(Québec) L’État québécois a comme mission de gérer les routes et non pas le transport collectif, a plaidé la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, qui ne veut pas se faire refiler le déficit d’exploitation des sociétés de transport collectif.

« Gérer le transport collectif et les sociétés de transport, ce n’est pas une mission de l’État », a affirmé la ministre lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère.

Elle répondait aux questions du porte-parole de Québec solidaire en matière de transports, Etienne Grandmont, qui lui demandait pourquoi elle ne considérait pas que le réseau autoroutier était en « déficit ». « Généralement, le réseau routier au Québec ne génère pas d’argent. Est-ce que vous parlez d’un déficit quand on parle des routes ou c’est juste réservé pour le transport collectif ? », a demandé le député solidaire.

« Un déficit basé sur quoi ? Un déficit, c’est basé sur des dépenses et des revenus dans une organisation […]. Les routes, c’est nous qui les gérons. Je ne suis pas certaine que la comparaison tienne », a répondu Mme Guilbault. Les routes, « c’est une mission de l’État », a-t-elle rétorqué.

Important déficit

La question du déficit d’exploitation des sociétés de transport a été au centre des échanges durant cet exercice annuel de reddition de comptes.

Cette semaine, les maires du Grand Montréal ont indiqué qu’ils pourraient imposer jusqu’à 228 $ en taxe par auto sur tout le territoire métropolitain dès l’an prochain pour renflouer les transports en commun, qui font face à un déficit de près d’un demi-milliard, ou réduire les services.

Questionnée par le libéral Monsef Derraji, Mme Guilbault a souligné que l’an dernier, le gouvernement Legault a comblé 70 % du déficit des sociétés de transport de la CMM. « On est plus que généreux. Mais ça ne peut pas durer éternellement », a-t-elle dit.

Il faut trouver d’autres solutions que de juste transférer un déficit au gouvernement, déficit sur lequel le gouvernement n’a aucun contrôle direct parce qu’on n’est absolument pas impliqués dans la gestion des sociétés de transport.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable

Elle n’a pas voulu dire si elle préférait une hausse des taxes sur l’immatriculation ou une réduction des services pour les citoyens de la CMM.

Mais elle a martelé que « le transport collectif sur un territoire donné est d’abord et avant tout la responsabilité des élus et des gestionnaires du territoire donné, et non pas de l’ensemble des 9 millions de Québécois ».

Refiler le déficit

« Nous, on n’a pas le luxe de refiler notre déficit ailleurs. Chacun, comme j’aime bien dire, doit gérer sa fougère et trouver ses propres solutions. Ce n’est pas réaliste de penser qu’on peut juste transférer un déficit systématiquement au gouvernement », a dit la ministre des Transports et de la Mobilité durable.

Elle a été également questionnée par le Parti libéral et Québec solidaire sur le déficit du maintien d’actif du transport collectif.

M. Derraji s’est inquiété du délabrement du métro de Montréal dont certains tunnels et stations sont en piètre état. Le gouvernement du Québec utilise une échelle de A, en très bon état, à E, en très mauvais état.

« On n’est pas gestionnaire du parc d’infrastructures de la STM. Quand il me parle de tunnel qui a un D ou un E, je lui rappelle que j’ai 31 000 km de routes à entretenir pour lesquels il y en a pas mal aussi qui sont dans le C, le D et le E. Alors, chacun ses problèmes », a-t-elle lancé.

Pourtant, a plaidé le péquiste Joël Arseneau, le gouvernement a une politique de mobilité durable où il s’est engagé à augmenter l’offre de service.

« Le défi est de taille », a dit Mme Guilbault. Elle a maintenu que le gouvernement Legault donne des sommes records en transport collectif et que les villes devraient optimiser leurs services. Elle attend d’ailleurs en septembre les résultats d’un audit qu’elle a commandé auprès des sociétés de transport.

Elle a souligné que l’an dernier, Montréal avait menacé de fermer le métro le soir. Mais « 230 postes de moins à la STM plus tard, le métro roule toujours », a-t-elle ajouté.

« Difficile à suivre »

Ces déclarations peuvent sembler contradictoires. Mme Guilbault avait fait un voyage en Europe sur le thème du transport en commun. Elle récoltait des idées pour diversifier son financement. Elle avait notamment visité le métro de Paris. Elle doit également déposer un projet de loi pour créer une agence des transports, qui aura notamment la responsabilité de gérer la construction de réseaux de transport collectif.

Sur les médias sociaux, plusieurs ont réagi. « Difficile à suivre la ministre, d’un côté, elle fait mettre la mobilité durable dans le nom de son ministère, de l’autre, elle dit que le transport en commun ce n’est pas son problème », a souligné Christian Savard, le directeur général de Vivre en ville.

« En gros, elle dit que déplacer les citoyens de Longueuil, Laval, Montréal dans le métro, c’est pas sa responsabilité, mais que faire la A19 vers Bois-des-Filion, c’est sa responsabilité de payer […]. Pourquoi pour le même type de déplacement […] la responsabilité ne serait qu’aux villes pour le transport collectif, et qu’à l’État pour les autoroutes urbaines ? », a-t-il demandé.

Si tu penses que les services publics ne sont pas une mission de l’État, je propose un audit sur tes compétences de ministre (et de députée).

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois a souligné de son côté qu’« officiellement, Geneviève Guilbault est ministre des Transports et de la Mobilité durable ». « Si elle considère vraiment que la partie “mobilité durable ne la concerne pas”, je suggère humblement un changement de nom. Au moins, on sera fixé », a-t-il dit.

Le directeur des communications de la ministre Guilbault, Maxime Roy, a affirmé pour sa part en fin de journée sur X que les villes et Ottawa ont un « rôle à jouer » pour financer le transport collectif. « Quoi qu’en disent les oppositions, et ça mérite d’être répété encore et encore : JAMAIS UN GOUVERNEMENT N’A AUTANT INVESTIT EN TRANSPORT COLLECTIF », a-t-il écrit (dans un message que nous n’avons pas corrigé ici).