Alain Creton, patron fondateur du chic restaurant Chez Alexandre, rue Peel, a finalement réglé à l'amiable avec la Commission des droits de la personne pour une affaire de harcèlement sexuel à l'endroit d'une serveuse.

Désireux de «prouver son innocence», M. Creton, 64 ans, avait d'abord refusé les offres de règlement de 15 000 $, puis de 10 000 $ qui lui avaient été présentées. «Je pourrais faire comme 90% des compagnies, mettre un couvercle sur le chaudron, sortir une charte (contre le harcèlement en milieu de travail)... Mais j'ai voulu prouver mon innocence», a-t-il expliqué mardi, lorsqu'il a témoigné à son procès devant le Tribunal des droits de la personne.

Mais tard en soirée, hier, coup de théâtre: les parties sont parvenues à une entente, ce qui a mis fin abruptement au procès juste avant le contre-interrogatoire de M. Creton. Me Dominique L'Heureux, qui représentait M. Creton dans cette histoire, a indiqué à La Presse que le règlement n'impliquait aucune admission de culpabilité et que les détails étaient secrets.

L'entente a été conclue par les deux parties «pour contrôler l'issue du procès», a-t-il dit. Depuis l'ouverture du procès, lundi, d'ex-employés, principalement des femmes, avaient témoigné à charge contre M. Creton. Trois autres employés étaient venu parler en faveur de M. Creton. Quand il a témoigné à son tour, le coloré patron a parlé de l'évolution du restaurant, qu'il exploite avec succès depuis 1977. Il a longuement insisté sur les mots d'ordre de son restaurant, qui sont «l'élégance et le respect.» Ainsi, les mots «clients, apéro et serveuse» sont bannis de son restaurant et remplacés par «invité, consommation de la maison et jeune fille», parce que c'est «plus élégant».

Il a en outre expliqué qu'il permettait à ses «jeunes filles» de boire un verre ou deux lorsqu'un client l'offrait, à condition que ce soit du champagne. Encore là parce que c'est élégant. Un verre de champagne se tient «comme une fleur», a-t-il dit. Il a nié avoir fait des remontrances à ses «jeunes filles» sur des jupes trop longues, des décolletés pas assez profonds ou des talons trop bas. Il a bien sûr nié avoir fait quelque avance que ce soit à la serveuse en question.

La plaignante a dit que, chez Alexandre, elle se sentait parfois «comme une escorte» plutôt que comme une serveuse. On lui demandait d'aller «faire la belle» sur la terrasse dans les temps morts, pour attirer la clientèle. Elle a soutenu que, un soir, alors qu'il était ivre, attablé à la terrasse, M. Creton lui avait demandé: «Faites-moi un bonbon.» Ce à quoi la serveuse avait répondu, en termes pas élégants du tout: «J'ai-tu l'air d'un hostie de bonbon, tabarnak?» Selon elle, M. Creton avait rétorqué: «Tout se paie, dans la vie.»

Il est à noter que, en 1993, M. Creton avait été condamné à une amende et à une journée de prison après avoir été déclaré coupable, par un juge de la Cour du Québec, d'agression sexuelle et d'attouchements sur deux serveuses.