Refusant notamment de céder à la « flexibilité » demandée par Québec, les infirmières de la FIQ ont rejeté vendredi l’entente de principe conclue avec le gouvernement. Mais en quoi consiste au juste cette « flexibilité », qui fait craindre à nombre d’entre elles d’être déplacées d’un établissement à l’autre sans avoir leur mot à dire ? On tente d’y voir plus clair.

Qu’est-ce que la flexibilité ?

« La flexibilité, c’est le fait de pouvoir prendre une professionnelle en soins et l’envoyer où il y a un besoin, où il manque une ressource », résume la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Bouchard.

Pour permettre ce type de déplacement, le gouvernement proposait dans l’entente de principe de modifier ou de fusionner des centres d’activités existants, parfois en fusionnant des départements de différents établissements. « On pourrait par exemple prendre une infirmière en CHSLD et la fusionner avec le département de pédiatrie », illustre Mme Bouchard.

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Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec

Ce remaniement des centres d’activités n’a pas été bien reçu. Pourquoi ?

Certaines professionnelles en soins voient cette nouvelle mesure comme une façon déguisée de déplacer les employés d’un établissement à un autre. « J’espère que la FIQ-Santé va comprendre que l’on ne veut PAS se faire déplacer », a déclaré une infirmière sur Facebook en réaction au rejet de l’entente.

« Le lien entre les professionnelles en soins et les gestionnaires est extrêmement fragile. Elles craignent qu’ils en profitent pour faire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment », dit Mme Bouchard.

Donc la cause du problème est la fusion de centres d’activités ?

En fait, la fusion de centres d’activités n’est pas nouvelle. La moitié des établissements de santé du Québec ont déjà des mesures de souplesse équivalentes, soutient une source gouvernementale bien au fait du dossier qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement à ce sujet.

« Ce qu’on voit le plus souvent comme fusions en ce moment, ce sont les blocs opératoires et les salles de réveil. Ou encore l’obstétrique et la périnatalité », dit Mme Bouchard.

L’entente de principe donne toutefois plus de liberté pour fusionner des centres d’activités, qui se trouveront parfois dans différents établissements, soutient la présidente de la FIQ. Ce ne serait pas tous les établissements pour autant qui procéderaient à un remaniement des centres d’activités.

Les infirmières seront-elles formées avant d’être déplacées dans un autre établissement ?

Oui. En cas de fusion de centres d’activités, l’employeur s’engage à former les professionnelles en soins et à maintenir à jour leurs connaissances pour qu’elles soient en mesure d’offrir les soins et les services offerts dans l’ensemble du centre d’activités, précise l’entente de principe qui a été rejetée.

Les professionnelles en soins pourront-elles être déplacées n’importe où ?

En intégrant la nouvelle définition de centre d’activités, les professionnelles en soins auront un port d’attache qui leur sera attribué. Si on souhaite les déplacer à plus de 35 km de leur port d’attache ou de leur résidence, ou à plus de 25 km dans la région de Montréal, l’employé pourra choisir de refuser.

On entend aussi parler de déplacement volontaire. Est-ce un synonyme de flexibilité ?

Non. Les travailleurs de la santé peuvent aussi être appelés à travailler volontairement en dehors de leur centre d’activités. Cette situation survient principalement lorsque les établissements sont en manque important de personnel. « Quand il manque beaucoup de perfusionnistes cliniques à l’Institut de cardiologie de Montréal, des perfusionnistes de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec peuvent aller prêter main-forte », donne comme exemple Mme Bouchard. Si elles acceptent de tels déplacements, une prime et une compensation pour leur kilométrage leur sont alors offertes.

Le gouvernement est-il ouvert à reculer sur la « flexibilité » ?

Appelé à commenter l’échec des pourparlers avec la FIQ, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a fait savoir mardi que ses objectifs en matière de mobilité du personnel « n’ont pas changé ». « Ce qu’on veut, c’est une certaine flexibilité pour être capables de bien servir nos patients et avoir un environnement correct pour nos employés », a-t-il déclaré lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère.

De son côté, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a déclaré lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale que le gouvernement « ne bougera pas sur les objectifs de souplesse ». « C’est important d’avoir une certaine mobilité dans le réseau parce qu’on doit être capables d’avoir toute la couverture de services nécessaire. »

L’histoire jusqu’ici

  • Janvier 2023 : La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) commence à négocier avec Québec.
  • 19 décembre 2023 : Québec annonce la nomination d’un conciliateur, à la demande de la FIQ.
  • 15 février 2024 : La FIQ se dit « encore très loin » d’une entente. Le principal défi pour la conclusion d’un accord réside dans la question de la flexibilité.
  • 19 mars 2024 : La FIQ et Québec parviennent à une « proposition d’entente ».
  • 22 mars 2024 : La proposition d’entente de principe conclue avec Québec est entérinée par les délégués dans une proportion de 53 %.
  • 12 avril 2024 : Les membres de la FIQ votent à 61 % contre l’entente de principe.

Avec La Presse Canadienne