En plus du campement propalestinien installé à l’Université McGill, d’autres campeurs ont dressé une douzaine de tentes au square Victoria, au centre-ville de Montréal, mardi soir, pour dénoncer les démantèlements de campements de sans-abri par la Ville, alors que sévit une grave crise du logement.

On s’attend à ce que de plus en plus de locataires se retrouvent sans logis, à l’approche du 1er juillet. Or, la mairesse Valérie Plante a annoncé mercredi que la Ville consacrerait 3,5 millions à l’aide et à l’hébergement d’urgence pour les ménages dans le besoin, malgré le fait que ces services ont coûté 4,2 millions en 2023.

« L’objectif, c’est de ne laisser personne à la rue », a affirmé Mme Plante en conférence de presse.

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

Le nombre de demandes augmente d’année en année. En 2019, 350 personnes ont fait appel au service d’aide de l’opération 1er juillet, et en 2023, il y en a eu environ 900.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

On s’attend à une hausse de 10 à 15 % de la demande en 2024, a précisé Despina Sourias, conseillère municipale associée au logement au comité exécutif.

Les ménages qui n’ont pas trouvé de nouveau logement alors qu’ils doivent déménager ont droit à du soutien dans la recherche d’un toit et sont hébergés à l’hôtel quand ils ne trouvent pas d’appartement. Ces services sont offerts par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM).

Les sans-abri exclus

Les sans-abri, qu’ils vivent dans des campements ou dans des refuges, sont toutefois exclus de ces services, déplore Annie Savage, coordonnatrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) et l’une des organisatrices du campement au square Victoria.

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Nouveau campement au square Victoria pour dénoncer la crise du logement

« On leur répond qu’ils ont leur propre réseau de soutien. Des personnes déjà en situation d’itinérance se font dire : ‟Désolé, ça ne s’adresse pas à toi.” Après avoir perdu leur logement, il suffit qu’ils passent une nuit dans une ressource en itinérance, ils sont automatiquement exclus de l’opération 1er juillet. Ils sont basculés vers le milieu de l’itinérance, qui déborde », explique Mme Savage.

Elle rappelle que, selon le dénombrement de sans-abri réalisé en 2023, les évictions sont la première raison expliquant l’itinérance.

Au sujet de l’exclusion des sans-abri du programme d’aide de l’OMHM, Valérie Plante a répondu que ces personnes sont effectivement dirigées vers les refuges pour sans-abri.

« Oui, des personnes se retrouvent en situation d’itinérance parce qu’elles ont perdu leur logement, mais avec l’itinérance, il peut aussi y avoir d’autres problématiques. Ça peut être lié à la santé mentale, à la toxicomanie, il y a souvent une plus grande complexité », a-t-elle dit, admettant que les refuges sont souvent « à pleine capacité » et qu’ils ne sont pas des milieux de vie idéaux.

Stop aux démantèlements

Les campeurs qui ont pris le contrôle du square Victoria sont des travailleurs communautaires qui ont publié un manifeste dans lequel ils demandent notamment :

  • un moratoire sur le démantèlement des campements et abris de fortune, tant et aussi longtemps que des solutions adaptées ne seront pas déployées ;
  • d’impliquer les personnes qui habitent dans la rue dans les instances qui réfléchissent aux solutions et prennent des décisions qui les concernent ;
  • l’accès à des installations sanitaires pour ces personnes (eau, toilettes, douches), à la collecte des déchets, à des lieux chauffés en hiver et climatisés en été.

Selon des données compilées par La Presse en décembre dernier, la Ville a démantelé en 2023 au moins 460 campements de sans-abri, dont 420 dans Ville-Marie. Seulement pour cet arrondissement, c’est quatre fois plus qu’en 2021.

Lisez l’article « Campement de sans-abri à Montréal : plus de 460 démantèlements »

« Ces gens sont dans l’espace public faute d’alternative, ils ne dérangent personne, mais ça prend énormément de ressources pour les déloger, chaque semaine ou chaque mois », souligne Anick Desrosiers, intervenante psychosociale. « Comme ils n’ont nulle part ailleurs où aller, soit ils reviennent exactement au même endroit, ou ils vont s’installer dans des endroits où ils vont être encore plus précaires. »

La Ville de Montréal n’a pas l’intention de changer ses pratiques en ce qui concerne le démantèlement des campements, a affirmé Valérie Plante. Elle a réitéré que ce n’était pas « digne » de laisser des personnes vivre dans ces conditions et que la Ville tentait de les accompagner « de façon humaine » vers d’autres ressources, au moment de les déloger.

« Ce sont des situations extrêmement difficiles, où beaucoup de personnes vivent de la détresse psychologique », a-t-elle insisté.

Un campement, ce n’est pas un mode de vie : il n’y a pas d’eau, pas de toilettes, la question de la sécurité… Il y a des gens qui ont failli mourir dans des campements à cause de l’explosion d’une bonbonne de gaz, une tente a pris feu l’année dernière.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Avant de se retrouver à la rue, les personnes à risque de perdre leur logement peuvent communiquer avec le 311 pour être dirigées vers les services de l’OMHM, qui sont offerts toute l’année.

L’organisme a reçu 176 demandes d’aide au relogement depuis le début de 2024. De ce nombre, 13 ménages ont eu besoin d’un hébergement temporaire. Depuis 2020, environ 880 demandes d’aide au relogement ont été reçues par an et plus d’une centaine de ménages ont été hébergés chaque année. Par exemple, en 2023, 134 ménages ont été hébergés à l’hôtel, pour une durée moyenne de 70 jours.

Même si la Ville a annoncé 3,5 millions pour venir en aide à ces personnes pour 2024, des sommes complémentaires pourront être ajoutées au besoin, indique un porte-parole de la mairesse.