Bombardier estime à 2,25 milliards de dollars l’impact de la pandémie sur ses liquidités déjà mises à mal. Son président et chef de la direction, Éric Martel, entend présenter cet hiver un nouveau plan qui verra notamment l’entreprise réduire la taille de ses installations, dont la capacité est actuellement deux fois supérieure à la demande.

Malgré les impacts de la pandémie, Bombardier a réussi à dégager un bénéfice net de 192 millions de dollars au troisième trimestre, terminé le 30 septembre dernier. Ce bénéfice est toutefois attribuable à la division Transports, qu’il s’apprête à vendre. À pareille date l’an dernier, le conglomérat québécois avait déclaré une perte de 91 millions (tous les résultats de Bombardier sont présentés en dollars américains).

Les activités que Bombardier entend poursuivre ont quant à elles dégagé une perte nette de 24 millions, comparativement à une perte de 168 millions à pareille date l’an dernier.

La pandémie aura néanmoins eu un impact majeur sur les liquidités de l’entreprise, le point de mire des investisseurs et la principale priorité de la direction, a admis M. Martel. Cet impact est maintenant estimé à 2,25 milliards.

Cela signifie que nous allons commencer à opérer comme entreprise pleinement spécialisée dans les avions d’affaires avec une dette nette de 4,5 milliards, comparativement aux 2,5 milliards que nous estimions quand nous avons annoncé la vente de Bombardier Transport.

Le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, lors d’une téléconférence avec les analystes financiers

Bombardier n’en est pas pour autant revenue aux ratios d’endettement stratosphériques qui l’ont forcée à céder sa division Transport, assure M. Martel.

« On n’est pas exactement revenus au même point, peut-être quelque part entre les deux. Mais c’est clair que les ratios qu’on anticipe, si on n’améliore pas notre profitabilité, sont un peu trop hauts. »

Il y a donc des gestes à poser.

« Nous allons devoir apprendre à opérer de façon profitable dans les conditions de marché actuelles, a par conséquent prévenu le président lors d’une téléconférence avec les analystes financiers. En d’autres termes, nous devons avoir une structure de coûts et un carnet de commandes qui nous permettent de faire de l’argent dans le marché actuel, en livrant de 100 à 120 avions par année. […]

« Bien que l’entreprise ait entrepris diverses restructurations au cours des dernières années, la réalité est que nous avons une infrastructure conçue pour supporter le double de la capacité du marché actuel. Il faut s’en occuper et nous le faisons déjà. »

Usines québécoises en sécurité

Toutes les usines québécoises restantes de Bombardier « font partie du futur », a assuré M. Martel, mais la taille de certaines pose problème.

J’ai des usines qui ont déjà supporté jusqu’à 400 avions par année, en incluant les avions d’affaires et commerciaux. Il y a des usines où on avait 4000 personnes où nous en avons 800 aujourd’hui, qui sont devenues beaucoup trop coûteuses.

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Il y a deux avenues, a-t-il envisagé : réduire leur taille ou les remplir davantage, en rapatriant par exemple des travaux actuellement réalisés en sous-traitance. Dans le cas de l’immense usine de Saint-Laurent, a-t-il toutefois concédé, il ne semble pas réaliste de l’occuper entièrement.

Revenus en baisse, demande en hausse

Les revenus ont atteint 3,525 milliards au cours du trimestre, en recul de 5,2 % en raison notamment d’un moins grand nombre de livraisons d’avions d’affaires attribué à la pandémie, de la baisse des revenus de service provoquée par la moins grande utilisation de ses produits et au fait qu’elle n’est plus propriétaire du programme CRJ.

Les revenus provenant des avions d’affaires ont augmenté de 10 %, en raison de la hausse des livraisons du Global 7500, son plus récent et dispendieux modèle. La faible rentabilité de celles-ci, attendue en début de programme, a toutefois eu un impact négatif sur ses marges.

Le carnet de commandes d’avions d’affaires a fondu, passant de 14,4 à 12,2 milliards. Il ne faut pas y voir un signe que les ventes sont difficiles en cette période pandémique, selon M. Martel. Là encore, ce sont les livraisons de Global 7500 qui expliquent cette baisse et qui pourraient l’expliquer de façon récurrente pendant une période allant jusqu’à trois ans.

Les ventes sont là, mais on vend plus d’appareils de moyenne taille. Les clients se manifestent, que ce soit directement auprès de Bombardier ou plutôt auprès des gestionnaires de flottes qui utilisent ses appareils.

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

« L’enjeu que l’on a et qui fait en sorte que notre carnet de commandes a l’air de descendre, c’est qu’on livre beaucoup plus de Global 7500 qu’on prend de commandes. Et la raison pour laquelle on prend moins de commandes, c’est qu’on n’avait pas d’avions disponibles dans les 18 à 24 prochains mois [parce qu’ils sont tous vendus]. Les clients, souvent, quand c’est trop loin dans le temps, ils ne vont pas vouloir acheter. »

À ce titre, l’entreprise a présenté comme une bonne nouvelle la décision d’un de ses importants clients d’annuler la livraison de 12 Global 7500 prévue en 2023. Ces ventes n’ont ni été annulées ni reportées, a indiqué l’entreprise sans fournir d’autres détails, ce qui laisse croire que le client s’est plutôt tourné vers d’autres modèles de l’entreprise.

Les 12 Global 7500 à assembler en 2023 pourront quant à eux être vendus plus cher, a indiqué Bombardier, que le « prix de lancement » qu’avait obtenu ce client à l’origine.