(Montréal) À défaut d’obtenir une aide gouvernementale ou la levée de certaines restrictions liées au voyage, Air Canada pourrait suspendre d’autres liaisons et annuler des livraisons d’appareils, notamment de l’A220 d’Airbus fabriqué à Mirabel, a prévenu vendredi son président et chef de la direction, Calin Rovinescu.

« Sans appui gouvernemental pour notre industrie, et alors que les restrictions sur les voyages se poursuivent, nous allons regarder d’autres opportunités de réduire nos coûts et nos dépenses en capital, incluant d’autres suspensions de liaisons et l’annulation de commandes auprès de Boeing ou Airbus, y compris d’appareils A220, l’ancienne C Series fabriquée à Mirabel, au Québec », a précisé M. Rovinescu, pour bien faire comprendre son message.

Le transporteur national a fait parler de lui cet été en annonçant la suspension indéfinie de 30 liaisons régionales au pays, dont huit au Québec.

En ce qui a trait aux appareils, il a jusqu’ici maintenu son objectif de recevoir 18 appareils A220 au cours de l’année 2020. Il en a présentement reçu 8, dont un jeudi. Les A220 ont été amplement utilisés depuis le début de la crise et ont de nouveau été vantés vendredi par l’entreprise, lors d’une téléconférence destinée aux analystes financiers.

« Ses capacités uniques vont être un pilier de notre redressement à long terme », a déclaré la vice-présidente générale et cheffe des affaires commerciales, Lucie Guillemette.

Fin de la quarantaine obligatoire

La direction d’Air Canada en a particulièrement contre la quarantaine de deux semaines imposée par Ottawa à tous les voyageurs qui entrent ou rentrent au pays.

« Beaucoup, beaucoup de Canadiens nous écrivent et nous disent qu’ils veulent voyager, mais que le plus gros obstacle — et nous avons fait nos propres sondages à ce sujet — est la quarantaine, a affirmé M. Rovinescu. Si vous avez deux semaines de congé, puis que vous devez rentrer au travail, vous ne pouvez pas partir deux semaines puis faire une quarantaine de 14 jours, parce que vous n’avez pas un mois de congé.

« […] Nous étions d’accord avec le gouvernement en mars, précise-t-il. Maintenant, nous croyons qu’il est temps d’employer des mesures basées sur la science qui auraient une approche similaire à celle de l’Union européenne, soit qu’avec les pays qui ont un faible taux d’infection, on puisse opérer sans quarantaine. »

Air Canada, selon M. Rovinescu, se trouve dans une position unique au monde, parmi les plus grands transporteurs aériens.

« Le Canada combine de façon unique [l’absence de programme d’appui au transport aérien] et certaines des mesures les plus sévères pour ralentir le redressement », a-t-il fait valoir.

Air Canada a d’ailleurs fait savoir que ses prévisions pour son troisième trimestre, qui se terminera à la fin du mois de septembre, n’incluaient pas la réouverture de la frontière avec les États-Unis. Celle-ci est présentement fermée jusqu’au 21 août prochain, mais une nouvelle prolongation n’est pas exclue.

Lourdes pertes, bonne situation

L’entreprise présentait vendredi matin ses résultats financiers du deuxième trimestre, terminé le 30 juin. Ses revenus y ont brutalement chuté de 89 % par rapport à l’année précédente, n’atteignant que 527 millions de dollars.

Pour la première fois de son histoire, l’entreprise a en fait réalisé plus de revenus en transportant du cargo, une opération autrefois marginale, que des passagers.

Sa perte nette s’est élevée à 1,75 milliard de dollars, comparativement à un gain de 343 millions à la même époque en 2019.

L’entreprise reste néanmoins lourdement armée pour continuer de faire face à la tempête. Ses liquidités ont atteint 9,1 milliards à la fin juin, soit plus que les 7,38 milliards qu’elle avait déclarés à la fin décembre 2019, avant le début de la crise. Cette hausse est attribuable à des activités de financement (prêts et émissions d’actions) totalisant 5,5 milliards.

Elle prévoit continuer à perdre de 15 à 17 millions par jour au cours du troisième trimestre, un peu moins que la moyenne de 19 millions au deuxième. Alors qu’elle prévoyait déployer environ 25 % de sa capacité habituelle au troisième trimestre, la prolongation des restrictions de voyage l’a plutôt incitée à réduire encore davantage cette capacité, à 20 %.

M. Rovinescu n’a par ailleurs pas été bavard en ce qui concerne l’achat de Transat, sinon pour rappeler les échéanciers mis de l’avant par l’Union européenne, ou sur la possibilité de rembourser les clients dont un vol a été annulé, sinon pour dire qu’il ne s’attendait pas à ce que l’Office des transports du Canada change sa position à ce sujet.