Fouiller dans la sacoche pour hommes d’un individu au comportement suspect ne constitue pas du profilage, a conclu un juge de la Cour du Québec le mois dernier. Ces accessoires de luxe sont même « la cachette par excellence » pour dissimuler une arme, selon sa décision.

Ce qu’il faut savoir

  • Les sacoches pour hommes griffées, aussi appelées man purses, sont souvent utilisées par les criminels pour transporter des armes à feu, rapportent les autorités.
  • Interpeller un individu suspect et fouiller sa sacoche de luxe ne constitue pas du profilage de la part des policiers, a tranché un juge de la Cour du Québec le mois dernier.
  • Deux témoins policiers affirment que dans 80 % des saisies d’armes illégales, le dispositif prohibé se trouvait dans une man purse.

« Les man purses sont très souvent utilisées pour transporter des armes à feu illégales. Cette réalité ne doit pas être ignorée », a tranché le juge Dennis Galiatsatos en mars dernier.

Marcus Nimeri, un Montréalais de 25 ans, a été déclaré coupable de possession d’une arme de poing prohibée et chargée, de port d’arme dissimulée et d’entrave à des agents de la paix.

Deux patrouilleurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont arrêté le jeune homme en octobre 2023 après avoir trouvé un pistolet Glock-19 dans sa sacoche pour hommes de marque Givenchy.

Il est devenu monnaie courante pour les criminels de cacher une arme dans une sacoche pour hommes griffée, apprend-on dans le jugement. L’avocat de M. Nimeri, MDavid Leclair, avait sollicité l’exclusion de l’arme à feu et des munitions saisies de la preuve, puisqu’il n’est pas interdit de posséder une sacoche pour hommes. « Ce simple fait ne peut constituer, en soi, un indice d’activité illégale. »

Le juge Galiatsatos a été sans équivoque : si les jeunes hommes sont mécontents de l’attention que les man purses attirent de la part des policiers, ils n’ont qu’à ne pas en porter, écrit-il.

« Cet accessoire de mode n’est aucunement relié à la culture, à l’identité ou à l’intégrité de la personne. Il est loin d’être essentiel. La mode est relativement récente. Depuis des décennies, les hommes se débrouillaient bien sans man purse. »

Arme chargée

M. Nimeri se baladait sur un trottoir du centre‑ville de Montréal non loin du Centre Bell un matin d’octobre 2023.

Lorsqu’il aperçoit la police, il entreprend des gestes maladroits visant à cacher sa sacoche de la vue des policiers, ont expliqué les agents Nicolas Boivin et Patrick Laleyan dans leurs témoignages.

Ceux-ci ont tout de suite remarqué sa sacoche, se doutant qu’elle renfermait une arme.

Le jeune homme marche d’un pas nerveux et zieute les policiers afin de vérifier si ceux-ci sont toujours à ses trousses. Il garde son bras raide et tente de dissimuler son sac.

L’accessoire signé Givenchy contenait effectivement une arme de poing illégale chargée et 5230 $ en argent comptant. Le pistolet avait été modifié au moyen d’un dispositif Glock switch lui permettant de tirer en mode automatique, comme avec une mitraillette.

Du profilage, dit la défense

MDavid Leclair, l’avocat de Marcus Nimeri, était d’avis que son client ne faisait que se promener paisiblement dans un endroit public. Les autorités n’avaient donc pas le droit de l’interpeller et de le fouiller.

Selon lui, ce sont surtout des gens « racisés », dont les personnes noires et arabes, qui sont susceptibles de porter des man purses.

La catégorie de « personnes avec une sacoche » n’est pas une classe protégée et elle ne doit pas le devenir, explique toutefois le juge Galiatsatos dans sa décision. Ces personnes ne constituent certainement pas une minorité discrète et isolée.

Les sacoches selon l’ENSALA

Selon l’un des deux policiers impliqués dans ce dossier, sur les 30 saisies d’armes de poing qu’il a effectuées dans sa carrière, 80 % de celles‑ci étaient dissimulées dans des man purse.

« Les policiers peuvent – et doivent – certainement porter une attention particulière aux man purses. C’est la cachette par excellence », a indiqué le juge dans sa décision.

La fameuse sacoche pour hommes est même évoquée dans une formation de l’Équipe nationale de soutien à l’application de la loi sur les armes (ENSALA) offerte aux policiers afin de reconnaître les signes caractéristiques d’un individu possédant une arme, lit-on dans le jugement.

« La formation énumérait les endroits les plus fréquents où étaient cachées les armes. Sur la liste figuraient les man purses, la ceinture et divers étuis différents. Dans la majorité des cas, les saisies étaient faites dans les man purses ou les ceintures. »