(Ottawa) Le gouvernement fédéral confirme que l’avion de chasse « Super Hornet » de Boeing n’est plus en lice pour remplacer les CF-18 du Canada.

L’annonce officielle de Services publics et Approvisionnement Canada intervient près d’une semaine après que La Presse Canadienne a rapporté que Boeing avait été informé que son offre pour le contrat de 19 milliards ne répondait pas aux exigences canadiennes.

Le gouvernement canadien n’avait pas voulu alors commenter publiquement, même pour préciser si le géant américain de l’aérospatiale était définitivement hors de la compétition.

Mais le ministère affirme maintenant que deux appareils seulement sont toujours en lice : le chasseur furtif F-35 du géant américain Lockheed Martin et l’avion de chasse Gripen du constructeur suédois Saab. Dans son communiqué, le ministère n’explique pas pourquoi Boeing n’est plus dans la course.

Des retombées

Les entreprises intéressées devaient démontrer que leur avion de chasse pouvait répondre aux exigences militaires pour les missions au Canada et à l’étranger, mais aussi que l’obtention de ce contrat entraînerait des retombées économiques substantielles pour les entreprises canadiennes de l’aérospatiale.

« Au cours des semaines à venir, le Canada mettra la dernière main aux prochaines étapes du processus, indique le ministère de l’Approvisionnement. En fonction d’une analyse plus poussée des deux propositions restantes, il pourrait s’agir de négocier les modalités définitives avec le soumissionnaire le mieux classé, ou encore d’entreprendre un dialogue concurrentiel pour permettre aux deux derniers soumissionnaires de bonifier leur offre. »

Le ministère indique que le gouvernement s’attend toujours à attribuer ce contrat en 2022, pour le début des livraisons « dès 2025 ».

L’OTAN, le NORAD

La nouvelle que l’une des deux entreprises américaines en lice pour ce contrat n’a pas réussi à répondre à une ou plusieurs des exigences constitue le plus récent chapitre dans une longue saga, souvent imprévisible, vers le remplacement des vieux CF-18 du Canada.

De nombreux observateurs considéraient le Super Hornet et le F-35 comme les deux seuls véritables concurrents dans cette course, en raison des liens étroits entre le Canada et les États-Unis – notamment la possibilité d’utiliser les mêmes appareils pour défendre l’espace aérien nord-américain, au sein du NORAD.

Ces perceptions ont été encore amplifiées lorsque deux autres sociétés européennes ont jeté l’éponge avant même que la course ne s’amorce – elles se plaignaient que les exigences du gouvernement avaient pipé les dés en faveur de leurs deux rivaux américains.

La Suède n’est pas membre de l’OTAN ni du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). La participation suédoise avait aussi suscité des questions sur la compatibilité de l’appareil Gripen avec les avions américains.

Certains observateurs croient depuis longtemps que tout cet appel d’offres a été dirigé dès le départ pour favoriser au fond le F-35 de Lockheed-Martin, qui est acheté par plusieurs des alliés les plus proches du Canada.

Depuis 1997

Le Canada s’est joint pour la première fois en 1997 aux États-Unis et à d’autres alliés en tant que partenaire dans le développement du F-35 américain ; Ottawa a depuis versé 613 millions $ US pour demeurer dans ce club. Les partenaires bénéficient d’un rabais lors de l’achat des avions de chasse et se disputent des milliards de dollars en contrats de sous-traitance associés à leur construction et à leur entretien.

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’était ensuite engagé en 2010 à acheter 65 appareils F-35 sans appel d’offres, avant que les inquiétudes concernant le coût et les capacités du chasseur furtif ne le forcent à retourner à la planche à dessin.

En 2015, les libéraux ont ensuite promis de ne pas acheter les F-35, mais plutôt de lancer un appel d’offres ouvert. En attendant, ils ont prévu d’acheter 18 Super Hornet de Boeing sans appel d’offres, à titre de mesure « provisoire » pour s’assurer que le Canada dispose de suffisamment d’avions de chasse jusqu’à ce que des remplaçants permanents puissent être achetés.

Certains observateurs à l’époque ont remis en question ce plan, suggérant que les libéraux essayaient de trouver un moyen de se fiancer au Super Hornet sans s’exposer à une contestation judiciaire de Lockheed Martin ou de tout autre fabricant.

L’affaire Bombardier

Mais le gouvernement libéral a finalement annulé ce plan lorsque Boeing s’est lancé dans un litige commercial avec Bombardier au sujet des C-Series de la société aérospatiale montréalaise. Boeing soutenait que Bombardier bénéficiait de subventions du gouvernement canadien et que ses appareils étaient vendus en deçà de leur prix de fabrication, ce qui constituait à ses yeux une concurrence déloyale.

Le gouvernement libéral a par la suite annoncé une pénalité pour toute entreprise intéressée à soumissionner pour un contrat fédéral et qui serait impliquée dans un litige commercial avec le Canada.

Pendant ce temps, le gouvernement a été contraint d’investir des centaines de millions de dollars supplémentaires dans sa flotte vieillissante de CF-18 pour la maintenir en service jusqu’à ce qu’un remplaçant puisse être enfin livré. Le gouvernement annonçait alors son intention d’attribuer le contrat en 2022, pour des livraisons à compter de 2025.

Le dernier avion ne devrait pas arriver avant 2032, alors que les CF-18 auront environ 50 ans.