Québec sera le port d’attache de la société en Amérique, explique M. Bougon. Il prévoit lancer la construction de l’usine de fabrication en 2025 pour être en mesure de commencer la production en 2026. De « 200 à 300 personnes » pourraient travailler à cette usine.

Les activités québécoises pourraient toutefois commencer plus tôt. « Des dizaines d’ingénieurs » en France « sont prêts » à déménager au Québec pour lancer la filiale. « On a hâte de passer à la vitesse supérieure et de développer nos activités chez vous. »

Au Québec, l’entreprise travaille d’ailleurs avec différents collaborateurs, dont l’Université du Québec à Trois-Rivières, le Conseil national de recherches Canada et Pratt & Whitney afin de développer la deuxième génération du dirigeable qui serait entièrement électrique.

M. Bougon affirme qu’il est trop tôt pour dire à quel moment elle prévoit lancer la deuxième génération de son appareil, mais elle a bon espoir d’y arriver avant l’avion électrique.