(Ottawa) Choqué par le meurtre brutal d’une jeune femme à Québec qui aurait été commis la semaine dernière par un individu en semi-liberté déjà reconnu coupable d’avoir tué sa conjointe en 2004, le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a annoncé la tenue d’une enquête afin d’élucider les circonstances qui ont mené à cette funeste affaire.

Cette enquête doit permettre d’établir si la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada – deux organismes qui relèvent de son ministère – ont suivi les protocoles qui s’imposent avant d’accorder une libération conditionnelle au présumé meurtrier, Eustachio Gallese.

L’homme de 51 ans a été accusé jeudi dernier du meurtre sans préméditation de Marylène Lévesque, une travailleuse du sexe de 22 ans qui gagnait sa vie dans un salon de massage érotique à Québec. Le suspect s’est rendu de lui-même aux policiers mercredi soir dernier après avoir donné rendez-vous à la jeune femme dans un hôtel de Sainte-Foy. Il a été renvoyé en prison jusqu’à la suite des procédures.

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Marylène Lévesque

Eustachio Gallese avait obtenu une semi-libération de la Commission des libérations conditionnelles, notamment pour lui permettre de rencontrer des femmes, « mais seulement afin de répondre à [ses] besoins sexuels ».

Grand bruit aux communes

À la reprise des travaux parlementaires, lundi, cette sordide affaire a fait grand bruit à la Chambre des communes. Interpellé par le député conservateur de la région de Québec Pierre Paul-Hus sur les ratés du système judiciaire, le ministre Bill Blair s’est engagé à faire toute la lumière sur cet évènement tragique.

« La sécurité publique est et doit être la principale considération dans toutes les décisions en matière de libérations conditionnelles. La Commission des libérations conditionnelles prend ces décisions de manière indépendante. […] Dans le cas qui nous occupe, le commissaire du Service correctionnel et le président de la Commission des libérations conditionnelles se sont entendus pour mener conjointement une enquête pleine et entière sur les circonstances qui ont mené à ce cas tragique », a affirmé M. Blair, ancien chef de la police de Toronto, qui a aussi transmis ses condoléances à la famille de Marylène Lévesque.

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Bill Blair, ministre fédéral de la Sécurité publique

Il faut s’assurer que tous les protocoles ont été suivis et que l’on tire les leçons qui s’imposent.

Bill Blair, ministre de la Sécurité publique

« Il faut aller plus loin »

S’il accueille favorablement la tenue de cette enquête, le député Pierre Paul-Hus estime qu’il faut se pencher sur les lacunes du régime de libérations conditionnelles. À l’évidence, il y a eu des ratés inacceptables dans le traitement du dossier d’Eustachio Gallese. Il compte déposer une motion au comité de la sécurité publique de la Chambre des communes pour que les élus se penchent sur ces lacunes et proposent des mesures législatives pour les corriger.

« On ne peut pas s’opposer à une telle enquête. Par contre, je crois qu’il faut aller plus loin et plus rapidement. Je veux déposer ma motion dès la prochaine réunion du comité. On veut aller plus loin parce qu’il y a beaucoup de questions qui restent en suspens et qui méritent des réponses immédiates. Ce n’est pas vrai qu’on va attendre une espèce d’enquête qui pourrait prendre un an », a affirmé M. Paul-Hus à La Presse lundi soir.

M. Paul-Hus s’est notamment interrogé sur l’expérience des membres de la Commission des libérations conditionnelles qui ont été nommés au cours des quatre dernières années.

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Pierre Paul-Hus, député conservateur de Charlesbourg–Haute-Saint-Charles

Pourquoi la Commission a donné cette permission à un homme reconnu violent ?

Pierre Paul-Hus, député conservateur de Charlesbourg–Haute-Saint-Charles

Eustachio Gallese avait été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 15 ans en 2006 pour le meurtre particulièrement violent de sa conjointe, Chantale Deschênes, 32 ans, commis en 2004. La Commission des libérations conditionnelles, qui voyait en lui un « risque élevé de violence envers une partenaire » en 2007, avait révisé son évaluation depuis ce temps pour conclure à un « risque modéré ». Après des sorties supervisées amorcées en 2016, il avait obtenu une semi-liberté en maison de transition en mars dernier.

Le député libéral Joël Lightbound, dont la circonscription englobe la région de Sainte-Foy, a affirmé lundi qu’il avait du mal à s’expliquer pourquoi la Commission des libérations conditionnelles avait consenti à accorder une semi-libération à un homme ayant des antécédents de violence envers des femmes pour qu’il puisse assouvir ses besoins sexuels.

« Je ne me l’explique pas. La Commission d’ailleurs a été très claire que c’était complètement inapproprié. Et je pense que ça va faire partie de ce qui va ressortir de l’enquête aussi. Mais c’est pour ça qu’il y a une enquête », a-t-il dit.

« Une tragédie comme ça, ça doit être évité », a-t-il ajouté.

Satisfaction à Québec

À Québec, la ministre de la Justice Sonia LeBel, qui avait exigé des explications du gouvernement fédéral la semaine dernière dans la foulée du meurtre de la jeune femme de 22 ans, a accueilli favorablement l’annonce du ministre Blair.

« Nous sommes satisfaits que le ministre fédéral de la Sécurité publique annonce la tenue d’une enquête et que les Québécoises et Québécois obtiendront des réponses à leurs questions », a-t-elle écrit sur son compte Twitter.

La semaine dernière, Mme LeBel avait exprimé sa consternation devant la tournure des évènements, et exhorté Ottawa à rendre des comptes. « Les femmes doivent pouvoir se sentir en sécurité dans une société où nous aspirons à l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous souhaitons que lumière soit faite », avait-elle notamment déclaré.

— Avec Fanny Lévesque, La Presse, et La Presse canadienne