Une récente intervention du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans le quartier Villeray, où un agent semble maîtriser un jeune Noir en appuyant un genou sur son cou, fait débat. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a parlé jeudi d’images « préoccupantes », réitérant la nécessité de munir les patrouilleurs de caméras corporelles.

Les faits dans cette affaire se sont produits le 10 juin dernier. À l’origine, la police de Montréal dit avoir répondu à un appel au 911 de l’école secondaire Georges-Vanier pour une « bagarre d’une quinzaine de jeunes provenant de diverses écoles ». L’intervention a mené à « l’arrestation de deux mineurs pour port d’armes », confirme d’ailleurs la porte-parole du corps policier, Caroline Chèvrefils.

Dans les jours qui ont suivi, de nombreuses vidéos de la scène ont été publiées sur les réseaux sociaux. À un moment, on aperçoit l’un des deux policiers, qui n’ont pas été identifiés, poser son genou sur un jeune homme immobilisé au sol. Rapidement, la vidéo a été abondamment relayée.

« Les images qui circulent sont préoccupantes. L’analyse en cours doit permettre de faire la lumière sur l’ensemble de l’intervention », a réagi jeudi le cabinet de la mairesse Valérie Plante, en insistant sur le fait que les Montréalais « doivent pouvoir vivre dans des quartiers sécuritaires ».

PHOTO ARCHIVES JOSIE DESMARAIS

Valérie Plante, mairesse de la Ville de Montréal

Pour la Ville, les images de l’intervention « réitèrent encore une fois l’importance d’implanter des caméras corporelles, ce sur quoi nous travaillons avec nos partenaires ». L’administration Plante rappelle au passage avoir investi plus de 2 millions pour soutenir les organismes communautaires « qui font un travail essentiel de prévention de la violence auprès des jeunes », somme à laquelle s’ajoute l’enveloppe de 500 000 $ déjà annoncée par Québec pour soutenir des projets de prévention de la criminalité chez les jeunes.

« Nous continuons d’appuyer le SPVM afin d’éradiquer la présence d’armes sur notre territoire. Le gouvernement du Québec a annoncé cette semaine, en collaboration avec la Ville et le SPVM, une somme de 5 millions de dollars pour donner les ressources nécessaires à l’escouade ELTA [vouée à la lutte contre le trafic d’armes] », soutient aussi le cabinet de Mme Plante.

L’opposition veut une enquête indépendante

Pour le porte-parole en matière de sécurité publique de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Abdelhaq Sari, « ce genre de technique d’arrestation doit être utilisée uniquement en cas de danger imminent ; ce n’est certainement pas le cas lorsque le suspect est menotté ».

Une enquête indépendante devra être menée pour faire la lumière sur cet évènement. Si Projet Montréal avait accédé aux demandes d’Ensemble Montréal sur les caméras portatives, nous n’en serions pas là.

Abdelhaq Sari, conseiller de Marie-Clarac, pour qui les images diffusées soulèvent « de sérieuses questions »

L’élu de l’opposition rappelle au passage que son parti, Ensemble Montréal, a déposé en août 2020 une motion pour interdire aux policiers montréalais d’employer « toute technique empêchant la personne visée de respirer » sauf en cas de « dernier recours ».

Cette motion, qui avait été proposée dans la foulée de la mort de George Floyd, aux États-Unis, qui a suscité une onde de choc et une mobilisation mondiale contre la violence policière et le racisme, avait d’ailleurs été adoptée par le conseil municipal de Montréal, à l’époque.

« Une analyse est en cours », dit le SPVM

Appelé à réagir, le SPVM a indiqué avoir pris connaissance de la vidéo circulant sur les réseaux sociaux. « Une analyse est en cours, et nous ne ferons pas d’autres commentaires pour le moment », s’est contentée de dire l’agente Caroline Chèvrefils jeudi soir.

« Ceci étant dit, a-t-elle rappelé, il apparaît important de rappeler que, lors d’une intervention de la sorte, le rôle des policiers du SPVM est d’assurer la sécurité de tous, en fonction notamment du comportement des individus en cause. »

La police de Montréal soutient qu’à l’approche des vacances estivales, le poste de quartier 31 – celui situé dans le quartier Villeray – « agit en soutien aux écoles secondaires ». « Plus précisément, des agents sont présents sur le terrain pour assurer le bon déroulement de la fin des classes et dissuader les comportements problématiques chez certaines jeunes, par exemple, les bagarres et les conflits », a conclu Mme Chèvrefils.

Réaction à Québec

À l’Assemblée nationale, le député libéral et ancien conseiller municipal du district Saint-Michel, Frantz Benjamin, a écrit une lettre mercredi au directeur du SPVM, Sylvain Caron, pour réclamer la tenue d’une enquête sur cette affaire.

« Plusieurs extraits vidéo de cette arrestation circulant sur les réseaux sociaux choquent et montrent un comportement voire une attitude apparemment outrancière de la part de certains des policières sur la scène, d’autant plus qu’il me semble n’avoir observé aucune résistance des jeunes au moment de leur arrestation », affirme l’élu provincial, qui se demande s’il s’agit là de profilage racial ou de « stigmatisation des jeunes Noirs ».