C’est l’outil sur lequel Airbus mise pour accélérer la cadence de production de l’A220 afin de rendre le programme rentable. La chaîne de préassemblage doit être mise en service lundi, ce qui devrait « protéger » des emplois à Mirabel alors que le secteur de l’aviation tente de sortir de la zone de turbulences créée par la pandémie.

Les installations – un investissement important, mais qui n’a pas été chiffré jusqu’à présent par le géant européen – ont été aménagées dans l’espace d’environ 125 000 pieds carrés où Bombardier assemblait auparavant ses avions régionaux CRJ.

Essentiellement, on y installera le câblage électrique, les planchers et d’autres modules dans les fuselages, qui se retrouveront ensuite sur les chaînes d’assemblage de Mirabel et de Mobile, en Alabama.

« Pour une recette, si vous coupez vos légumes à l’avance afin de sauter quelques étapes, ça ira plus vite au moment de cuisiner, illustre Mehran Ebrahimi, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile. C’est un peu ça, la chaîne de préassemblage. »

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Mehran Ebrahimi, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile

Les travaux de réaménagement se sont échelonnés pendant la dernière année. La présentation médiatique des installations devait avoir lieu plus tard cette semaine, mais cela attendra en raison du contexte sanitaire.

L’ancienne C Series de Bombardier, détenue à 25 % par l’État québécois, est toujours déficitaire. Airbus mise grandement sur l’accélération de la production pour finir par atteindre le seuil de rentabilité vers 2026.

La multinationale table sur une cadence de production mensuelle de 14 appareils, soit 10 à Mirabel et 4 à Mobile, l’usine qui sert les clients américains. Vers 2025, l’avionneur européen livrerait 168 A220. On doit en principe passer à une cadence de 6 avions par mois (4 à Mirabel et 2 à Mobile) prochainement.

Symbole de croissance ?

Pour M. Ebrahimi, il y a un aspect « symbolique » à l’implantation à Mirabel d’une chaîne de préassemblage – un modèle de production qui existe ailleurs au sein du géant européen. « C’est un indicateur qui nous dit qu’il y a quelque chose en expansion, estime l’expert. On est loin de vouloir dégraisser les activités de Mirabel. »

Le fait qu’on augmente la taille des activités dans les Laurentides, selon M. Ebrahimi, suggère que le site pourrait accueillir d’autres projets, comme celui de l’A220-500, si une version allongée de l’avion finit par voir le jour.

Après une disette de plus d’un an dans un contexte où la pandémie avait freiné les discussions avec les clients potentiels, l’A220 a recommencé à décrocher des commandes l’an dernier. Les contrats, engagements et lettres d’intention oscillent autour de 100 appareils.

Fin novembre, Airbus avait aussi enregistré 18 annulations.

Si quelque 2500 personnes travaillent à l’usine de Mirabel, plus de 300 avaient perdu leur gagne-pain en raison de la crise. Il n’y a toujours pas eu de rappel, bien qu’Airbus prévoie des embauches au cours des prochaines années.

« Une fierté »

À l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), on espère que cette chaîne de préassemblage permettra à terme de « vider » la liste de rappel.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’AIMTA

Éric Rancourt représente les employés d’Airbus à Mirabel membres de l’AIMTA.

« C’est une fierté pour nous, explique l’agent d’affaires syndical Éric Rancourt, au cours d’un entretien téléphonique. Ça aurait pu se faire à Mobile. C’est au Québec. Dans notre philosophie, on a protégé des emplois ici. »

Depuis le Vieux Continent, lundi, la haute direction d’Airbus doit également faire le point sur les livraisons et les commandes pour l’ensemble de ses programmes dans le cadre d’un évènement médiatique. L’A220 fera partie des discussions.

D’après le plus récent rapport du Fonds de développement économique, la « juste valeur » du placement dans l’A220 (1 milliard US) était « nulle » en date du 31 mars dernier. L’investissement pourrait reprendre de la valeur au cours des prochaines années, mais le Fonds estime qu’il y a un « risque important » de ne pas récupérer la totalité de la somme.