(Québec) Le gouvernement a décidé de modifier une fois de plus son projet de tunnel entre Québec et Lévis, annonçant mardi que les voitures ne pourront finalement pas sortir au centre-ville de la capitale.

C’est même toute la sortie Charest qui pourrait disparaître à l’issue d’une analyse, a indiqué le ministre des Transports. François Bonnardel dit avoir été sensible aux arguments des nombreux opposants qui ont dénoncé l’intention d’implanter une sortie autoroutière en plein centre-ville.

« J’ai bien mesuré l’inquiétude des gens de Saint-Roch dans les dernières semaines, les derniers mois, qui s’inquiétaient de voir un flux de véhicules supplémentaires. Il est important de répondre à ces inquiétudes », a expliqué mardi M. Bonnardel.

Le gouvernement a donc décidé d’empêcher les automobilistes en provenance de Lévis de sortir du futur tunnel sur le boulevard Charest. La sortie devait déboucher en face d’une épicerie Metro, sous les bretelles de l’autoroute Dufferin-Montmorency, dans un secteur déjà très congestionné.

Pour l’instant, Québec envisage de conserver cette sortie, mais uniquement pour les autobus.

Les voitures, elles, devront choisir de sortir sur Dufferin-Montmorency, vers l’est, sans pouvoir monter vers la colline Parlementaire, ou de continuer leur chemin jusqu’à l’autoroute Laurentienne, près d’ExpoCité.

Cela représente donc une perte importante pour un automobiliste lévisien qui se rend en Haute-Ville, par exemple. « On veut augmenter l’attractivité du transport collectif », a dit le ministre.

« C’est une approche pleine de bon sens pour sensibiliser les gens encore plus [au fait] que les transports collectifs, c’est l’avenir. Ce n’est pas une guerre aux automobilistes. C’est une approche équilibrée. »

Québec procédera dans les prochains mois à des analyses supplémentaires. Deux scénarios seront étudiés : celui où la sortie Charest est conservée pour les autobus uniquement, et celui où la sortie Charest est tout simplement abandonnée.

Projet « à retirer au complet »

La nouvelle a réjoui en partie le Conseil de quartier de Saint-Roch, qui dénonçait depuis des mois l’ajout de milliers de voitures dans ce secteur densément peuplé.

Mais l’opposition au troisième lien reste forte dans les quartiers centraux.

« J’ai l’impression que le gouvernement du Québec a décidé de s’attaquer à l’un des éléphants dans la pièce. Mais il reste l’autre éléphant dans la pièce », explique Raymond Poirier, président du Conseil de quartier du Vieux-Limoilou.

Cet autre éléphant, c’est la sortie près d’ExpoCité. « On nous dit : “On va ajouter des dizaines de milliers de véhicules dans un secteur où la qualité de l’air est déjà très mauvaise”, note M. Poirier. Ça fait 15 ans que les citoyens de Limoilou demandent des solutions au gouvernement du Québec. Mais au lieu de régler le problème de la qualité de l’air, le gouvernement l’aggrave. »

D’autant que les véhicules qui ne pourront plus sortir à Charest sortiront très probablement près de Limoilou, prévient la députée solidaire de Taschereau.

Selon Catherine Dorion, les Lévisiens qui prendront le tunnel ne le prendront pas « pour aller à Saint-Félicien », mais plutôt pour aller au centre-ville.

« Ils vont sortir par le tunnel, revenir dans chacun des quartiers centraux de Québec, dans les banlieues proches, finalement rajouter de 50 000 à 55 000 voitures sur le réseau municipal de Québec, qui est déjà saturé à l’heure de pointe », déplore Mme Dorion.

Les autres partis de l’opposition à Québec n’ont pas manqué d’attaquer le gouvernement sur sa plus récente volte-face dans ce dossier délicat. Rappelons que le tunnel Québec-Lévis doit coûter de 6 à 10 milliards, selon les prévisions du gouvernement.

« François Bonnardel dit qu’il a écouté la population. Bien, s’il a écouté la population, il devrait retirer son tunnel au complet », a lancé la porte-parole libérale pour la Capitale-Nationale, Marwah Rizqy.

Le chef du Parti québécois a quant à lui accusé le gouvernement de « dessiner à la main » son projet de tunnel. « Il y a un déficit de crédibilité grandissant par rapport à ce projet », estime Paul St-Pierre Plamondon.

Avec la collaboration de Charles Lecavalier, La Presse