Les deux antennes Deux-Montagnes et Anse-à-l’Orme du Réseau express métropolitain (REM) qui devaient être livrées fin 2024 sont reportées à 2025, en raison des travaux en cours dans le tunnel Mont-Royal. Une nouvelle tuile sur l’ambitieux projet, après une mise en service en dents de scie du tronçon reliant Brossard à Montréal.

16 h 30, terminus Côte-Vertu. Ils sont des dizaines à faire la queue en attendant la navette qui les mènera à Deux-Montagnes, mercredi. Le soleil d’après-midi qui plombe sur le quai d’embarquement détonne avec la mauvaise nouvelle que les usagers viennent de recevoir : l’arrivée du REM à Deux-Montagnes est reportée d’un an. Encore.

Au bout de la file d’attente, Nunzia Pietrangelo lâche un juron en apprenant l’annonce. « C’est très frustrant, je suis vraiment triste », lance-t-elle. Celle qui habite Deux-Montagnes depuis un an comptait les jours avant l’arrivée du train près de chez elle. « Je faisais déjà des plans pour aller voir des concerts en ville, puisque je n’aurais plus à m’en faire pour le métro et le bus. »

La jeune femme n’est pourtant pas surprise que le REM tarde à prendre les rails. « C’est toujours comme ça, ici », laisse tomber la Deux-Montagnaise.

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Nunzia Pietrangelo attendait avec impatience l’arrivée du REM à Deux-Montagnes.

Dans un communiqué paru mercredi, CDPQ Infra, la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui gère le train léger, a indiqué que ses équipes « ont multiplié les efforts pour optimiser les échéanciers », mais que « malgré tout, des travaux d’une grande complexité pour moderniser le tunnel Mont-Royal doivent se poursuivre ».

Résultat : les tests de ce segment « ne pourront pas commencer pour l’ouverture prévue initialement [à la fin de 2024] et repousseront la mise en service pour l’antenne Deux-Montagnes et Anse-à-l’Orme », a confirmé la Caisse, sans s’avancer davantage sur un nouvel échéancier plus précis. Des tests dynamiques seront toutefois lancés sur ces tronçons d’ici quelques semaines.

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Station Montpellier du REM Deux-Montagnes

Alors, à quand l’ouverture ? Le PDG de la Caisse de dépôt et placement, Charles Emond, se limite à parler d’une mise en service « en 2025 ».

« Tous les travaux d’infrastructures sont terminés : antenne et tunnel. On va commencer les tests au niveau de l’antenne. Pour le tunnel, ce qui reste, c’est de l’électricité, ventilation, câblage. Il y a 600 kilomètres de câbles à mettre. Et ce sont les tests qui vont faire foi de tout pour la suite », a-t-il affirmé lors d’une courte mêlée de presse à Québec, à la sortie de l’étude des crédits budgétaires du ministère des Finances en commission parlementaire.

Selon nos informations, la mise en service n’est pas non plus prévue pour les premiers mois de 2025. Il faut donc s’attendre à un retard d’au moins plusieurs mois, voire près d’un an.

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Chantier du REM de l’aéroport en décembre 2022, ouverture prévue en 2027

Quant au tracé devant relier l’aéroport au centre-ville, la livraison est toujours prévue en 2027 seulement, des travaux de construction de la station devant d’abord avoir lieu jusqu’en 2026. Aucun détail supplémentaire n’a été donné à ce sujet.

Sur le quai du terminus Côte-Vertu, Zamy Dieumatant soupire. Celle qui a déménagé à Deux-Montagnes il y a un an ne s’attendait pas du tout à ce que le REM soit reporté. « Ils ont fait des travaux tout l’hiver, pourtant… J’avais hâte que ça commence, moi », déplore-t-elle.

Faire les choses « comme il faut »

« Nous sommes évidemment déçus de ce délai », a réagi mercredi le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en disant toutefois comprendre que la Caisse « doit faire des tests additionnels pour assurer la conformité et la fiabilité du système ». « Qu’on prenne le temps de le faire comme il faut. Je pense que c’est mieux que d’aller trop vite et qu’après, les mêmes personnes qui dénoncent le délai dénoncent le fait que ce n’est pas à point », a évoqué Mme Guilbault lors des études de crédits, à Québec.

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Chantier du tronçon Anse-à-l’Orme, en septembre 2021

Chez Trajectoire Québec, un organisme défendant les droits des usagers, la directrice Sarah V. Doyon cachait aussi mal sa déception. « Je ne peux pas dire que ce soit une surprise. Le REM nous a habitués à des reports. Mais c’est très décevant. Et surtout, ça arrive très tard. Encore une fois, on laisse les usagers dans le flou sans donner de date approximative. C’est l’histoire qui se répète », souffle-t-elle.

À Deux-Montagnes, le maire Denis Martin déplore être « dans le néant ». « Pour les résidants ici, cinq ans d’interruption de service, c’est énorme. On comprend qu’ils en ont assez. Le service de navettes fonctionne, mais il est de plus en plus achalandé. Et c’est quand même 40 minutes de plus aller-retour. La patience des gens a des limites. Il faut qu’on passe à autre chose », dit-il.

« C’est très frustrant »

Assise dans l’abribus, au terminus Côte-Vertu, Nachida Slimani était la première arrivée dans la queue pour la navette, qui remplace la ligne de train fermée depuis 2020. « Il faut s’organiser en conséquence, monter les marches du métro en courant par peur de louper le bus, parce que sinon, on doit l’attendre 20 minutes de plus », explique la Deux-Montagnaise.

Elle déplore que le REM mette autant de temps à arriver sur les rails. « Je suis venue au Québec pour une meilleure vie, pas pour avoir des services médiocres », déclare celle qui est originaire de l’Algérie.

Michel Levesque n’est quant à lui « pas surpris du tout » de l’annonce de CDPQ Infra. « Je vais avoir 65 ans, et je ne m’attendais pas à voir le nouveau train avant de prendre ma retraite », ajoute le sexagénaire avant d’éclater de rire.

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Michel Levesque n’est pas surpris que l’arrivée du REM à Deux-Montagnes soit reportée.

« Je trouve ça malheureux, tout de même. Ça aurait été utile pour beaucoup de monde », lance le Deux-Montagnais, par-dessus le bruit du moteur de la navette qui s’arrête près de lui.

À 18 ans, Yasmine ben Lamine ne se laisse pas décourager par la nouvelle. « Avec le REM, ce serait plus facile, mais en attendant, je profite de la navette pour étudier », explique celle qui est inscrite en sciences de la santé au Collège Marianopolis.

« Par contre, je sais qu’à Brossard, ils l’ont déjà. Bien nous aussi, on aimerait l’avoir ! », lance la jeune femme, avant de monter dans la navette.

Avec Tommy Chouinard, La Presse

En savoir plus
  • 26 millions
    Selon un document de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) révélé par La Presse la semaine dernière, le REM présente pour le moment un déficit global de quelque 22 millions, avec des revenus totaux d’environ 57 millions et un coût global de 79,2 millions.
    Source : ARTM