Un ex-fonctionnaire corrompu et sa conjointe, qui ne s'étaient pas présentés en cour la semaine dernière le jour où leur sentence devait être rendue, ont arraché un énième report, lundi, en prétextant une atteinte à leurs droits fondamentaux. « Je n’ai pas d’autre option. La justice doit parfois se presser lentement », a philosophé le juge Christian M. Tremblay en reportant la cause.

« C’est encore une stratégie pour étirer le temps pour ne pas avoir leur peine. […] On vous sort un lapin du chapeau à minuit moins une ! », a déploré le procureur de la Couronne fédérale, MFrédéric Carle. À la dernière audience, MCarle avait dénoncé les « stratégies machiavéliques » de Roger Adama Klouvi pour « gagner du temps ». Des juges ont d’ailleurs évoqué les mesures dilatoires du fraudeur dans les dernières années.

Il faut dire que le dossier de l’ex-fonctionnaire fédéral et de sa conjointe Ameoli Quambah Aquerebourou traîne depuis plus de sept dans devant les tribunaux. Les deux fraudeurs devaient finalement recevoir leur peine lundi matin, deux ans après la fin du procès. Roger Adama Klouvi risque une peine de 30 mois de pénitencier pour sa fraude de plusieurs dizaines de milliers de dollars à l’égard d’un programme de subventions pour aînés de Service Canada.

Le couple de fraudeurs avait provoqué la colère du juge Christian M. Tremblay, la semaine dernière, en ne se présentant pas à son audience sur la peine. Roger Adama Klouvi avait alors prétexté un « problème de communication » par visioconférence. « Je n’ai pas du tout apprécié votre absence. J’ai fait preuve de clémence », a fermement lancé le juge Tremblay en début d’audience lundi.

Mais les fraudeurs ont encore réussi à reporter l’inévitable. Roger Adama Klouvi et sa conjointe – qui se représentent seuls – ont fait savoir au juge leur intention de déposer une requête en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Les accusés prétendent que la Couronne ne leur a pas divulgué la copie miroir d’un ordinateur saisi par les policiers.

« Le fait de ne pas avoir reçu la totalité [de la preuve] a impacté notre capacité de nous défendre. Nous n’avons pas eu droit à une défense pleine et entière », a plaidé Roger Adama Klouvi.

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Roger Adama Klouvi et son épouse Ameoli Quambah Aquerebourou.

Or, cette preuve a été divulguée aux accusés il y a des années, selon MCarle. Le procureur s’explique d’ailleurs mal pourquoi les accusés ont attendu à la dernière minute pour intervenir.

« Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Le procès a eu lieu », s’est interrogé le juge Tremblay. Néanmoins, le magistrat a décidé d’accorder un mois aux fraudeurs pour produire une requête « articulée », afin de ne pas placer la Cour d’appel dans une « situation difficile ». Les accusés ont d’ailleurs fait appel du verdict de culpabilité. Précisons que les juges se doivent d’être plus souples à l’égard d’accusés qui se représentent seuls en vertu de la jurisprudence.

Mais le juge Tremblay a bien averti les accusés : pas question de reporter la cause à nouveau. « À la prochaine date, on procède ! Vous ne reporterez pas ça ad vitam æternam », a-t-il tranché. Le dossier a été remis le 5 octobre prochain.

Pendant des années, Roger Adama Klouvi a puisé dans un programme de subventions pour aînés de Service Canada grâce à d’ingénieux stratagèmes. Le fraudeur a profité du fait qu’il traitait lui-même les demandes de subventions du Programme Nouveaux Horizons pour les aînés (PNHA) du gouvernement fédéral pour ficeler de nombreuses subventions frauduleuses.

Avec l’aide de complices, M. Klouvi a mis sur pied des organismes communautaires bidon liés à la communauté togolaise de Montréal. Il révisait les faux projets de subventions, obtenait de fausses lettres d’appui et de fausses signatures, et autorisait la subvention dans son rôle de fonctionnaire fédéral. Un administrateur complice encaissait finalement les fonds et partageait l’argent entre les complices.