À en juger par la réaction des marchés boursiers jeudi matin, les investisseurs ont perçu dans les résultats financiers trimestriels dévoilés jeudi par Bombardier la proverbiale lumière au bout du tunnel.

À leur face même, ces résultats pour le troisième trimestre terminé le 30 septembre n’avaient rien de particulièrement encourageant. La multinationale québécoise a raté la cible des analystes en ce qui concerne les revenus (3,7 milliards perçus contre 4 milliards prévus) et a encaissé une perte nette de 91 millions, comparativement à un gain de 149 millions à pareille date l’an dernier.

Surtout, elle a consumé 682 millions de dollars de ses liquidités, le double de ce que prévoyaient les analystes. L’usage des liquidités est depuis longtemps le premier élément de préoccupation des analystes financiers qui s’intéressent à Bombardier, puisque ces liquidités seront éventuellement nécessaires pour rembourser sa forte dette.

Malgré tout, le titre de l’entreprise a fait un bond qui a atteint 12 % en matinée à la Bourse de Toronto, avant que l’euphorie ne s’estompe et que les gains ne soient ramenés à 4,4 % à la clôture.

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Les problèmes s’estompent

C’est que les investisseurs ont perçu dans ces résultats, et surtout dans les explications données par la haute direction lors d’une conférence avec les analystes financiers, des signes encourageants.

Dans la division Transport, nous avons traversé le pire.

Alain Bellemare, président et chef de la direction de Bombardier

La division Transorts est celle d’où émanaient les principaux problèmes de Bombardier depuis maintenant un an. Cinq grands projets aux prises avec des problèmes ont forcé l’entreprise à reporter des livraisons, accumuler des stocks, investir massivement dans son fonds de roulement et user ses liquidités.

Deux de ces projets, à New York et à Londres (Crossrail), devraient être achevés d’ici la fin de l’année. Un autre projet londonien (LoTrain) devrait voir les livraisons commencer au début de l’année 2020, si les logiciels manquants peuvent être achevés comme prévu. En Suisse, les problèmes de fiabilité seraient réglés et les livraisons reprennent. Finalement, en Allemagne, « les choses se déroulent comme prévu », a indiqué M. Bellemare.

Ce sont néanmoins ces projets qui sont, encore une fois, responsables en très grande partie de l’usage des quelque 300 millions de dollars de liquidités additionnels utilisés par Bombardier. Concrètement, des livraisons prévues au troisième trimestre ont dû être reportées au quatrième. Une bonne partie aurait déjà été encaissée durant le mois d’octobre, selon le chef de la direction financière, John Di Bert.

Enfin de l’argent

Mais ce qui semble surtout avoir rassuré les investisseurs, c’est justement la perspective de la fin des déficits de liquidités. Le quatrième trimestre s’annonce historique à cet égard, selon la direction de Bombardier, avec un surplus anticipé d’environ 1,6 milliard.

Le quatrième trimestre est toujours le meilleur de l’entreprise à ce chapitre. La « récolte » habituelle de 900 millions à 1 milliard sera surpassée grâce à une dizaine de livraisons du nouvel avion d’affaires hyperluxueux Global 7500, contre un seul – le tout premier – l’an dernier, et la réception de paiements pour les trains retardataires.

En fin de compte, donc, Bombardier maintient sa projection d’une consommation d’environ 500 millions de dollars pour l’ensemble de l’année 2019. Et, surtout, elle a maintenu jeudi que l’année 2020 se solderait par un surplus.

« Nous croyons que la prévision pour 2019 est atteignable », a jugé jeudi Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale. 

Mais, plus important, nous voyons les flux de liquidités pour 2020 aller dans le bon sens. En plus de la réduction de son fonds de roulement liée aux contrats de trains, Bombardier va livrer plus de Global 7500 en 2020 et n’aura pas non plus à subir les éléments non récurrents de 300
à 400 millions qui l’ont affectée en 2019.

Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale 

Vente d’usines à Spirit

Bombardier a également annoncé avoir signé une entente en vue de la vente de ses usines de fabrication de pièces aéronautiques de Belfast, en Irlande du Nord, et de Casablanca, au Maroc, en plus d’un atelier de réparation à Dallas, à l’américaine Spirit AeroSystems.

Celle-ci versera à Bombardier la somme de 500 millions de dollars américains, en plus d’assumer environ 700 millions de dollars de passif, liés notamment aux fonds de pension et à des remboursements d’aide gouvernementale.

Le total de 1,2 milliard de dollars est légèrement supérieur à ce qu’avaient anticipé les analystes. Spirit, qui fabrique notamment les fuselages des 737 MAX de Boeing cloués au sol, cherchait à diversifier sa clientèle. L’acquisition lui permettra de se rapprocher d’Airbus. L’usine de Belfast construit entre autres les ailes de l’A220 et des nacelles pour l’A320.

Ces 500 millions, auxquels devraient s’ajouter 550 millions pour la vente du programme CRJ et les 1,6 milliard prévus au quatrième trimestre, pourraient signifier que Bombardier terminerait l’année 2019 avec des ressources disponibles à court terme d’environ 5 milliards, a calculé Benoit Poirier, de Desjardins.

« Nous estimons que cette amélioration devrait donner à Bombardier un coussin suffisant pour racheter la part de la Caisse de dépôt dans la division Transport au cours de la deuxième moitié de 2020 », ajoute-t-il.

La direction de l’entreprise a par ailleurs décidé de reporter à février prochain, au moment du dévoilement de ses résultats financiers du quatrième trimestre, la publication de ses prévisions pour l’année 2020. L’entreprise diffusait généralement ces prévisions au mois de décembre.